Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
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DUFILHO (Jacques) (suite)

En 1972, Jean-Louis Trintignant n'hésite pas à lui confier le rôle principal de son premier film, Une journée bien remplie, ce qui incite d'autres cinéastes à le choisir pour des films « sérieux », où il peut prouver qu'il est plus qu'un simple amuseur (Ce cher Victor, Robin Davis, 1975 ; la Victoire en chantant, J.-J. Annaud, 1976 ; le Crabe-Tambour, P. Schoendorffer, 1977 ; Nosferatu, fantôme de la nuit, W. Herzog, 1979 ; Un mauvais fils, C. Sautet, 1980 ; Mangeclous, M. Mizrahi, 1988 ; la Vouivre, Georges Wilson, 1989) ; Pétain (J. Marbœuf, 1993, rôle-titre).

DUFLOS (Hermance, dite Huguette)

actrice française (Limoges 1887 - Paris 1982).

Au temps du muet et à la Comédie-Française, elle joue longtemps les pures héroïnes éprouvées par les coups du sort. Elle est ainsi Suzel (l'Ami Fritz, R. Hervil, 1919) et la grande duchesse Aurore (Koenigsmark, L. Perret, 1923), Mademoiselle de la Seiglière (A. Antoine, 1920) et Fleur de Marie (les Mystères de Paris, Charles Burguet, 1922). En raison de l'emphase de son jeu, le parlant lui est moins favorable ; elle montre pourtant de la grâce dans les Perles de la couronne (S. Guitry, 1937) et de l'émotion dans Maman Colibri (J. Dréville, 1937), hommage à son passé de jolie femme.

DUGOWSON (Maurice)

cinéaste français (Saint-Quentin 1938 - Paris 1999).

Il travaille essentiellement pour la télévision mais s'est fait remarquer au cinéma par des œuvres poétiques et douces-amères (Lily, aime-moi, 1975 ; F. comme Fairbanks, 1976 ; Au revoir, à lundi, 1979). En 1983, Sarah aborde un registre plus grave — et sans doute moins convaincant — en évoquant un microcosme tragi-comique : celui d'une équipe de cinéma dont le tournage est soudainement interrompu. Il se consacre ensuite essentiellement à la télévision et revient à la réalisation en 1994 avec la Poudre aux yeux.

DUHAMEL (Antoine)

musicien français (Valmondois 1925).

Élève au Conservatoire de René Leibowitz, Norbert Dufourcq, Olivier Messiaen, il participe aux expériences de musique concrète du Club d'essai de la radio (1955). Son œuvre nombreuse et diverse comprend très tôt des compositions pour films publicitaires, d'art (Hartung, A. Resnais, 1948), ou d'animation, puis pour des longs métrages. Il collabore ainsi avec Astruc, Condroyer, Granier-Deferre, Godard (Pierrot le Fou, 1965 ; Week-End, 1967), Ivens, Freda (Roger la Honte, 1966), Truffaut (Baisers volés, 1968 ; l'Enfant sauvage, 1970), Tavernier (Que la fête commence, 1975), Cassenti (la Chanson de Roland, 1978), se montrant attentif à l'évolution des formes, aux exigences des genres, sans mépriser les goûts du public ni surestimer le rôle de la musique dans l'équilibre sonore du film.

DUKE (Daryl)

cinéaste canadien (Vancouver, Br. Col., 1932).

Formé principalement à la télévision, Darryl Duke a le sens de l'atmosphère, comme il l'a montré dans Payday (1973), qui rendait avec justesse la route et les petites villes américaines. En France, on a exploité en salle un film de télévision, d'ailleurs excellent, de ce cinéaste discret mais sensible, le Sourire aux larmes (Griffin and Phoenix, 1976), qui racontait les amours de deux mourants avec un sens inattendu de la drôlerie. Il a aussi tourné un policier efficace, l'Argent de la banque (The Silent Partner, 1978) avant d'adapter le best-seller de James Clavell Tai-Pan (1986).

