Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
N

NEWMAN (Paul) (suite)

Le plaisir qu'on peut prendre à la Brune brûlante de McCarey (1958) et la franche jubilation de l'Arnaque de Roy Hill (1973) ne lui sont pas d'inaltérables titres de gloire. Mais, dès le Gaucher, il brille de cette sorte de santé pure et de cette légèreté à assumer le pire ou le pendable, que le personnage du juge Roy Bean, près de quinze ans plus tard, porte à un degré de perfection incomparable. On oublie même que Newman a joué les faibles ou les losers, les victimes, traumatisé avec Brooks, dans les griffes de Liz Taylor, sur et sous un toit brûlant ; puis avec Rossen, qui lui fait briser les pouces parce qu'il triche au billard (l'Arnaqueur) ; et que, en 1967, il se fait encore tabasser, par George Kennedy, sous la férule de Stuart Rosenberg (Luke la main froide), ou bien dans Doux Oiseau de jeunesse. Il appartenait avec la même aisance apparente au « monde à part » des jeunes Philadelphiens de Vincent Sherman ; il ne décevra jamais l'humanisme de Martin Ritt, ni l'imprévisible Huston. Les échecs (son rôle dans Exodus, le ratage du Rideau déchiré, celui du Piège de Huston, le peu convaincant Quintet), qu'il reconnaît, n'ont nullement compromis la courbe ascendante de sa réputation ni sa place au box-office – une des premières. En 1968, il fonde la Newman-Foreman, puis, en 1971, s'associe avec Barbra Streisand, Dustin Hoffman et Sidney Poitier pour créer la First Artists Production Ltd.

Paul Newman, qui avait tourné en 1959 un court métrage inspiré du texte ironique de Tchekhov sur les Méfaits du tabac, dirige Joanne Woodward dans Rachel, Rachel neuf ans plus tard. C'est peut-être sa réussite la plus probante derrière la caméra. Portrait d'une femme au milieu de sa vie, le film va à l'essentiel, sans forcer les zones d'ombre. L'actrice y abandonne les emplois brillants pour un rôle de caractère, ce que confirme sa prestation dans le conflit mère-fille produit (grâce à un prêt de la Warner) et dirigé par Newman : De l'influence des rayons gamma... (adaptation d'un roman de Margaret Laurence : Jest of God). Film inégal, mais intéressant, de même que le Clan des irréductibles, dont Paul Newman, qui y tient un rôle, accepte au pied levé la direction. Il se reprochera, non sans raison, de n'avoir pas pris ses distances par rapport à la pièce originale. Faut-il le créditer des beaux plans à la grue sur les paysages de l'Oregon ? La lumière, les cadrages essaient de « compenser » le poids d'un misérabilisme dont les dialogues à la paille de fer de Paul Zindel n'épargnent rien. La thématique des conflits familiaux, que Paul Newman reprend dans l'Affrontement, hanté sans le dire par la mort en 1978 de son fils Scott (alcool et overdose de barbituriques), et son amitié pour Martin Ritt s'insèrent dans une vision réaliste – d'aucuns la qualifieront de pessimiste – de l'Amérique des paumés et des laissés-pour-compte. Vision qui est souvent celle des indépendants : Arthur Penn, Monte Hellman, Scorsese... L'apport de Paul Newman demeure en fait son personnage, complexe et ouvert, mais en même temps net et, déjà, inaltérable : l'Amérique, quotidienne ou mythique, avec lui a eu de la chance.

