Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
P

PICCOLI (Michel)

acteur, producteur et cinéaste français (Paris, 1925).

On dirait qu'il a toujours eu la cinquantaine : l'œil vif et le front dégarni, bougon et souriant, embourgeoisé (sans avoir rien abdiqué de son passé de militant), « bohémien de l'existence » ayant jeté l'ancre dans le cinéma français en crise des années 70, tel apparaît Michel Piccoli, pétri de talent, se refusant à vivre sur ses lauriers, ne cessant à chaque nouveau film de se remettre en question. « Quand on se met à tourner en rond, dit-il, c'est dangereux. » Alors, il joue sur plusieurs registres : tendre, cynique, narquois, loufoque, complexé... Quel rapport entre ses personnages chez Sautet, Girod et Ferreri ? « Bien sûr, je suis contradictoire, admet-il. Et de plus, en vue. Et après ? »

Il est d'abord attiré par le théâtre, et ne l'a jamais abandonné, bien qu'il n'y ait enregistré que des déboires, ou des succès d'estime, d'Orion le tueur (à la Rose Rouge) au Misanthrope (en tournée), de Phèdre (au TNP) à Allo, c'est toi Pierrot (un échec). À la télévision, il a campé un inoubliable Dom Juan, dans une mise en scène de Marcel Bluwal : le rôle lui est resté collé à la peau. À l'écran, il a débuté dans un film « engagé » : le Point du jour, de Louis Daquin (1949). Jusqu'en 1962, il tournera tout et rien : policiers parodiques (Chicago digest, P. Paviot, 1951), comédies ringardes (Tabarin, R. Pottier, 1958) et même un court métrage d'avant-garde (la Chevelure, d'Ado Kyrou, 1961). Trois oasis dans cette traversée du désert : Renoir (French Cancan, 1955) ; Chenal (Rafles sur la ville, 1958 ; la Bête à l'affût, 1959) et surtout Buñuel (la Mort en ce jardin, 1956). Avec ce dernier, la complicité est immédiate et se poursuivra longtemps (le Journal d'une femme de chambre, 1964 ; Belle de jour, 1967 ; la Voie lactée, 1969 ; le Fantôme de la liberté, 1974 ; et surtout ce titre qui lui va comme un gant : le Charme discret de la bourgeoisie, 1972). En 1963, le Doulos de Melville, suivi du Mépris de Godard (deux rôles « à l'américaine ») le hissent d'un coup au premier rang. Désormais, il va choisir avec soin ses metteurs en scène : Costa-Gavras (Compartiment tueurs, 1965 ; Un homme de trop, 1967) ; Resnais (La guerre est finie, 1966) ; Demy (les Demoiselles de Rochefort, 1967) ; Deville (Benjamin, 1968) et, consécration suprême, Hitchcock en 1969 (pour un film, l'Étau, qu'il juge « complètement réac » !). C'est pourtant avec Claude Sautet et Marco Ferreri, deux frères de sang qui expriment idéalement les deux versants de sa personnalité, qu'il affinera son image de marque : une image rien moins que flatteuse, mais Piccoli, comme Noiret, sait que l'antipathie, à terme, est payante. Voici donc Dillinger est mort (Ferreri, 1969), les Choses de la vie (Sautet, id.), Max et les ferrailleurs (id., 1971), Liza (Ferreri, 1972) ; la Grande Bouffe (id., 1973), Vincent, François, Paul et les autres (Sautet, 1974), Mado (id., 1976).

