Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
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JASSET (Victorin Hippolyte)

cinéaste français (Fumay 1862 - Paris 1913).

D'abord décorateur et costumier de théâtre, il règle les pantomimes à grand spectacle de l'Hippodrome, salle qui deviendra plus tard le Gaumont-Palace. Il tourne ses premiers films, des documentaires et des « vues comiques », pour la jeune compagnie l'Éclair, avec Georges Hatot. En 1908, pour la société Éclair, ils portent à l'écran les exploits de Nick Carter, d'après les célèbres récits populaires des éditions Eichler. Le succès est immédiat : « Narration simple, poursuites, crimes, arrestations, guet-apens : tout cela convient à merveille au cinéma », peut-on lire dans Ciné-Journal (15 septembre 1908). Jasset et Hatot continuèrent sur cette lancée avec, notamment, Riffle Bill (« le roi de la prairie »), Morgan le pirate, le Vautour de la Sierra et de Nouveaux Exploits de Nick Carter. En 1909, Jasset tourne — seul — Docteur Phantom (en 6 épisodes), sorte de Caligari bienfaisant, puis un « grand film artistique », Hérodiade, et en 1911 la Fin de Don Juan, dans l'esprit du Film d'Art. Il revient à son inspiration favorite avec Zigomar, « le maître du crime », d'après le roman du Français Léon Sazie, interprété par Arquillère, dont le succès fut considérable et l'influence sur le Fantômas de Feuillade évidente. Cette « saga du crime » oppose l'infernale « bande des Z » au vaillant détective Paulin Broquet. Il y aura deux suites : Zigomar contre Nick Carter et Zigomar, peau d'anguille. De la même veine sera Protéa (1913), qui met en scène une belle espionne patriote, incarnée par Josette Andriot : la série sera poursuivie, après la mort de Jasset, par Gérard Bourgeois et Jean-Joseph Renaud. Jasset a réalisé ou produit de nombreux autres films : comiques, historiques, adaptations littéraires (les Mystères de Paris, le Capitaine Fracasse), « grands drames sociaux » (Au pays des ténèbres, Rédemption, les Batailles de la vie, le Chemin du cœur), films d'aventures (Meskal le contrebandier, Tom Butler, Balaoo d'après le roman de Gaston Leroux), et on lui en attribue plus encore, par exemple la célèbre série des Bandits en automobile (1912), inspirée des exploits de la bande à Bonnot, dont toutes les copies ont disparu comme la plupart des films précités. Ce qui subsiste de son œuvre permet d'affirmer qu'il fut l'un des plus « artistes » parmi les pionniers du cinéma : son sens du paysage, la fluidité de sa mise en scène, sa direction d'acteurs très sobre pour l'époque le font regarder parfois comme le précurseur du « réalisme poétique ».

JAUBERT (Maurice)

musicien français (Nice 1900 - Azerailles 1940).

Il commence par faire des études classiques, puis du droit. Avant de se consacrer entièrement à la musique (à l'incitation, entre autres, d'Arthur Honegger et de Marcel Delannoy), il est le plus jeune avocat de France. Mais il joue du piano depuis l'âge de cinq ans (il interprétera parfois ses œuvres en concert) et commence à composer dès 1920. Son œuvre se développe dès lors régulièrement : musique de chambre, mélodies, musiques de scène (notamment pour Jouvet)...

Son premier contact avec le cinéma date de 1926. Jean Renoir, son ami d'enfance, lui demande de réaliser la sélection musicale accompagnant les projections de Nana. En 1929, il compose sa véritable première partition pour le cinéma en écrivant la musique d'accompagnement pour l'exclusivité parisienne du Mensonge de Nina Petrovna (Die wunderbare Lüge der Nina Petrowna) de Hanns Schwarz, avec Brigitte Helm. Il travaille ensuite sur des courts métrages de Jean Painlevé (le Hyas ; Caprelles et Pantopodes ; le Bernard-l'ermite). En 1931, il écrit la musique du Petit Chaperon rouge, d'Alberto Cavalcanti. Certaines rencontres vont être déterminantes et Jaubert signe les partitions de Zéro de conduite et de l'Atalante, pour Vigo ; celle de L'affaire est dans le sac (1932), Drôle de drame (1937), Hôtel du Nord, Quai des brumes (1938), Le jour se lève (1939) pour Jacques Prévert et Marcel Carné ; celle de 14 Juillet (1933) et du Dernier Milliardaire (1934) pour René Clair. Pour Julien Duvivier, c'est Un carnet de bal (1937) et la Fin du jour (1939). C'est aussi Violons d'Ingres, pour J. B. Brunius, et de nombreuses partitions pour les films d'Henri Stork et Alberto Cavalcanti. La mort le surprend à la guerre, le 19 juin 1940. François Truffaut a utilisé des compositions de Maurice Jaubert dans l'Histoire d'Adèle H. (1975) et la Chambre verte (1978).

