Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
I

ILLÉS (György)

chef-opérateur hongrois (Eger 1914).

Compagnon de route de Zoltán Fábri pour la plupart de ses films (d'Orage, 1952, à la Rencontre de Fabian Balint avec Dieu, 1980), il travaille également avec Frigyes Bán, Marton Keleti, Károly Makk (la Maison au pied du roc, 1958), Felix Máriássy (Printemps à Budapest, 1955 ; Imposteurs, 1969), György Revesz, László Ranódy (l'Alouette, 1963), András Kovács (les Murs, 1967) et István Gaál (Legato, 1977) et s'impose comme un directeur de la photographie précis, méticuleux, d'une parfaite conscience professionnelle, capable de trouvailles visuelles sans jamais tomber dans la virtuosité pure ou le maniérisme.

IMAGE (Imre Hajdu, dit Jean)

cinéaste français d'animation d'origine hongroise (Budapest 1911 - Paris 1989).

Peintre et décorateur fixé à Paris en 1932, il devient réalisateur et producteur de films publicitaires en 1937, puis de dessins animés en 1939, avec le Loup et l'Agneau, petit film allégorique antinazi dont une seconde version verra le jour en 1955. Après plusieurs courts métrages relativement personnels, il réalise un long métrage dans la tradition disneyenne, Jeannot l'intrépide (1951). Il alterne films de commande et œuvres personnelles qui respectent les règles graphiques classiques — mais Magie moderne (1958) et la Petite Reine (1958) présentent toutefois des caractères plus modernes. À partir de 1960, il se consacre essentiellement à des séries télévisées, mais n'en réalise pas moins plusieurs longs métrages cinématographiques destinés aux enfants dont le graphisme frôle, parfois hélas !, l'académisme et la mièvrerie : Aladin et la lampe merveilleuse (1969), les Fabuleuses Aventures du baron de Münchhausen (1979), le Secret des Sélénites (1984).

IMAI (Tadashi)

cinéaste japonais (Tokyo 1912 - id. 1991).

