Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
A

AUSTRALIE. (suite)

Les documentaires

sur les aborigènes d'Australie centrale de l'anthropologiste sir Richard Baldwin sont déjà d'une grande qualité d'images, tandis que The Story of the Kelly Gang de Charles Tait (1906), superproduction très convaincante pour l'époque, est considérée comme étant peut-être le premier long métrage mondial (66 min). Le succès de ce film est à l'origine de la vague de production des années suivantes. La brousse, les villes naissantes, les forçats, les pionniers sont les principaux thèmes de films qui, tournés à la hâte, pour un profit rapide, sont pour la plupart de pauvre qualité. Le producteur Cozens Spencer, cependant, attire les meilleurs talents, des chefs opérateurs Tasman, Ernest et Arthur Higgins à la première star, Lottie Lyell, qui fut aussi la coscénariste de nombreux films, sans oublier Raymond Longford*. Acteur, puis cinéaste et producteur, Longford émerge comme le seul vrai talent de cette époque. Le rythme et le parti pris de réalisme d'un de ses premiers films, The Romance of Margaret Catchpole (1911), en sont une preuve flagrante.

La concurrence américaine.

Face aux films américains et européens qui inondent déjà le marché, la compétition est serrée. La Première Guerre mondiale élimine la compétition européenne mais fait de l'Australie un marché sur mesure pour les productions hollywoodiennes. L'industrie locale subit alors sa première crise. Malgré tout, Beaumont Smith produit et dirige en 1917 le premier d'une série de films comiques ruraux qui feront recette, d'après les sketches à succès de Steve Rudd. Par ailleurs, Frank Hurley, explorateur et chef opérateur de guerre, tourne en Nouvelle-Guinée un documentaire de grande valeur, Pearls and Savages (1921). Raymond Longford, lui, continue sur sa lancée, un des seuls à ne pas sacrifier sa créativité au leurre des productions commerciales. Ses meilleurs films sont sans doute On Our Selection (1919), sa propre version des sketches de Rudd, et The Sentimental Bloke (1920), description de situations familières à la classe ouvrière, et, désormais, un classique.

Vers 1925, le cinéma est une des formes les plus populaires de divertissement dans le pays. Mais les contrats des distributeurs avec les firmes hollywoodiennes laissent peu de place aux films locaux, le fameux « quota des 5 p. 100 » qui impose la projection de 5 p. 100 de films non américains par an aux distributeurs n'étant qu'un alibi du gouvernement.

En dépit de ces difficultés et de la pauvreté du matériel local, c'est au plus profond de la Dépression que sont jetées les bases du cinéma parlant australien. Des semi-monopoles de production et de distribution apparaissent : c'est la grande époque des studios Cinesound qui, dans le cadre du groupe Australasian Films, produisent la majorité des films de l'époque, assurés de leur distribution par les circuits de l'Union Theatres. Dirigé par Ken G. Hall, Cinesound expérimente ou invente de nouvelles techniques, réunit les meilleurs cinéastes, techniciens et acteurs. Les films mis en scène par Hall sont surtout des comédies comme On Our Selection (1932), une autre version à succès des fameux sketches, ou des mélodrames comme The Silence of the Dean Maitland (1934), avec Frank Hurley comme chef opérateur.

En 1937, l'Union Theatres cesse de distribuer des films australiens dans le cadre des 5 p. 100 et les remplace par des films anglais. En 1940, Cinesound doit fermer ses portes, laissant un vide énorme dans cette industrie bourgeonnante mais fragile, qu'achèveront la guerre puis la prise de contrôle des deux principaux circuits de distribution par des compagnies américaines.

Charles Chauvel*, cinéaste et producteur indépendant, continuera pourtant jusqu'en 1955 une carrière commencée en 1925 avec Moth of Mombi. Naïf avec des traits de génie, Chauvel luttera toute sa vie contre l'invasion hollywoodienne et mourra en 1958, ruiné par les distributeurs. Ses films, où le pire voisine avec le meilleur, reflètent parfaitement sa personnalité. Découvreur d'acteurs, il donne sa première chance à Errol Flynn dans In the Wake of the Bounty (1933). Forty Thousand Horsemen (1941), récit d'une des dernières grandes charges de l'histoire, lance la carrière de Chips Rafferty*, principal acteur de l'après-guerre. Son dernier film, Jedda (1955), aborde pour la première fois le problème aborigène au cinéma.

Par ailleurs, les années 40 voient l'émergence d'un mouvement documentariste important avec des cinéastes comme Damien Parer (Kokoda Front Line). Ce mouvement se poursuit après la guerre avec, par exemple, The Back of Beyond (1954) de John Heyer. Mais entre la fin de la guerre et 1960, l'Australie est surtout un terrain de prédilection pour les producteurs étrangers qui ont découvert ses espaces, son climat et ses techniciens. C'est alors que l'Anglais Harry Watt* tourne la Route est ouverte (1946) et Eureka Stockade (1949), et que Ralph Smart signe Bush Christmas pour la Rank (1946). Quant aux producteurs locaux, ils ne financent que trop souvent, dans l'espoir d'une distribution à l'étranger, de pâles copies du cinéma américain. Il faut toutefois mentionner Into the Straight (1949) et Three in One (1956) du socialiste Cecil Holmes, trilogie sur la vie australienne et sans doute le meilleur film de l'époque.

C'est avec le mouvement progressiste des années 60 que le cinéma australien sort de sa léthargie. Encouragés par une intelligentsia qui réclame l'établissement d'un cinéma national, de nouveaux cinéastes apparaissent qui font fi de l'imitation américaine. Les courts métrages australiens recueillent de plus en plus de prix dans les festivals internationaux, des coopératives de production et de distribution comme la Sydney UBU School montrent la voie de la distribution indépendante et favorisent les expériences les plus avant-gardistes, tandis que le mouvement documentariste se poursuit avec des cinéastes tels que Ian Dunlop.

Le tournant des années 70-80 : vers un cinéma identitaire.

Mais c'est en 1970, avec la création de l'Australian Film Development Corporation (devenue Australian Film Commission), et celle de l'Experimental Film Fund, que ce que l'on appelle le nouveau cinéma australien prend son essor. Subventions ou prêts de l'AFC sont octroyés pour la réalisation de scénarios « commercialement viables » et au « contenu nettement australien » : ces conditions ont donné aux longs métrages une marque de fabrique souvent controversée.