Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
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CINÉMASCOPE. (suite)

Le grand succès du CinémaScope, à l'époque où celui-ci était le seul procédé disponible d'écran large par anamorphose, conduisit très vite à ce que le nom de marque CinémaScope devienne un terme générique : on parla couramment de « film en CinémaScope », même si le film était tourné avec un autre procédé d'anamorphose. Cet usage persiste, bien qu'il ait tendance à s'effacer devant l'expression plus correcte « film en Scope ».

CINÉMATHÈQUE.

Organisme, public ou privé, à but non lucratif, ayant pour vocation d'assurer la conservation, le stockage et l'entretien du patrimoine cinématographique : films (en tous genres et tous formats), scénarios, maquettes, photos, affiches, livres, dossiers de presse, magazines et tout document intéressant l'histoire du cinéma, de ses origines à nos jours. Une cinémathèque se doit en outre d'organiser, dans un cadre non commercial, des projections publiques de films classiques ou contemporains, des rétrospectives, des expositions, et de faciliter la tâche des historiens et des chercheurs en leur donnant accès à ses collections et en organisant des séances de visionnement ponctuelles. De par leur rôle, les cinémathèques se trouvent confrontées à des problèmes techniques, dont l'urgence ne fait que croître avec le temps. Par exemple, il s'avère nécessaire de procéder à des restaurations de copies anciennes, à de nouveaux tirages d'intertitres, à des réétalonnages de séquences teintées ou virées, etc. Si le négatif a disparu (ce qui est souvent le cas pour les films muets), il convient de se livrer à une confrontation attentive des copies positives disponibles et d'établir un internégatif, afin de restituer, autant que possible, l'œuvre dans son intégrité. On a pu ainsi reconstituer, après de patientes recherches, des films ayant subi de graves mutilations, tels que l'Assassinat du duc de Guise, Intolérance, Métropolis, Napoléon, Casanova (Volkoff), l'Atalante, et même procéder à un montage de rushes abandonnés, comme dans le cas de l'Hirondelle et la Mésange (Antoine).

Historique.

En mars 1898, la première formulation de l'idée de cinémathèque est due à un opérateur polonais travaillant pour Lumière, Bolesaw Matuszewski, lorsqu'il suggère de créer un Dépôt de cinématographie historique. L'idée reste sans suite. À la fin des années 20, l'apparition du parlant achève de démoder l'œuvre des pionniers, et, dans la plus grande anarchie, on se débarrasse des énormes stocks de films muets commercialement inutilisables, et qui encombrent les entrepôts. Émus par ces destructions massives de pellicules, plusieurs critiques français (dont Léon Moussinac) demandent en vain, dès 1933, la constitution d'Archives du film. La même année, l'Académie suédoise du cinéma fonde à Stockholm la première cinémathèque des temps modernes : la Svenska Filmsamfundets Arkiv. Par la suite, des organismes similaires apparaissent, essentiellement en Europe. En 1934, Josef Goebbels, ministre du Reich à l'Information et à la Propagande, crée à Berlin une cinémathèque d'État, la Reichsfilmarchiv. L'année suivante naissent successivement la National Film Library (Londres), la Film Library du Museum of Modern Art (New York) et la Cineteca Nazionale (Rome). En 1936 est fondée à Paris la Cinémathèque* française, alors qu'en 1938 est créée la Cinémathèque royale de Belgique (Bruxelles). Enfin, le 17 juin de la même année, la Fédération internationale des archives du film (FIAF) voit le jour. Organisme mondial, créé sur l'initiative des cinémathèques française, anglaise, américaine et allemande, la FIAF a pour but de coordonner le travail de chaque équipe nationale, de le centraliser et de permettre ainsi un contact efficace entre les différentes cinémathèques. Son rôle est de grouper les organisations qui se consacrent à la conservation des richesses cinématographiques, de faciliter les échanges internationaux de films et documents, et de promouvoir l'art et la culture cinématographiques. Au lendemain de la guerre et dans les années 50, des cinémathèques nouvelles éclosent un peu partout dans le monde. Créée à la fin des années 30 par un groupe de jeunes antifascistes, la Cineteca italiana (Milan) est officiellement fondée en 1947. La même année est instituée par décret la Cinémathèque d'État de l'Union soviétique, à Moscou (Gosfilmofond), qui passe pour avoir les collections les plus riches du monde avec la Cinémathèque française. En 1950 est inaugurée à Lausanne la Cinémathèque suisse. Enfin, la Staatliches Filmarchiv des DDR (Berlin-Est), fondée en 1955, héritant d'une grande partie du fond de l'ex-Reichsfilmarchiv, est la dernière en date des grandes et riches collections.