JEANMAIRE (Renée Jeanmaire, dite Zizi)

actrice française (Paris 1924).

Ballerine depuis l'âge de neuf ans, Zizi Jeanmaire manie avec la même aisance la danse classique, la danse moderne, la gouaille faubourienne et l'élégance huppée. Ayant fortement plu au public de théâtre américain au début des années 50, il était inévitable qu'elle paraisse à l'écran : c'est, en 1952, dans Hans Christian Andersen et la danseuse (Ch. Vidor), assez charmant musical qui la met bien en valeur. Depuis, ses prestations cinématographiques ont été des plus sporadiques. N'était-elle pas intéressée ? On peut le regretter, car son abattage dans des musicals français comme Folies-Bergère (H. Decoin, 1957) ou Charmants Garçons (id., 1958) avait de quoi séduire.

JEANSON (Henri)

scénariste, dialoguiste et cinéaste français (Paris 1900 - Équemauville 1970).

Il faut s'en tenir à son aventure cinématographique, laisser dans l'ombre sa carrière tumultueuse de journaliste où son talent s'éparpille dans des dizaines de feuilles avec une mention pour le Canard enchaîné. Il y tient la critique de radio et de cinéma sous le pseudonyme de « Huguette ex micro » et ses jugements sont redoutables et lapidaires. On ne peut s'attarder non plus sur sa situation de directeur de journal pendant l'Occupation. Épisode tragi-comique qui lui vaut d'être pourchassé par les Allemands et de disparaître dans la clandestinité. Il continue pourtant à écrire et des oreilles exercées peuvent reconnaître l'auteur en écoutant les répliques anonymes de Carmen (Christian-Jaque, 1945) ou de Farandole (A. Zwobada, id.). Très jeune, il est attiré par le cinéma et paraît brièvement dans le Coupable (Antoine, 1917) tandis qu'il pose pour des cartes postales naïves et attendries. Sa verve de polémiste va attirer l'attention d'Alfred Savoir, qui le fait entrer comme dialoguiste à la Paramount. Il y trouve son chemin de Damas et, dès lors, va effeuiller au gré des productions ses répliques percutantes et ses monologues mélancoliques. Il écrit en même temps une demi-douzaine de comédies. Sa recette : un tiers de mots à l'emporte-pièce, un tiers de sentimentalité à fleur de peau, un tiers de nostalgie tendre, car ce féroce a le cœur fondant mais craint d'en être dupe. Il douche ses élans, mais il a beau faire, sa petite musique arrive à se faire entendre. L'auteur s'écoute alors un peu parler, mais ce qu'il dit a un charme profond qui avive encore la verdeur de son jeu de massacre. Ainsi vont tous ses films, y compris Lady Paname, qu'il réalise lui-même en 1949. Une simple énumération fait alors se lever les souvenirs : Mister Flow (R. Siodmak, 1936), Pépé le Moko et Un carnet de bal (J. Duvivier, 1937), Hôtel du Nord (M. Carné, 1938), Prison sans barreaux (L. Moguy, id.), Entrée des artistes (M. Allégret, id.), la Nuit fantastique et l'Honorable Catherine (M. L'Herbier, 1942 et 1943), Boule de suif et Un revenant (Christian-Jaque, 1945 et 1946), la Vie en rose (Jean Faurez, 1948), Les amoureux sont seuls au monde (H. Decoin, id.), Au royaume des cieux (Duvivier, 1949), Fanfan la Tulipe (Christian-Jaque, 1952), la Fête à Henriette (Duvivier, id.), et tant d'autres encore.