Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
W

WESTERN. (suite)

Pour être secondes, ces sources n'en sont pas moins réelles ; le cinéma les a absorbées en leur ajoutant l'une de ses dimensions spécifiques, la capacité qu'il a lui-même de produire, par les moyens les plus divers, un « effet de réel » (par exemple en évoquant les éléments, la poussière, le sable et le sel des déserts, ou la pluie, la boue, la neige...) et à occuper des paysages typiques (Monument Valley). Par là le western cinématographique est susceptible de redonner à l'Ouest une présence, une réalité qui paraît, à tort ou à raison, première (impression qu'on ressent aussi, quels que soient les trucages, devant les chevaux, le bétail...). Entre la réalité de l'Ouest et sa représentation se joue un fascinant jeu de reflets réciproques ; par exemple, Annie, reine du cirque (G. Sidney, 1950), « musical » consacré à Annie Oakley, oppose aux paysages de l'Ouest les toiles peintes qui servent de décor au « Wild West Show » de Buffalo Bill.

Aussi est-il permis de penser que le cinéma a largement contribué à son tour à répandre le mythe de l'Ouest. Les circonstances historiques ont voulu que la naissance du cinéma fût exactement contemporaine de la disparition de la frontière ; il est donc logique que le film ait immédiatement paré l'Ouest des couleurs de la nostalgie, de l'innocence (récemment) perdue. Ce discours du western s'inscrit d'ailleurs dans une idéologie relativement précise : il exprime la fierté d'appartenir à une « union » en expansion dans le temps et dans l'espace. Le thème de l'Ouest s'entrecroise donc avec celui de la naissance d'une nation, comme en témoigne le grand nombre de westerns qui abordent la guerre de Sécession (citons notamment chez Ford, héritier de Griffith, les Cavaliers, 1959, et l'épisode la Guerre civile de la Conquête de l'Ouest, 1963). Mais la figure qui préside à la naissance du western est celle non pas de Lincoln mais de Theodore Roosevelt, le « rude chevaucheur », l'ami de Frederic Remington et du colonel Cody, le dédicataire du roman d'Owen Wister The Virginian (plusieurs fois adapté à l'écran, notamment par De Mille en 1914, et par Victor Fleming, avec Gary Cooper, en 1929) et, à titre posthume, de la Caravane vers l'Ouest de James Cruze.

WESTERN-SPAGHETTI.

Film d'aventures italien, le western-spaghetti imite le western américain en reprenant certains archétypes du genre mais en mettant l'accent sur certains épiphénomènes (violence gratuite, schématisme des situations) qui gomment l'aspect authentiquement historique de son modèle. Sergio Leone est le réalisateur qui a le plus contribué à la renommée du genre.

WEXLER (Haskell)

chef opérateur, cinéaste et producteur américain (Chicago, Ill., 1926).

Grand maître du noir et blanc à un moment où ce procédé agonise, il est responsable de la photographie de Qui a peur de Virginia Woolf ? (M. Nichols, 1966) et surtout d'America, America (E. Kazan, 1963). Il réalise un film très personnel, Medium Cool (1969), qui reste un des plus forts témoignages sur l'Amérique de la fin des années 60. Son engagement politique l'oriente vers des entreprises courageuses et parfois obscures, comme Introduction to the Enemy (1974), sur la guerre du Viêt-nam, qu'il coréalise avec, entre autres, Jane Fonda. Son travail est souvent marginal et vient en annexe à celui d'un autre chef opérateur, comme pour les Moissons du ciel (T. Malick, 1978), où il complète le travail de Nestor Almendros. Mais la splendeur de sa photo dans, par exemple, En route pour la gloire (H. Ashby, 1976) ne laisse aucun doute sur son grand talent. En 1985, il revient à la réalisation avec Latino et signe en 1989 les images de Blaze réalisé par Ron Shelton.

WEYHER (Ruth)

actrice allemande (Nowi-Wniasta, 1901 - Munich 1983).