Il retrouve son personnage de l'Arnaqueur dans la Couleur de l'argent (M. Scorsese), rôle qui lui vaut l'Oscar en 1987. Paul Newman y prouve que son talent est intact et qu'il peut se glisser très facilement dans l'univers de jeunes réalisateurs originaux. Après le film de Scorsese, on le retrouve, vieux bourgeois coincé, dans Mr & Mrs Bridge, de James Ivory, puis P.-D. G. machiavélique, tirant sur un énorme cigare, dans le Grand Saut de Joel Coen ou encore vieillard alcoolique mais plein de sagesse, père de Kevin Costner, dans Une bouteille à la mer (Luis Mandocki, 1999). Ces prestations à contre-emploi prouvent amplement l'intégrité professionnelle et le talent varié du comédien. Newman poursuit parallèlement sa carrière de cinéaste, filmant avec sensibilité la pièce de Tennessee Williams la Ménagerie de verre (The Glass Menagerie, 1987), où il offre une nouvelle fois à son épouse, Joanne Woodward, un rôle exceptionnel.

Films :

acteur▲ le Calice d'argent (The Silver Chalice, V. Saville, 1955) ; Marqué par la haine (R. Wise, 1956) ; The Rack (A. Laven, id.) ; Pour elle un seul homme (M. Curtiz, 1957) ; Femmes coupables (Wise, id.) ; les Feux de l'été (M. Ritt, 1958) ; le Gaucher (A. Penn, id.) ; la Chatte sur un toit brûlant (R. Brooks, id.) ; la Brune brûlante (L. McCarey, id.) ; Ce monde à part (The Young Philadelphians, V. Sherman, 1959) ; Du haut de la terrasse (M. Robson, 1960) ; Exodus (O. Preminger, id.) ; l'Arnaqueur (R. Rossen, 1961) ; Paris Blues (Ritt, id.) ; Doux Oiseau de jeunesse (Brooks, 1962) ; Aventures de jeunesse (Ritt, id.) ; le Plus Sauvage d'entre tous (Ritt, 1963) ; la Fille à la casquette (A New Kind of Love, Melville Shavelson, id.) ; Pas de lauriers pour les tueurs (Robson, id.) ; Madame Croque-maris (What a Way to Go !, J. Lee Thompson, 1964) ; l'Outrage (Ritt, id.) ; Lady L (P. Ustinov, 1965) ; Détective privé (J. Smight, 1966) ; le Rideau déchiré (A. Hitchcock, id.) ; Hombre (Ritt, 1967) ; Luke la main froide (S. Rosenberg, id.) ; Évasion sur commande (Smight, 1968) ; Virages (Winning, James Goldstone, 1969) ; Butch Cassidy et le Kid (G. Roy Hill, id.) ; WUSA (Rosenberg, 1970) ; le Clan des irréductibles (P. Newman, 1971) ; les Indésirables (Rosenberg, 1972) ; De l'influence des rayons gamma sur le comportement des marguerites (Newman, id.) ; Juge et Hors-la-loi (J. Huston, id.) ; le Piège (Huston, 1973) ; l'Arnaque (Roy Hill, id.) ; la Tour infernale (J. Guillermin, 1974) ; la Toile d'araignée (Rosenberg, 1975) ; Buffalo Bill et les Indiens (R. Altman, 1976) ; la Dernière Folie de Mel Brooks (M. Brooks, id., Caméo) ; la Castagne (Roy Hill, 1977) ; Quintet (Altman, 1979) ; le Jour de la fin du monde (Goldstone, id.) ; le Policeman (Daniel Petrie, 1980) ; Absence de malice (S. Pollack, 1981) ; le Verdict (S. Lumet, 1982) ; l'Affrontement (Newman, 1984) ; la Couleur de l'argent (M. Scorsese, 1986) ; la Ménagerie de verre (Newman, 1987) ; Blaze (id., Ron Shelton, 1989) ; les Maîtres de l'ombre (R. Joffé, 1990) ; Mr  & Mrs Bridge (J. Ivory, id.) ; le Grand Saut (Joel Coen, 1994) ; Un homme presque parfait (Nobody's Fool, R. Benton, id.) ; Une bouteille à la mer (Message in a Bottle, Paul Mandoki, 1998) ; l'Heure magique (Twilight, R. Benton, id.) ; En toute complicité (Where the Money Is, Marek Kanievska, 2000).