Fils d'un bonze, il sympathise avec le mouvement communiste japonais pendant ses années d'études à l'université de Tokyo, qu'il abandonne en 1935 pour entrer aux studios JO (Jenkins-Osawa) de Kyoto, où il devient assistant de Tamizo Ishida, puis de Nobuo Nakagawa. Il passe à la réalisation en 1937 avec ’ l'École militaire de Numazu ‘ (Numazu Heigakko), qui ne sera terminé qu'en 1939, à cause de la mobilisation de la plupart des acteurs. Ses films réalisés pendant la guerre (pour la Toho) sont pour la plupart des contributions à l'effort national et militaire du Japon (‘ le Général ’ [Kakka], 1940 ; ’ les Kamikazes de la tour de guet ‘ [Boro no kesshitai], 1943). Après 1945, il entre de nouveau au parti communiste et signe des films s'inscrivant dans une ligne plus démocratique : ‘ l'Ennemi du peuple ’ (Minshu no teki, 1946). C'est avec ‘ les Montagnes vertes ’ / ‘ les Montagnes bleues ’ (Aoi sanmyaku, 1949), où il brosse un portrait humoristique de lycéens de province tentant de se « déféodaliser », qu'on commence à le remarquer, et il s'impose avec ‘ Jusqu'au jour où nous nous reverrons ’ / ‘ Jusqu'à notre prochaine rencontre ’ (Mata au hi made, 1950), histoire d'amour romantique librement inspirée du Pierre et Luce de Romain Rolland, où se révèle le talent du jeune Eiji Okada. Imai quitte ensuite la Toho, après les « purges » consécutives aux grèves de 1947-48, et, comme plusieurs de ses confrères, se tourne vers la production indépendante progressiste. Produit par souscription nationale et décrivant le sort cruel d'une famille de chômeurs au lendemain de la guerre, ‘ Nous somtmes vivants ’ (Dokkoi ikiteru, 1951) fait date dans ce mouvement. Poursuivant dans cette voie, il donne alors ses meilleures œuvres. Ainsi : l'École des échos (Yamabiko gakko, 1952) ; ‘ la Tour des lys ’ / ‘ les Lys d'Okinawa ’ (Himeyuri no to, 1953), sur le sort des infirmières qui se suicidèrent à la fin de la violente bataille d'Okinawa. Quant à ‘ Eaux troubles ’ / ‘ Tableaux troubles ’ (Nigorie, 1953), il est adapté de trois œuvres de la nouvelliste Ichiyo Higuchi, et il consiste en trois portraits de femmes malheureuses de l'ère Meiji. À quoi il faut ajouter ‘ Voici une fontaine ’ (Koko ni izumiari, 1955), et, entre autres, le célèbre Ombres en plein jour (Mahiru no ankoku, 1956), traitant d'une affaire judiciaire qui défraya la chronique en 1951 et qui n'était pas encore close en 1956 : sur un scénario de Shinobu Hashimoto, adapté d'un roman de Hiroshi Masaki, lui-même tiré du fait divers, Imai prenait fait et cause, dans un style néoréaliste, pour les accusés condamnés sans preuve. Devant le succès de ces films, la Cie Toei, cherchant des films de prestige, produit les deux titres suivants du cinéaste : ‘ le Riz ’ (Kome, 1957 ; sur la vie difficile des paysans) et ‘ Histoire d'un amour pur ’ (Jun ai monogatari, id., traitant du cas d'une jeune fille condamnée par les radiations atomiques). ‘ Les Tambours de la nuit ’ (Yoru no tsuzumi, 1958), film historique, critique féodale, et Histoire cruelle du Bushido / le Serment d'obéissance (Bushido zankoku monogatari, 1963, Ours d'argent à Berlin) forment une sorte de diptyque historique critiquant les rigueurs de la société féodale et ses prolongements contemporains. Par la suite, Imai ne tourne plus d'œuvre de cette importance, mais plusieurs films offrent encore un intérêt certain : ‘ Une histoire d'Echigo ’ (Echigo tsutsuishi Oyashirazu, 1964) ; ‘ Vengeance ’ (Adauchi, id.) ; la Rivière sans pont (Hashi no nai kawa, 1969). Il tourne son dernier film, Guerre et jeunesse (Senso to seishin), en 1991. Son œuvre, inégale mais attachante, est souvent soumise à ses prises de position idéologiques.

IMAMURA (Shohei)

cinéaste japonais (Tokyo 1926).

