Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
V

VALENTIN (Valentin Ludwig Fey, dit Karl)

acteur allemand (Munich 1882 - Planegg 1948).

Artiste de cabaret dans la tradition populaire munichoise, il développe un humour original fondé sur un sens très particulier de l'absurde, du burlesque et de la satire sociale qui lui attire la sympathie et l'admiration des écrivains de son temps, notamment de Bertolt Brecht. Dès 1912, il tourne à Munich quelques pochades très courtes, comme Karl Valentin en privé et dans son atelier (Karl Valentin privat und im Filmatelier, 1913) et le Nouveau Pupitre (Der neue Schreibtisch, 1914), où sa silhouette de clown dégingandé s'égaye avec malice dans un univers « non-sensique ». Aux côtés de sa partenaire Liesl Karlstadt, il tourne de 1922 à 1938 dans des dizaines de films signés Erich Engels, Karel Lamač, Joe Stöckel ou... Karl Valentin. Très souvent, il s'agit d'adaptations de scènes écrites par lui pour le cabaret : Dans l'atelier du photographe (Photoatelier, Karl Ritter, 1983), la Répétition d'orchestre (Orchesterprobe, K. Lamač, 1933), le Premier Communiant (Der Firmling, Valentin et Karlstadt, 1934), la Sortie au théâtre (Der Theaterbesuch, J. Stöckel, id.), le Projecteur ensorcelé (Der verhexte Scheinwerfen, K. Lamač, id.). En 1922, il avait réalisé avec Erich Engel et Bertolt Brecht les Mystères d'un salon de coiffure (Mysterien eines Friseursalons), la plus surréaliste certainement de ses œuvres. Très méfiant vis-à-vis des techniques du cinéma, il avait néanmoins accepté d'apparaître en 1932 dans la Fiancée vendue de Max Ophuls. Pratiquement interdit de scène et de radio par les nazis à partir de 1941, il mourra au lendemain de la guerre peu après avoir repris ses activités au cabaret.

VALENTINO (Rodolfo Alfonzo Raffaele Philibert Guglielmi, dit Rudolph)

acteur américain (Castellaneta, Italie, 1895 - New York, N. Y., 1926).

Il est passé à la postérité pour avoir promu (et subi) le phénomène de la star — héros de légende et dieu vivant — jusque dans ses plus extravagants excès. Son image fut fabriquée selon les désirs de ses admiratrices innombrables. Il vaut cependant mieux que ce que l'histoire a retenu de lui. Acteur doué, sobre, souple et onduleux, élégant, sportif avec dandysme, mâle avec préciosité, capable d'un grand mimétisme, il inaugure une lignée de séducteurs « exotiques », « latins ». Mais Ricardo Cortez, Antonio Moreno, Ramon Novarro n'eurent pas toujours son charme et son naturel. Il était de l'étoffe des John Gilbert, des Errol Flynn.