Les membres de la fédération ont des statuts très dissemblables : les uns sont intégrés totalement à l'État (c'est le cas de la Belgique, de la Suisse, de la Grande-Bretagne ), d'autres ont conservé, par vocation ou nécessité, une relative autonomie (cinémathèques issues de collections particulières ou de ciné-clubs, comme on en trouve en France, en Italie ou en Allemagne). Qu'elles aient un monopole national, un statut d'association privée ou de fondation, les cinémathèques sont devenues, à une plus ou moins grande échelle, un service d'utilité publique, dont l'importance est reconnue dans le monde entier.

Il existe en France plusieurs cinémathèques aux statuts divers à Paris et en région : des archives d'intérêt national (Archives du film du CNC, Cinémathèque française, Cinémathèque de Toulouse, Institut Lumière à Lyon), des cinémathèques régionales, des cinémathèques dépendant d'institutions publiques (Établissement cinématographique et photographique des armées, Agriculture), des cinémathèques privées (Gaumont).

CINÉMATHÈQUE FRANÇAISE.

Association créée en 1936 à Paris par Georges Franju, Henri Langlois, Jean Mitry et Paul-Auguste Harlé, afin de défendre et sauvegarder le répertoire cinématographique.

De 1936 à 1977, la Cinémathèque française se confond avec la vie d'Henri Langlois. Ce collectionneur, fou de cinéma, conçoit, dès 1934, l'idée de conserver les films, particulièrement ceux de la période muette, qui vient de s'achever (1929-30), et qui sont vendus aux cinémas forains ou détruits. Il commence à récupérer des copies, qu'il entrepose chez lui, dans sa salle de bains, cela par mesure de sécurité ; les films étant inflammables, il faut un poste d'eau à proximité. De là naîtra la légende de la baignoire de Langlois. En 1936, quelques crédits ayant été mis à sa disposition, la Cinémathèque française est fondée, le 9 septembre. Le stock initial de 150 titres environ est déposé à la maison de retraite des comédiens, à Orly où, dans l'oubli, vit Georges Méliès. Pendant la guerre, la Cinémathèque est installée avenue de Messine et les films sont éparpillés par Langlois en zone libre afin de prévenir la confiscation ou la destruction, par l'occupant, des œuvres interdites. Ce sauvetage sera le fait de Lotte H. Eisner, qui, à la fin de la guerre, posera les jalons du musée du Cinéma, ouvert en 1980 (musée Henri-Langlois). En 1950, le film flamme est interdit sur tout le territoire français et la Cinémathèque est habilitée à recevoir en dépôt toutes les copies nitrate. En 1955, la Cinémathèque se voit attribuer la salle de projection de l'Institut pédagogique national, rue d'Ulm. C'est là, puis à partir de 1963, au palais de Chaillot, qu'auront lieu les projections, les cycles, les hommages qui feront entrer Langlois et la Cinémathèque dans la légende. En 1959, un incendie au siège de la Cinémathèque, rue de Courcelles, cause des dégâts importants. En 1960, la Cinémathèque française quitte la Fédération internationale des archives du film, dont Langlois avait été le co-fondateur en 1938 (elle y adhèrera de nouveau en 1982). La Cinémathèque française est, à cette époque, une association privée subventionnée par l'État ; les films sont donnés, prêtés ou mis en dépôt par les ayants droit.