Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
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MAKAVEJEV (Dušan) (suite)

Il tourne son nouveau film, Sweet Movie (id., 1974), en France. D'une forme encore plus libre, l'œuvre déconcerte. Elle pousse à l'extrême la veine surréaliste du cinéaste sous la forme d'une fable sanglante où la caricature se mêle à un lyrisme échevelé. Une vision tragique de la vie y va de pair avec une volonté de libération à l'égard de tous les tabous. Le poète en Makavejev semble faire de l'anarchie une défense vitale face aux contraintes sociales. La même année, il signe sous le pseudonyme de Sam Rotterdam Politfuck, l'un des épisodes du film Rêves humides (Wet Dreams), coréalisé entre autres par Nicholas Ray, Max Fischer, J.J. Thorsen, N. Dragic, G. Koiman, sorti en France dans des salles vouées aux films érotiques.

Les Fantasmes de madame Jordan (Montenegro/Pigs and Pearls, 1981), qu'il réalise en Suède, reprend dans un registre plus accessible les thèmes du cinéaste en les édulcorant. Le contraste à Stockholm entre le monde dionysiaque des travailleurs immigrés yougoslaves et celui d'une bourgeoisie puritaine permet à Makavejev d'exercer une fois de plus ses dons de satiriste. Il poursuit son errance en tournant, en Australie, The Coca-Cola Kid (1985), comédie où il se moque de la société de consommation et de la naïveté d'un vendeur américain. Son déracinement est peut-être à l'origine du demi-échec de Pour une nuit d'amour / Manifesto (Manifesto, 1987), produit par la Société Cannon, et de Gorilla bathes at Night (1992). En 1995, il signe le documentaire A Hole in the Soul. Malgré les aléas d'une carrière cosmopolite, Makavejev a néanmoins marqué de sa forte personnalité le cinéma d'après la Nouvelle Vague et — en tout état de cause — il est un de ceux qui ont le mieux exprimé le bouillonnement des idées si caractéristique des années 60. ▲

MAKHMALBAF (Mohsen)

cinéaste iranien (Téhéran, 1957).

Abandonné par son père, il est élevé par une grand-mère très pieuse. À quinze ans, il quitte le lycée pour trouver du travail. Sous l'influence de son beau-père, il s'engage politiquement et se trouve un jour de 1974 pris dans l'attaque d'un commissariat de police. Il fera cinq ans de prison dans les geôles du Shah. Libéré lors de la révolution islamique, il commence à écrire et publie plusieurs textes au début des années 80. À la même époque, il fonde le Comité pour la propagation de la pensée islamique, puis s'oriente brusquement vers le cinéma. Scénariste, il accède à la mise en scène en 1982 avec le Repentir de Nassouh (Tobeh-Nassouh). Il enchaîne alors film sur film : Deux Yeux morts (Do Chashme Bisou, 1983), Fuite entre Diable et Dieu (Sté azeh, 1984), et surtout trois longs métrages qui vont établir sa réputation dans son pays : Boycott (1985), le Camelot (Dastforoush, 1987) et le Cycliste (Baycikelran, 1989). Il s'impose alors comme l'un des cinéastes les plus originaux d'Iran avec Kiarostami, Mehrjui, Beyzaï et Ayyari, tourne successivement la Noce des bénis (Arousi-ye Khouban, 1989), le Temps de l'amour (Nobat-e-Ashegi, 1990, qui est interdit de diffusion en Iran), la Nuit de Zayandeh Roud (Shahha-ye Zayandeh Roud, 1991), Il était une fois le cinéma / Nasseredin Shah, acteur de cinéma (Nasseredin Shah Actor-e Cinema, 1992), l'Acteur (Honarpisheh, id.), Extraits des images de la période Ghadjar (CM, id.), la Pierre et le Verre (CM, 1993), Ezatollah Entezami (CM, id.), Salam Cinema (id.). Dans ce dernier film, à la fois drôle et cruel, Makhmalbaf démontre que le cinéma en Iran n'a pas perdu son pouvoir hypnotisant d'usine à rêves – le sujet est en effet la fascination exercée sur toute la population, hommes et femmes, jeunes et vieux, par une petite annonce cherchant à recruter cent comédiens pour le tournage d'un film. Makhmalbaf, célèbre désormais dans son pays, nous renvoie le miroir d'une société régie à la fois par des tabous et des mirages. En 1992, sa notoriété fit de lui le héros d'un fait-divers, base du film Close-up de Kiarostami : un chômeur se fait passer pour le cinéaste et réussit à s'introduire dans une famille bourgeoise de Téhéran sous le prétexte de faire un film. Il réalise ensuite le Temps de l'amour (Nobât e Ashéghi, 1994), Gabbeh (1996), Un instant d'innocence (Nun va goldoon, id.), le Silence (Sokout, 1998), coproduction irano-franco-tadjike, tournée avec des acteurs locaux dans un village du Tadjikistan, l'une (la Porte) des trois parties qui constituent les Contes de Kish (Ghesse Hayé Kish, 1999) et Kandahar (Safar e Gandehar, 2001) sur la situation des femmes afghanes.