Conscient des contraintes économiques du cinéma, et du statut privilégié du comédien « arrivé », cet homme de gauche choisit alors de se transformer en producteur indépendant. « Le métier que nous faisons, dit-il, dépend complètement de la politique et de l'économie. J'en connais qui vivent en égoïstes dans leur petit monde fermé. Moi, je ne veux pas. Je veux participer. » Le résultat, ce sera Themroc (C. Faraldo, 1973) ; la Faille (P. Fleischmann, 1975) ; Sept Morts sur ordonnance (J. Rouffio, id.) ; Des enfants gâtés (B. Tavernier, 1977) ; l'État sauvage (F. Girod, 1978) ; le Général de l'armée morte (L. Tovoli, 1983). Il y laisse des plumes, mais ce sera sa fierté. En 1985, on le voit dans le rôle du général unijambiste Cafarelli, ambigu, déchiré par son amour pour deux frères (Adieu Bonaparte, Y. Chah¯ın). Acteur aux dons multiples, il est capable à lui seul de « porter » un film et devient, avec Philippe Noiret, Jean Rochefort et Michel Serrault, l'un des comédiens les plus demandés, au cinéma aussi bien qu'à la télévision. Ses meilleurs rôles, il les doit ensuite à Michel Deville (le Paltoquet, 1986), Jacques Doillon (la Puritaine, id.), Louis Malle (Milou en mai, 1989), Nico Papatakis (les Équilibristes, 1990), Jacques Rivette (la Belle Noiseuse, 1991), Jiři Weiss (Martha et moi, id.), Peter Del Monte (Compagne de voyage, 1996), Raul Ruiz (Généalogies d'un crime, 1997), Manoel de Oliveira (Party, 1996 ; Je rentre à la maison, 2001).

Michel Piccoli a épousé en 1966 Juliette Gréco. Il a obtenu en 1967 le prix de l'Académie du cinéma pour la Curée, et en 1980 le prix d'interprétation masculine au festival de Cannes pour le Saut dans le vide (M. Bellocchio). En 1976, il a publié un livre de souvenirs, Dialogues égoïstes, dans lequel il rend hommage à ses maîtres, Renoir, Buñuel, Ferreri. En 1997 il présente son premier film Alors voilà. En 1982, il retrouve Godard avec Passion et Demy avec Une chambre en ville. Agnès Varda, qui l'a dirigé dans les Créatures (1966), dit de lui : « C'est un merveilleux comédien qui sait cacher son métier parce qu'il a le don d'être simple et de parler juste. » Déjà engagé dans la production depuis quelques années, il est passé derrière la caméra en 1997 (Alors, voilà) et en 2001 (la Plage noire).

Autres films :

