Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
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LOUNATCHARSKI (Anatoli) [Anatolij Vasilevič Lunačarskij]

écrivain et dramaturge soviétique (Poltava 1875 - Menton, France, 1933).

Né dans une famille de fonctionnaires, il étudie à Kiev puis à Zurich. Militant, dès l'âge de dix-sept ans, en Russie et en Europe, il adhère au parti bolchevik en 1903, participe à la révolution de 1905. Il rompt avec Lénine en 1907 et s'intègre, sous l'influence d'Alexandre Bogdanov, au groupe dissident des « Bolcheviks de gauche », ou Vpériod (En avant), avec lesquels il anime les écoles du Parti à Bologne et Capri. À partir de 1915, il se rapproche de Lénine ; il se réconcilie avec lui durant la révolution de février 1917. Après la révolution d'Octobre, il est nommé commissaire du peuple à l'Instruction et le restera jusqu'en 1929. À ce titre, et jusqu'en 1921 essentiellement, il a la haute main sur le cinéma, en l'efficacité duquel il croit fermement : « Le cinéma servira à enseigner les vertus civiques et l'amour de l'humanité. » Adepte du pluralisme en matière artistique, il soutient l'avant-garde, confie l'organe officiel de son commissariat, l'Art de la Commune (1918-19), aux futuristes, se montre conciliant avec le Proletkult. En 1918, il prépare, par des nationalisations partielles, la nationalisation générale (août 1919) du cinéma ; il organise agit-trains et agit-navires ; il écrit lui-même une agit-comédie, Cohabitation (Uplotnenie, A. Panteleev, D. Pachkovski et A. Dolinov, 1918) sur le thème – déjà – de la prise de conscience. Il inaugure, en 1919, la première école de cinéma du monde, qui plus tard deviendra le VGIK. En 1922, il ne parvient pas à négocier l'aide de l'industrie américaine du cinéma à la reconstruction du cinéma soviétique. Il a collaboré aux films suivants : ‘ le Téméraire ’ (Smel'čak [N. Tourkine et M. Narokov], 1919) ; ‘ le Talon de fer ’ (V. Gardine, id.) ; trois adaptations de ses propres œuvres, le Serrurier et le Chancelier (Gardine, 1923), les Noces de l'ours (Medvež'ja svad'ba [Gardine et Konstantin Eggert], 1926), ‘ le Poison ’ (Jad [E. Ivanov-Barkov], 1927) ; la Salamandre (G. Rochal, M. Doller, 1928). Et, surtout, il est l'auteur, avec G. Grebner, du Cinéma à l'Ouest et chez nous (1928) ; on lui doit aussi Lénine et le cinéma (1929) et les Problèmes de l'art du cinéma (1931).

LOUNGUINE (Pavel)

cinéaste russe (Moscou 1949).

A l'école de cinéma de Moscou, il se spécialise de 1973 à 1975 dans l'écriture des scénarios. Pendant plus d'une douzaine d'années, il va signer de très nombreux scénarios avant de faire ses débuts de metteur en scène dans une coproduction franco-russe Taxi Blues (1989) qui narre les relations hautes en couleur et en violence entre un musicien alcoolique et un chauffeur de taxi moscovite. Le film obtient un succès international dû notamment à un montage ultranerveux qui n'est pas sans rappeler la tension et la crudité gestuelle de certains thrillers américains.

Lounguine suscite davantage de controverse avec Luna-Park où un jeune adepte du body-building, affilié à un petit gang antisémite découvre qu'il a en lui du sang juif. Son troisième film de fiction Ligne de vie (Linija žizni, 1996) attire moins l'attention.

En 2000, il signe la Noce, portrait d'une ville de la province russe où l'on s'apprête à célébrer un mariage entre un Candide amoureux et une jeune fille qui revient, chargée de mystères de la capitale sans avoir réalisé son rêve de mannequinat. Le cinéaste dépeint une société en équilibre instable entre deux mondes, l'un communiste qui appartient au passé, l'autre à venir plein d'embuches et d'incertitudes. Lounguine a également tourné plusieurs documentaires dont Goulag, le secret du bonheur (1991).

LOURIÉ (Eugène)

décorateur et cinéaste américain d'origine russe (1905 - Woodland Hills, Ca., 1991).

Passionné de peinture et de dessin, son nom reste lié à celui de Jean Renoir, pour lequel il édifia décors ou maquettes des Bas-Fonds (1937), de la Grande Illusion (id.), de la Bête humaine (1938) surtout – dont il a entièrement conçu la gare de triage et le dépôt de marchandises –, de la Règle du jeu (1939), de Vivre libre (1943, film dont il fut en outre producteur associé), de l'Homme du Sud (1945), du Journal d'une femme de chambre (1946) et du Fleuve (1951). Mais il collabora également avec Pierre Chenal (l'Alibi, 1937 ; l'Affaire Lafarge, 1938) et Max Ophuls (Werther, id. ; Sans lendemain, 1940). Chaque fois, il sut modeler sa personnalité sur celle de ses directeurs, réussissant la gageure d'être expressionniste avec l'un, réaliste avec l'autre. Il servit aussi Marcel L'Herbier, René Sti, Yves Mirande et régla pour Sacha Guitry les scènes de bataille de Napoléon (1955). Tenté par le démon de la mise en scène, il se lança dans le film fantastique hollywoodien, à grand renfort d'effets spéciaux : le Monstre des temps perdus (The Beast From 20 000 Fathoms, 1953) ; The Colossus of New York (1958) ; Gorgo (GB, 1961). On peut regretter que cet excellent technicien ait sombré finalement dans la facilité.

LOVE (Juanita Horton, dite Bessie)

actrice américaine (Midland, Tex., 1898 - Londres 1986).

Remarquée par Griffith, qui avait dû être sensible à son charme pudique très victorien, Bessie Love obtint de petits rôles dans Naissance d'une nation (1915) et dans Intolérance (1916), avant de devenir la douce partenaire e William S. Hart : Pour sauver sa race (Clifford Smith et W. S. Hart, id.). Visage menu aux traits fins, Bessie Love pouvait être fantaisiste ou ingénue. Sans jamais devenir une grande vedette ni trouver d'autres films dignes de son vrai talent, elle sut maintenir sa carrière avec assez d'intelligence pour être choisie en 1928 pour le rôle principal du premier musical, Broadway Melody (H. Beaumont, 1929). Ce fut son plus grand succès. Mais on la préférera comme la tendre héroïne du Forgeron du village (J. Ford, 1922), de Torment (M. Tourneur, 1924), de The King of Main Street (Monta Bell, 1925), de Soul Fire (J. S. Robertson, id.), de Music-Hall (The Song and Dance, H. Brenon, 1926) ou même d'un film mineur comme Sourire d'avril (Young April, D. Crisp, id.), où son charme fait merveille.

Malgré Broadway Melody, elle ne s'impose pas au parlant. En 1941, elle part pour la Grande-Bretagne et se limite à des rôles de complément, avec un certain succès (la Comtesse aux pieds nus, J. Mankiewicz, 1954 ; le Scandale Costello, D. Miller, 1957). Elle continue occasionnellement à jouer (Isadora, K. Reisz, 1969 ; Un dimanche comme les autres, J. Schlesinger, 1971). Elle a secondé Kevin Brownlow dans sa remarquable émission de TV : Hollywood, les pionniers (1980).