Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
E

ERMLER (Friedrich) [Fridrih Markovič Ermler] (suite)

Autres films :

Automne (CM expérimental, CO : I. Manaler, V. Gardanov et M. Maguid, 1940) ; la Grande Force (Velikaja sila, 1950) ; le Premier Jour (Den'pervyj, 1958) ; l'Invitation à souper (Zvanyj užin/Razbitye mečty, 1962) ; De New York à İasnaïa poliana (Iz N'ju-Iorka v Jasnuju Poljanu, id.).

ERNST (Max)

peintre franco-américain d'origine allemande (Brühl 1891 - Paris 1976).

Les rapports directs du grand peintre surréaliste avec le cinéma datent de 1944. Réfugié à New York, il y retrouve Hans Richter, qui lui propose de participer avec Duchamp, Léger, Man Ray et Calder à Rêves à vendre (Dreams That Money Can Buy, 1944-1947). La partie qui lui est confiée, intitulée Desire, inspirée par un de ses collages et où il joue lui-même, est une sorte de mise en scène onirique de la frustration sexuelle. Il intéresse aussi le cinéma par ces collages qui, dès 1919, assemblent des figures découpées dans de vieux catalogues illustrés du XIXe siècle. Cette technique, qui donne la Femme 100 têtes (1929) ou Une semaine de bonté (1934), inspirera des cinéastes comme Harry Smith ou Larry Jordan aux États-Unis, Karel Zeman ou Borowczyk (les Astronautes, 1959) en Europe.

ÉROTIQUE.

« Amour maladif », ainsi le Petit Larousse définissait-il l'érotisme en 1949. Le même dictionnaire traitait l'adjectif érotique plus sereinement : « qui a rapport à l'amour  ». L'érotisme a toujours pâti (ou bénéficié !) d'un flottement certain dans les définitions, cherchant son lieu géométrique à distance variable d'autres notions, comme celles de sexe, d'amour, de pornographie... L'érotisme au cinéma tombe fatalement sous le coup des mêmes incertitudes sémantiques. Les surréalistes se refuseront à le dissocier de l'amour tout court, tandis que d'autres lui réserveront un domaine particulier, celui de l'amour physique, donc du sexe, mais considéré dans ses manifestations suggestives, détournées, voire sublimées, transférées, plus que dans ses représentations concrètes. Plus précisément encore, on l'opposera assez artificiellement à la pornographie, généralement considérée comme la représentation directe et triviale de l'amour physique. Une querelle partagera longtemps encore les tenants d'un bon usage du sexe dans l'art, et en particulier au cinéma, celui de l'érotisme, et ceux qui dénient toute solution de continuité entre deux aspects d'un même phénomène : érotisme et pornographie, imagination et réalité. Psychologiquement et physiologiquement, rien ne paraît en effet devoir séparer ces deux moments du comportement sexuel, dans la mesure où ils constituent bien le propre de l'homme : le temps de l'imagination, du rêve, du désir ; le temps de la réalisation, de l'acte, du plaisir. Mais, dans l'art, deux considérations viennent parasiter ce schéma : la morale et l'esthétique. Histoire de l'érotisme au cinéma et histoire de la libération du sexe sont inséparables, le souci de la Beauté venant fréquemment conforter, de manière consciente ou non, les interdits relevant fondamentalement de la morale. En réalité, l'érotisme, qui est l'une des dimensions de l'homme et l'un des comportements qui le mettent en relation avec l'univers, est aujourd'hui à peu près reconnu comme tel et admis dans un cinéma globalement libéré. La persistance de circuits spécialisés ne change rien à cette révolution essentielle. L'érotisme au cinéma a connu le même parcours que d'autres genres (l'épouvante, la science-fiction), systématiquement exploités dans des productions marginales, avant de trouver son droit de cité dans la « littérature cinématographique générale », où ses manifestations, plus sporadiques, moins spécialisées, puisque participant désormais d'un tout, sont admises dans leur pleine expression. Signe des temps : des budgets de productions moyennes, et même moyennes-supérieures (Histoire d'O, Caligula) sont consacrés à des films à dominante érotique, de la même façon qu'il eût été impensable, il y a vingt ans, de consacrer des budgets de superproduction à des sujets tels que Shining ou Rencontres du troisième type.

Pour peu que l'on examine la chronologie, l'érotisme au cinéma apparaît rétrospectivement comme l'histoire d'une libération progressive, de la conquête d'une permissivité, quel que soit l'usage qui en sera fait. La vocation plastique du cinéma, la relation de voyeurisme que le spectateur entretient avec l'écran, miroir à la fois réfléchissant et sans tain, impliquaient une prise en compte quasi immédiate de cette composante de la psyché humaine. Pour la commodité de l'exposé historique d'un phénomène aussi touffu qu'insaisissable, on distinguera toutefois trois périodes, d'inégale longueur, déterminées par des mouvements de rupture, qui créent des situations irrévocables. L'avancée des mœurs, tout au moins dans les sociétés industrielles occidentales, correspond, avec l'indispensable temps de réponse, à ces grandes lignes de fracture.

