Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
S

SIMON (Simone)

actrice française (Marseille 1911).

Des prénoms de femme, qui pourraient aussi bien être des noms de chatte ou des noms de fée, jalonnent la carrière de Simone Simon : Puck, Diane, Séverine, Irena, Joséphine... Après l'avoir vue sur scène dans le Bonheur Mesdames, Colette la décrivait en ces termes : « Vingt ans, pas de nez, ou si peu, un extraordinaire brio de mouvement, une petite voix juste, les yeux écartés l'un de l'autre, comme les pékinois de race pure... » C'est également cette « félinité » qui séduit Jean Renoir tandis qu'il cherche son héroïne de la Bête humaine (1938) et c'est elle encore qui lui vaut d'incarner, dans la Féline (J. Tourneur, 1942), une inquiétante femme-panthère. Suzanne Chantal, pour sa part, la surnomme « la renarde aux dents courtes », et Marc Allégret, qui la sacra vedette dans Lac aux dames (1934), la voit comme « un radium, et pas plus explicite que le radium ».

Elle avait débuté en 1931 dans un court métrage burlesque, On opère sans douleur. Après le succès de Lac aux dames et des Beaux Jours (M. Allégret, 1935), elle est engagée à Hollywood où, en dépit d'une cabale de dévots, que scandalise son insolente jeunesse, elle s'épanouit sous la direction d'Irving Cummings (Dortoir de jeunes filles [Girl's Dormitory], 1936), Henry King (le remake de l'Heure suprême, 1937), Allan Dwan (Josette, 1938), William Dieterle (Tous les biens de la terre, 1941), Jacques Tourneur (la Féline, 1942), Robert Wise (Mademoiselle Fifi, 1944), etc. Entre-temps, elle a fait un séjour en France, pour camper la perverse Séverine Roubaud de la Bête humaine. Il n'y avait qu'elle pour dire à Jean Gabin : « Ne me regardez pas comme ça, vous allez vous user les yeux ! » On la voit aussi dans Cavalcade d'amour, de Raymond Bernard (1940). Sa carrière d'après guerre sera moins riche, mais tout aussi allégrement menée : Petrus (M. Allégret, 1946), Femmes sans nom (G. Radvanyi, 1949), Olivia (J. Audry, 1951), Double Destin (Das zweite Leben, V. Vicas, 1955) et, surtout, deux films de Max Ophuls, la Ronde (1950), rôle de la soubrette qui se partage entre Serge Reggiani et Daniel Gélin, et le Plaisir (1952, le modèle répudié qui se suicide par désespoir d'amour). Dernière apparition, émouvante, dans la Femme en bleu, de Michel Deville (1973).

On a pu dire que Brigitte Bardot avait supplanté cette « femme enfant » dans le cœur du public. La vérité est qu'elle a un charme et une aura bien à elle, qui restent inimitables. Il n'est pas superflu d'ajouter que, longtemps après avoir déserté les caméras, Simone Simon est toujours la modestie, la fraîcheur, la grâce et la délicatesse mêmes.

SIMPLIFILM.

Procédé d'image composite, où la caméra, placée derrière une sorte de grande chambre photographique, enregistre simultanément l'image formée par l'objectif de la chambre et une photographie judicieusement découpée, placée au foyer de cette chambre. ( EFFETS SPÉCIAUX.)

SINATRA (Frank)

acteur et chanteur américain (Hoboken, N. J., 1915 - Los Angeles, Ca., 1998).

Après avoir été journaliste sportif, il obtient un prix dans un concours radiophonique et devient chanteur dans les grandes formations d'Harry James et, surtout, de Tommy Dorsey. Surnommé « la Voix », il devient bientôt l'idole des jeunes filles de l'Amérique en guerre. Il entre à Hollywood, logiquement, par le biais musical. Après s'être contenté de jouer son propre rôle de chanteur d'orchestre (Amour et Swing, T. Whelan, 1942), il joue le faire-valoir maigrichon et attendrissant de l'athlétique Gene Kelly (Escale à Hollywood, G. Sidney, 1945 ; Match d'amour, B. Berkeley, 1948 ; Un jour à New York, S. Donen et G. Kelly, 1949), position un peu inconfortable dont il se tire avec talent et humour. En revanche, les comédies musicales construites autour de lui se soldent par des échecs (Tout le monde chante, R. Whorf, 1947 ; le Bandit amoureux, L. Benedek, 1949) de même que ses premières prestations dramatiques (le Miracle des cloches, Irving Pichel, 1948).

Victime d'une hémorragie des cordes vocales au début des années 50, il voit sa carrière de chanteur et d'acteur soudain s'effondrer. C'est à ce moment qu'un modeste film Universal, Quand tu me souris (J. Pevney, 1952), le révèle dans un rôle trouble et attachant. Il se bat pour obtenir un rôle secondaire dans la grande production Tant qu'il y aura des hommes (F. Zinnemann, 1953) et accepte un cachet dérisoire de 8 000 dollars. Son excellente composition de soldat timide et écrasé lui vaut la consécration avec l'Oscar du meilleur second rôle. Dès lors, il entre dans la légende. Ayant retrouvé sa voix, il reprend sa carrière dorée de « prince des crooners », tout en continuant à tourner dans des films de qualité fort irrégulière.

Au mieux de son talent, pour peu qu'il s'en donne la peine, il n'a pas son pareil pour exprimer une décontraction « cool » proche de l'arrogance : ses rôles de célibataire endurci (le Tendre Piège, Ch. Walters, 1955), de batteur drogué (l'Homme au bras d'or, O. Preminger, id.), d'écrivain bloqué (Comme un torrent, V. Minnelli, 1959) ou de beau parleur aux abois (Un trou dans la tête, F. Capra, id.) en témoignent. Il peut être à l'aise dans tous les genres, du petit western qu'il produit lui-même, comme Johnny Concho (D. McGuire, 1956), où il joue un personnage de lâche minable, à la comédie mondaine prestigieuse de la MGM (Haute Société, Walters, id.), où il courtise Grace Kelly avec distinction.

Il s'est aussi acquis une réputation de dilettante capricieux et volontiers tyrannique : grisé par sa célébrité et ses relations toutes-puissantes, il a produit un certain nombre de ses films qui restent, faute de réelle direction — lui-même voulant tout contrôler —, fort médiocres. La fin des années 60 marque un retour à des rôles plus solides, notamment avec Tony Rome est dangereux (G. Douglas, 1967), le Détective (id., 1968) et la Femme en ciment (id., id.), trilogie où il incarne un personnage ambigu de détective privé, cynique et amoral, mais soucieux de sa dignité et finalement vulnérable.

Personnalité complexe et multiple, il peut simultanément exiger des cachets exorbitants et se montrer d'une extrême générosité pour des œuvres de bienfaisance, prendre de gros risques pour maintenir Albert Maltz — un des dix de Hollywood — comme scénariste de The Execution of Private Slovik, et produire des films dont les orientations sont tout sauf libérales.