Il est le père de la cinéaste Samira Makhmalbaf, auteur de la Pomme (Sib,1998) et du Tableau noir (Takhté Siah, 2000).

MAKINO (Masahiro)

cinéaste japonais (Kyoto, 1908 - Tokyo 1993).

Fils aîné du cinéaste pionnier Shozo Makino, Masahiro fait son apprentissage comme figurant dans les films de son père. Il commence une carrière prolifique en 1926 (à l'âge de 18 ans !) avec la Poupée aux yeux bleus (Aoi me no ningyô), qui sera suivie de près de 150 films. Originaire de Kyoto, il tourne essentiellement des jidai-geki (films historiques), tel le célèbre Quartier des Rônin (Rônin-gai, en trois parties, 1928/1929), qui fera l'objet de plusieurs remakes, y compris par lui-même (1957). Sa vision critique de la période des Tokugawa apparaît dans des films comme le Lieu d'exécution (Kubi no za, 1929), ou les 47 Rônins en colère (Hara no tatsu Chushingura, 1929), ou Histoire de la fin du Bakufu (Bakumatsu Fuunki, 1931). Traversant toutes les périodes de l'histoire du cinéma japonais, à raison de trois à dix films par an, M.Makino construit empiriquement une œuvre inégale, mais souvent remarquable, qui fait fi des modes et des courants. Il termine sa carrière en tournant de très nombreux films de yakuza, notamment dans la série intitulée Légende des yakuza du Japon (Nihon Kyokaku-den, une dizaine de films dans les années 60), et celle de Jirocho, jusqu'en 1971, avant de se retirer du monde d'un cinéma qui avait considérablement évolué.

MAKK (Károly)

cinéaste hongrois (Berretyóújfalu 1925).

Son premier film, les Pionniers (Uttörök, 1949), interdit par le pouvoir de Rákosi, n'est pas projeté. Il tourne en 1954 Liliomfi, comédie pleine de fantaisie et d'inventions, s'imposant aux côtés de Fabri et de Máriássy comme l'un des artisans du premier renouveau du cinéma hongrois. Il s'attache ensuite à décrire la réalité contemporaine dans des œuvres invitant le spectateur à la réflexion (Salle no 9 [A 9-es kórterem], 1955 ; En plein dans le mille [Mese a 12 találatról], 1956). Après un drame de l'après-guerre évoquant le tragique retour du soldat au foyer (la Maison au pied du roc [Ház a sziklák alatt], 1958), il tourne en 1961 les Obsédés (Megszállottak), premier film qui, depuis les événements de novembre 1956, aborde de façon critique un problème d'actualité perpétuel (la bureaucratie). Cette œuvre, primée par l'Association des critiques hongrois, ouvre une voie nouvelle de réflexion pour les créateurs. Après une douzaine d'années d'une production peu significative, il refait surface avec la nouvelle génération de cinéastes (dans Amour [Szerelem], 1970, il brosse un portrait bouleversant de deux femmes dans la période difficile des années 50). Il a également réalisé : la Trente-Neuvième Brigade (39-es dandár, 1959) ; Permis de marcher sur l'herbe (Fűre lépni szabad, 1960) ; le Paradis perdu (Elveszett paradicsom, 1962) ; l'Avant-Dernier (Az utolsó előtti ember, 1963) ; les Fugues de Sa Majesté (Mit csinált felséged 3-tól 5-ig ?, 1964) ; Vacances sans nuages (Bolondos vakáció, 1968) ; Devant Dieu et les hommes (Isten és ember előtt, id.) ; Jeux de chats (Macskajáték, 1974) ; Une nuit très morale (Egy erkölcsös éjszaka, 1977) ; Deux Histoires d'un passé tout récent (Két történet a félműltbol, 1980) ; Un autre regard (Egymásra nézve, 1982) ; Il faut jouer (Játszani kell, 1984) ; le Dernier Manuscrit (Az utolsó kézirat, 1987) ; Requiem hongrois (Magyar rekviem, 1990), Aimez-vous les uns les autres (Szeressük egymást gyerekek, 1996 : 2e épis.), le Joueur (A játékos, 1997). ▲