De père italien et de mère française, il ignore l'anglais quand, après des études médiocres, il débarque à New York, en 1913. Il y connaît la misère et vit de travaux qui l'humilient : jardinier, camelot, plongeur, garçon de café, balayeur. Devenu danseur professionnel, il se produit dans les night-clubs et les théâtres. Il vient à Hollywood à la fin de 1917, fait de la figuration pour Griffith, Ince, Robert Z. Leonard, sans cependant abandonner la danse. Après nombre de rôles, petits ou moyens, il est la vedette des Quatre Cavaliers de l'Apocalypse (1921). Le tango argentin qu'il danse avec Alice Terry bouleverse l'Amérique et lui gagne une gloire immédiate. De fait, avec lui, la photogénie et l'expressivité ne concernent plus seulement le visage : elles s'attachent aux rythmes et à la sensualité de la personne entière. Le Cheikh (1921) confirme ce triomphe et Valentino, cinq ans plus tard, tournera le Fils du Cheikh, où il est à la fois le père et le fils, qui sera sonorisé en 1938, et qui fera encore la joie des publics arabes bien après 1950. Mary Pickford avait été « la petite fiancée du monde », Rudolph devient « l'amant du monde ». Il illustre un cinéma sentimental et viril à la fois, sensuel, troublant et osé pour l'esprit puritain du temps. Il est l'anti-cow-boy, l'anti-businessman. Il plaide pour la passion, fût-elle mortelle. Il est servi, spécialement dans Arènes sanglantes et Monsieur Beaucaire, par des cinéastes qui sont avant tout des plasticiens. En 1922, après un premier divorce, il épouse la décoratrice pseudo-russe de Camille (1921), Natacha Rambova (c'est-à-dire Winifred Shaunessy), qui prétendra le diriger elle-même dans ses propres films. The Hooded Falcon (1924-1925), pour lequel Rudolph rompt son contrat et entre en conflit avec la Paramount, ne sera pas réalisé. Le couple se sépare en 1926. Quelques mois plus tard, Valentino meurt d'une péritonite. « Sa mort est l'une des plus grandes tragédies qui aient frappé l'industrie cinématographique » dira Chaplin. Hollywood, en ces années dorées, faisait peu de distinction entre l'art et l'industrie.

Films  :

Alimony (E. J. Flynn, 1918) ; A Society Sensation (P. Powell, id.) ; All Night (id., id.) ; Un bon petit diable (A Delicious Little Devil, R. Z. Leonard, 1919) ; The Big Little Person (id., id.) ; A Rogue's Romance (J. Young, id.) ; The Homebreaker (V. Schertzinger, id.) ; Out of Luck (D. W. Griffith, id.) ; Virtuous Sinners (Flynn, id.) ; Eyes of Youth (A. Parker, id.) ; l'Amant (The Married Virgin/Frivolous Wives, J. Maxwell, 1920) ; Stolen Moments (J. Vincent, id.) ; l'Île d'amour (An Adventuress, F. J. Balshofer, id.) ; The Cheater (H. Otto, id.) ; Once to Every Woman (J. Holubbar, id.) ; Passion's Playground (J. A. Barry, id.) ; The Wonderful Chance (G. Archainbaud, id.) ; les Quatre Cavaliers de l'Apocalypse (R. Ingram, 1921) ; Uncharted Seas (W. Ruggles, id.) ; The Conquering Power (Ingram, id.) ; Camille (R. C. Smallwood, id.) ; le Cheikh (The Sheik, G. Melford, id.) ; Moran of the Lady Letty (id., 1922) ; le Droit d'aimer (Beyond the Rocks, S. Wood, id.) ; Arènes sanglantes (F. Niblo, id.) ; The Young Rajah (P. Rosen, 1923) ; Monsieur Beaucaire (S. Olcott, 1924) ; l'Hacienda rouge (A Sainted Devil, Joseph Henaberry, id.) ; l'Aigle noir (C. Brown, 1925) ; Cobra (Henaberry, id.) ; le Fils du Cheikh (G. Fitzmaurice, 1926).

VALÈRE (Simone Gondoff, dite Simone)

actrice française (Paris 1923).

Elle mène, avec son époux Jean Desailly, une belle carrière théâtrale où elle fait triompher les qualités qu'elle apporte à l'écran : finesse aiguë, sensibilité, humour discret. À côté d'un certain nombre d'anodines comédies, elle joue joliment Pontcarral, colonel d'empire (J. Delannoy, 1942), le Voyageur de la Toussaint (L. Daquin, 1943), la Vie en rose (Jean Faurez, 1948), Manon (H.-G. Clouzot, 1949), les Grandes Manœuvres (R. Clair, 1955), l'Assassinat de Trotski (J. Losey, 1972). Compagne des premiers jours de la troupe Barrault-Renaud, elle y a trouvé un éventail de rôles plus substantiels.