DULAC (Germaine Saisset-Schneider, dite Germaine)

cinéaste française (Amiens 1882 - Paris 1942).

Férue de musique et de photographie, cultivée, ayant un peu pratiqué le journalisme et collaboré à des revues féministes, celle qui allait devenir le « cœur » de l'avant-garde française des années 20 réalise son premier film (produit par son époux Marie-Louis Albert-Dulac) en 1915 : les Sœurs ennemies, un mélodrame historique avec Suzanne Després. Suivent quelques travaux sans grande ambition, dans le goût du temps, Géo le mystérieux (1916), Vénus Victrix (id.) ou Dans l'ouragan de la vie (id.). Mais Âmes de fous (1918) est un serial insolite, où perce un humour inhabituel à ce genre de production. L'interprète est Ève Francis, qui lui fait connaître son fiancé, Louis Delluc. Sous l'influence de ce dernier, Germaine Dulac s'oriente vers un style plus raffiné, un exotisme de bonne tenue : après le Bonheur des autres (1918), elle tourne la Fête espagnole (1920), sur un scénario de Delluc qui transpose assez habilement la Carmen de Mérimée, film qui lui vaut un certain succès dans les cénacles parisiens. Sa ligne est tracée : elle cultivera un cinéma de recherche, jouant de la gamme des flous, des surimpressions et autres procédés « esthétiques » visant à approfondir la forme au détriment du scénario. L'Herbier, Epstein, Gance et Delluc lui-même la suivront sur cette voie, dite « impressionniste ». Des films tels que la Cigarette (1919), Malencontre (1920), la Belle Dame sans merci (1921), la Mort du soleil (id.) et surtout la Souriante Madame Beudet (1923, d'après la pièce de Denys Amiel et André Obey), affirmeront ces conceptions. Les films ne sont plus des narrations linéaires, lourdement ponctuées d'intertitres, ils tendent à devenir de véritables « symphonies visuelles ». Mais le grand public renâcle... Germaine Dulac fait donc quelques concessions au commerce, et c'est Gossette (1923) et le Diable dans la ville (1925), deux productions de Louis Nalpas, qui dénotent chez la réalisatrice — la seconde surtout, soutenue par un excellent scénario de Jean-Louis Bouquet — une veine « irréaliste » inattendue, qu'elle va exploiter dans Âme d'artiste (1925) et la Folie des vaillants (1926), films d'atmosphère russe débordants de fantaisie, trop contrôlée en revanche dans Antoinette Sabrier (1928), besogne nettement académique. Et c'est, en 1927, la curieuse association Germaine Dulac-Antonin Artaud (« le mariage de la carpe et du lapin », selon Charles Ford) pour la Coquille et le Clergyman (CM), qui déchaîna les tollés que l'on sait (un spectateur s'étant écrié, lors de la présentation du film aux Ursulines : « Germaine Dulac est une vache », opinion que le poète aurait publiquement entérinée). En fait, le film faisait apparaître aussi bien les audaces que les limites de la « deuxième avant-garde », Germaine Dulac s'en tenant à ses fioritures abstraites là où Artaud espérait véhémentement frapper un grand coup. Désormais, Germaine Dulac ne tournera plus que de brefs essais de « cinéma intégral », variations sur des poèmes de Baudelaire ou des motifs musicaux de Chopin ou Debussy (l'Invitation au voyage [CM, 1927], Disque 927 [id., 1928], Thèmes et Variations [id., id.], Étude cinématographique sur une arabesque [id., 1929]), filmage au ralenti de... la germination d'un haricot ! (Germination d'un haricot, CM, 1928). Une ultime tentative dans la fiction, la Princesse Mandane (1928, d'après Pierre Benoît), se soldera par un échec. Incapable de s'adapter aux lois du parlant, elle se recycle comme directrice adjointe aux Actualités Gaumont, poste qu'elle occupera jusqu'à sa mort.▲