Malgré une jeunesse difficile dans le Tokyo d'après-guerre, livré au marché noir, au gangstérisme et à la prostitution, il suit six années d'études à la prestigieuse université de Waseda, puis fait un peu tous les métiers, avant d'entrer à la Shochiku en 1951 comme assistant réalisateur, notamment d'Ozu (trois films), Masaki Kobayashi, Yoshitaro Nomura et Yuzo Kawashima. Il passe à la Nikkatsu en 1954 et écrit alors plusieurs scénarios pour Kawashima, dont celui de ‘ Chronique du soleil à la fin du shogunat ’/ ‘ Edo canaille ’ (Bakumatsu taiyoden, 1957). Même après avoir réalisé des films lui-même, il poursuivra cette carrière de scénariste avec ses collègues et amis de la Nikkatsu, comme Kiriro Urayama, avec ‘ la Ville des coupoles ’ (Kyupora no aru machi, 1962). Ses premiers films, Désir volé (Nusumareta yokujo), ‘ Devant la gare de Nishi-Ginza ’ (Nishi-Ginza eki mae) et ‘ Désir inassouvi ’ (Hateshinaki yokubo), tous de 1958, témoignent d'une volonté de renouvellement des genres au sein de la Nikkatsu, et aussi de traiter des personnages et situations du « bas peuple » dans une tonalité très réaliste, à la limite du naturalisme, mais sans aucun de ses aspects morbides. Après un film de commande sur la vie misérable des mineurs de Kyushu, le Grand Frère / les Enfants du charbonnage (Nianchan, 1959), Imamura tourne Cochons et Cuirassés / Filles et Gangsters (Buta to gunkan, 1961), un film « à scandale » où il met violemment en cause le rôle néfaste des bases américaines, tout en donnant une image mi-réelle et mi-symbolique du Japon d'après-guerre, à l'aube de la prospérité économique. On y trouve déjà un personnage de femme volontaire et forte qui rompt avec une certaine tradition, et qui sera approfondi dans ‘ Chronique entomologique du Japon ’ / la Femme insecte (Nippon konchuki, 1963), où Sachiko Hidari joue le rôle d'une prostituée luttant pour garder son indépendance, même contre sa fille. Il poursuit dans cette voie avec ‘ Désir de meurtre en rouge ’ / ‘ Désirs meurtriers ’ (Akai satsui, 1964) et Introduction à l'anthropologie / le Pornographe (Jinruigaku nyumon, 1965 ; d'après le roman de Akiyuki Nozaka), où se fait jour une invocation à la libération sexuelle, dans un style de plus en plus personnel, avec des échappées oniriques et baroques. Ayant fondé sa propre compagnie (Imamura Pro) en 1965, il poursuit son analyse sociale et sexuelle du Japon à travers des situations et des personnages assez exceptionnels, en recherchant, selon ses propres termes, « les origines du peuple japonais » : ainsi ‘ Évaporation de l'homme ’ (Ningen johatsu, 1967) traite d'un cas typique de « disparition », dans un style d'enquête documentaire, et ‘ Profonds Désirs des dieux ’ (Kamigami no fukaki yokubo, 1968), tourné dans les îles du Sud, confronte un Japon encore primitif à un représentant du boom industriel. Mais, après une nouvelle enquête documentaire de « contre-histoire », ‘ Histoire du Japon par une hôtesse de bar ’ (Nippon sengoshi : Madamu Onboro no seikatsu, 1970), les échecs commerciaux de ces films le contraignent à tourner pour la télévision, ‘ Ces dames qui vont au loin ’ (Karayuki-San, 1975), tandis qu'il fonde une école de cinéma privée à Yokohama. Il effectue un retour remarqué avec ‘ La vengeance est à moi ’ (Fukushu suru wa ware ni ari, 1979), puis ‘ Pourquoi pas ? ’ (Eijanaika, 1981), fresque ambitieuse de la période troublée précédant l'ouverture de l'ère Meiji, mais qui souffre d'une certaine confusion narrative. En 1983, la Ballade de Narayama (Narayama bushi-ko) remporte la palme d'or du festival de Cannes et donne à son auteur une audience internationale pour la première fois. Tout en dirigeant son école de cinéma aux environs de Tokyo, Imamura réussit encore à tourner Zegen (ou le Seigneur des bordels, 1987), une parabole sexuelle sur l'impérialisme nippon en Asie du Sud-Est, et Pluie noire (Kuroi ame, 1989), une adaptation très sobre d'un roman de Masuji Ibuse sur les séquelles de l'explosion d'Hiroshima. En 1997 il reçoit une deuxième Palme d'or à Cannes (ex aequo) pour l'Anguille (Unagi) puis réalise Docteur Akaǵi (Kenzo Sensei, 1998) qui conte les aventures d'un médecin de campagne pendant la Seconde Guerre mondiale. En 2001 il tourne De l'eau tiède sous un pont rouge (Akai hashi no shita no nurui mizu) son premier film situé à l'époque contemporaine depuis 1979. Un documentaire lui a été consacré en 1995 par le cinéaste portugais Paulo Rocha (Shohei Imamura, le libre penseur).