Après avoir grandi dans une petite ville à la frontière entre l'Allemagne et la Pologne, elle s'installe à Munich, où elle se voit offrir le premier rôle de Die Wahrsagerin von Paris. Au cours des dix années qui vont suivre, elle devient l'un des visages familiers de l'écran allemand : Frauenbeichte (G. Lamprecht, 1921), le Monteur d'ombres (A. Robison, 1923), les Mystères d'une âme (G. W. Pabst, 1926). Elle apparaît dans des films d'aventure dont Luciano Albertini, Carlo Aldini ou Harry Piel régalent les publics les plus populaires et n'hésite pas à franchir les frontières pour le tournage de Königsliebchen (Hans Schall, 1924, au Portugal), Paris n'est pas Paname (Nikolaï Malikoff, 1927, en France), ParisKör (G. Molander, 1928, en Suède), Das grosse Hemd (Fritz Kaufmann, 1929, en Autriche), La Grazia (Aldo De Benedetti, 1929, l'un des derniers films muets italiens). Ruth Weyher met un terme à sa carrière après Sei gegrüsst, Du, mein schönes Sorrent (Romano Mengon, 1929, film tourné en muet puis sonorisé).

WHALE (James)

homme de théâtre et cinéaste américain d'origine britannique (Dudley Staffs, Grande-Bretagne, 1896 - Los Angeles, Ca., 1957).

D'abord dessinateur humoristique ou satirique, Whale, prisonnier en 1917, découvre le théâtre. Il s'y livre avec passion jusqu'en 1930, acteur, à l'occasion décorateur et, enfin, metteur en scène : le Grand Voyage (Journey's End, de Robert Cedric Sheriff) lui vaut un succès qui le conduit, en Amérique, à la deuxième passion de sa carrière, le cinéma. Il tourne Journey's End (id.) en 1930, collabore avec l'extravagant Howard Hughes aux Anges de l'enfer, et adapte une autre pièce de théâtre, Waterloo Bridge (id.), de Robert E. Sherwood (où apparaît Bette Davis aux côtés de Mae Clarke) en 1931. La MGM en tirera deux remakes (1940 et 1956). Universal confie la même année à Whale une autre adaptation : Frankenstein. Le film fait sensation, le monstre était Boris Karloff. Ce climat d'épouvante plaît à Whale, dont Une étrange soirée (1932), d'après J. B. Priestley, encore un huis clos éprouvant, laisse Charles Laughton aux prises avec Karloff et deux vieilles folles. L'Homme invisible (1933) est un coup de maître, magnifiquement photographié par Arthur Edeson, interprété par Mae Clarke et Lew Ayres, et, si les effets spéciaux impressionnants de simplicité, dus à John Fulton, marquent une date, Whale n'en a pas moins signé un film très personnel, digne du roman de H. G. Wells. Il récidive dans l'horreur avec la Fiancée de Frankenstein (1935), cette fois encore d'après la douce Mary Shelley ; cette affaire démoniaque achève le monstre, qu'Elsa Lanchester, comme lui fabriquée avec des morceaux, et qui porte comme des mèches d'orage sur la tête, trouve par trop dégoûtant. La carrière de Whale comporte ensuite des films à thèmes récurrents : la Grande Guerre, d'après un roman d'Erich Maria Remarque, mélo aux dialogues assez drôles : Après (1937) ; ou l'aventure, tel un Enfer vert (1939) très art déco, où pataugent Douglas Fairbanks Jr., George Bancroft et Vincent Price. Il a même tourné, lui aussi, et toujours pour Universal, une version de Show Boat (1936) avec Irene Dunne, Allan Jones et Paul Robeson et, ce qui étonne davantage, Port of Seven Seas, d'après Fanny de Marcel Pagnol, avec Wallace Beery dans le rôle de César et Maureen O'Sullivan dans le rôle de l'héroïne. Il abandonne les studios au début des années 40, à la suite, a-t-on dit, d'une histoire trouble, et se consacre à sa troisième passion, la peinture. Mort d'une chute dans sa piscine, dont les circonstances n'ont pas été ou établies ou révélées, sa personnalité, en fin de compte, ne dépare pas sa filmographie.