1895-1952 :

la nécessité de contrôler les mœurs dans une société de pionniers puritains, l'avènement et le développement immédiat et considérable du cinématographe aux États-Unis justifient presque que la censure se soit rapidement organisée, puis institutionnalisée dans ce pays, au point d'enserrer, à la veille de la Seconde Guerre mondiale, l'expression cinématographique dans un corset dont les dispositions paraissent aujourd'hui plus ridicules qu'odieuses. Non moins logiquement les exigences du corps, son érotisme se sont manifestés dès les débuts du cinéma. En 1895, à Chicago, dans le cadre de l'Exposition universelle, on montre la Serpentine Dance de Fatima, dont la pellicule sera maculée, par une volonté moralisante, en 1907, par le premier comité de censure, fondé également à Chicago. En 1896, la projection du premier baiser cinématographique, entre John C. Rice et May Irwin, déchaîne les fureurs de la presse et des ligues bien-pensantes. La conquête de fragments de nudité, introduits en contrebande par des réalisateurs soucieux de « dire autre chose » ou simplement conscients de l'appât spectaculaire que représente ce dévoilement, caractérisera cette première époque (épaule nue de Fanny Ward dans Forfaiture et nudité d'Annette Kellerman dans la Fille des dieux, 1915 ; celle de Clara Bow dans Hula), ainsi que la recherche d'alibis permettant de montrer cette nudité et de peindre les excès de la passion. Inscrit dans des sociétés décadentes révolues (Cabiria, 1913) ou projeté sur un bouc émissaire « étranger » au groupe social, dont il constitue le repoussoir (apparition du personnage de la vamp avec Theda Bara dans A Fool There Was, 1915), ou encore assimilé explicitement à un comportement hérétique (la Sorcellerie à travers les âges, 1919), cet érotisme balbutiant accède à l'expression, conformément au mécanisme connu de la mauvaise foi de l'inconscient : le plaisir, mais pas la faute. 1930 est une année particulièrement importante pour cette période, qui voit, aux États-Unis, l'adoption du Code Hays et, en Europe, la réalisation de deux œuvres véritablement subversives : l'Âge d'or de Buñuel et l'Ange bleu de Sternberg. Ancien juriste, président du Comité national républicain, Will H. Hays est chargé, à partir de 1922, de la direction de la Motion Picture Producers and Distributors of America (MPPDA), fondée par les magnats hollywoodiens en vue de redorer l'image de marque d'une industrie écla boussée par quelques scandales. En 1930 paraît le Motion Picture Production Code, connu sous l'abréviation de Code Hays. Ce code définit ce qui peut ou non être montré dans un film. Son influence déterminera, pour de nombreuses années, le contenu aussi bien que la forme des films réalisés à Hollywood. Quelque peu libéralisé dans son application à partir de 1961, le Code Hays sévira néanmoins jusqu'en 1966, peu de temps avant que la grande révolution des mœurs des années 60 ne trouve un large écho international et ne soit récupérée par la production cinématographique. Le Code Hays a incontestablement l'appui d'une part non négligeable de l'opinion publique : la Légion catholique est fondée aux États-Unis en 1933, suite — dit-on — à la scandaleuse prestation de Mae West (dont le nom reste inséparable de la revendication sexuelle la plus anarchique) dans Lady Lou (V. Sherman, 1933). En 1935, le gouvernement américain fait brûler symboliquement une copie d'Extase, du Tchécoslovaque Machaty, où Hedy Lamarr apparaît entièrement nue. Alors qu'une certaine émancipation formelle intervient en Europe dès avant la Seconde Guerre mondiale (Arletty apparaît nue dans Le jour se lève et en dévoile autant que Martine Carol dans les années 50), l'Amérique, engoncée dans le Code Hays, doit recourir à l'allusion, au transfert, à l'analogie, à la métaphore visuelle, pour introduire la dimension érotique. Cette pratique alimente un véritable fétichisme qui, rétrospectivement, entre pour beaucoup dans le charme désuet de certains films des années 30 et 40, sauvés de l'oubli par les contraintes mêmes que leurs réalisateurs avaient eu à surmonter. Le sexe et, éventuellement, l'érotisme doivent user la plupart du temps de prétextes pour s'exprimer, ou recourir au transfert, à l'allusion. Le Banni, d'Howard Hughes, lance dès 1941, mais le film ne sera distribué qu'à partir de 1950, la mode d'une certaine hypertrophie provocante des glandes mammaires (Jane Russell), tandis que Rita Hayworth donne en 1946, dans Gilda, un saisissant raccourci de strip-tease, en ôtant simplement son gant, dans une scène anthologique. Mais, au début des années 50, ceux qu'on a appelés « les quarante voleurs », producteurs indépendants refusant le joug des Major companies et leur code moral, lancent sur le marché des films de nudistes : aucun contact physique, la caméra ne cadre jamais plus bas que la ceinture. Devant la cour d'appel de l'État de New York, les producteurs de Garden of Eden (1957) gagnent le procès d'interdiction intenté par l'université de l'État. En 1959 et 1960, le nudie vient relayer le film de nudistes. De caractère parodique, ces films aux scénarios incohérents ne sont que prétextes à effeuillages audacieux. Réalisés avec de très petits budgets, ils restent liés à la personnalité du producteur marginal Russ Meyer.