le Parfum de la dame en noir (L. Daquin, 1949) ; Sans laisser d'adresse (J.-P. Le Chanois, 1950) ; Terreur en Oklahoma (P. Paviot, CM, id.) ; Chicago Digest (id., CM, 1951) ; Torticola contre Frankensberg (id., CM, 1952) ; Saint-Tropez, devoirs de vacances (id., CM, id.) ; Destinées (J. Delannoy, 1953) ; Interdit de séjour (M. de Canonge, 1954) ; Tout chante autour de moi (P. Gout, id.) ; les Mauvaises Rencontres (A. Astruc, 1955) ; Ernst Thälmann (K. Maetzig, id.) ; Marie-Antoinette (Delannoy, id.) ; les Grandes Manœuvres (R. Clair, id.) ; les Copains du dimanche (Henry Aisner, 1956) ; Nathalie (Christian-Jaque, 1957) ; les Sorcières de Salem (R. Rouleau, id.) ; la Dragée haute (Jean Kerchner, 1959) ; le Bal des espions (Michel Clément, 1960) ; les Vierges de Rome (V. Cottafavi et C.L. Bragaglia, id.) ; le Rendez-vous (Delannoy, 1961) ; le Rendez-vous de Noël (A. Michel, CM, id.) ; Climats (Stellio Lorenzi, 1962) ; Fumée, histoire et fantaisie (F. Villiers et E. Berne, CM, id.) ; le Jour et l'heure (R. Clément, id.) ; De l'amour (J. Aurel, 1964) ; la Chance et l'amour (épisode Lucky la chance, Charles Bitsch, id.) ; Marie-Soleil (Antoine Bourseiller, id.) ; Paparazzi (J. Rozier, CM, id.) ; Doubles Masques et agents doubles (Masquerade, B. Dearden, id.) ; le Coup de grâce (J. Cayrol, 1965) ; les Ruses du diable (P. Vecchiali, id.) ; Paris brûle-t-il ? (R. Clément, id.) ; Lady L (P. Ustinov, id.) ; Café Tabac (Claude Guillemot, CM, id.) ; la Voleuse (Jean Chapot, 1966) ; Mon amour, mon amour (N. Trintignant, 1967) ; Danger Diabolik (M. Bava, 1968) ; la Chamade (A. Cavalier, id.) ; l'Invitée (V. De Seta, 1970) ; l'Invasion (Y. Allégret, id.) ; la Poudre d'escampette (Ph. de Broca, 1971) ; l'Audience (M. Ferreri, id.) ; la Décade prodigieuse (C. Chabrol, id.) ; l'Attentat (Y. Boisset, 1972) ; la Femme en bleu (M. Deville, id.) ; les Noces rouges (Chabrol, 1973) ; Grandeur nature (L. Berlanga, id.) ; le Far-West (Jacques Brel, id.) ; Touche pas à la femme blanche (Ferreri, id.) ; le Trio infernal (Girod, 1974) ; Leonor (Juan Buñuel, 1975) ; la Dernière Femme (Ferreri, id.) ; F. comme Fairbanks (M. Dugowson, 1976) ; Strauberg ist da (Mischa Gallé, id.) ; Todo modo (E. Petri, id.) ; René la Canne (Girod, id.) ; la Part du feu (Étienne Périer, id.) ; l'Imprécateur (J.-L. Bertucelli, 1977) ; le Sucre (J. Rouffio, 1978) ; la Petite Fille en velours bleu (A. Bridges, id.) ; le Divorcement (Pierre Barouh, id.) ; le Prix de la survie (H. Noever, 1979) ; le Mors aux dents (L. Heynemann, id.) ; Mélodie meurtrière (S. Corbucci, id.) ; Atlantic City (L. Malle, 1980) ; Du crime considéré comme un des beaux-arts (Frédéric Compain, CM, id.) ; Une étrange affaire (P. Granier-Deferre, 1981) ; la Fille prodigue (J. Doillon, id.) ; Espion lève-toi (Boisset, 1982) ; la Passante du Sans-Souci (Rouffio, id.) ; la Nuit de Varennes (E. Scola, id.) ; Que les gros salaires lèvent le doigt (Denys Granier-Deferre, id.) ; les Yeux, la bouche (M. Bellocchio, id.) ; le Prix du danger (Boisset, 1983) ; Derrière la porte (L. Cavani, id.) ; Viva la vie ! (C. Lelouch, 1984) ; la Diagonale du fou (Richard Dembo, id.) ; le Succès à tout prix (J. Skolimowski, id.) ; le Matelot 512 (R. Allio, voix off, id.) ; Partir, revenir (Lelouch, 1985) ; Péril en la demeure (Deville, id.), Mon beau-frère a tué ma sœur (Rouffio, 1986) ; Mauvais Sang (L. Carax, id.) ; la Rumba (R. Hanin, 1987) ; Terre étrangère (Luc Bondy, id.) ; l'Homme voilé (M. Baghdadi, id.) ; Maladie d'amour (J. Deray, id.) ; Y'a bon les blancs (Ferreri, 1988) ; Blanc de Chine (D. Granier-Deferre, id.) ; le Voleur d'enfants (Ch. de Chalonge, 1991) ; le Bal des casse-pieds (Y. Robert, 1992) ; Archipel (P. Granier-Deferre, 1993) ; Ruptures (Christine Citti, id.) ; la Cavale des fous (Marco Pico, id.) ; la Vie crevée (Guillaume Nicloux, id.) ; l'Ange noir (J.-C. Brisseau, 1994) ; Un eroe borghese (M. Placido, id.) ; les Cent et Une Nuits (A. Varda, 1995) ; l'Émigré (Y. Chah¯ın, id.) ; 2001). Beaumarchais, l'insolent (É. Molinaro, 1996) ; Tyckho Moon (Enki Bilal, id.) ; Passion in the Desert (Lavinia Currier, id.) ; Rien sur Robert (P. Bonitzer, 1999) ; Libero burro (S. Castellito, id.) ; Tout va bien, on s'en va (Claude Mourieras, 2000) ; les Acteurs (B. Blier, 2000).