Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
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COULEURS (procédés de cinéma en). (suite)

Le Kodachrome.

Le Kodachrome était (et reste) un procédé original : les coupleurs, au lieu d'être incorporés dès le départ dans les couches sensibles, sont apportés par les trois bains qui développent successivement les trois couches. (Cela complique, sur le plan technique, le développement ; mais, comme la chimie de ce dernier s'en trouve simplifiée, le Kodachrome a pu bénéficier d'emblée de colorants résistant bien au vieillissement.)

Le Kodachrome fut lancé en 1935 comme film inversible — 16 mm ou 8 mm — destiné aux amateurs. Mais il était possible, partant d'un original 16 mm, d'extraire en laboratoire les trois sélections noir et blanc nécessaires à un tirage Technicolor. Exemple : les films animaliers de la série de Disney C'est la vie. De 1940 à 1950, une version 35 mm fut en outre fabriquée à l'intention du cinéma professionnel (le tirage s'effectuant comme ci-dessus en Technicolor), de façon à permettre les prises de vues là où il aurait été impossible de manipuler une caméra Technicolor : scènes aériennes de Dive Bomber (M. Curtiz, 1941), incendie de forêt de la Fille de la forêt (The Forest Rangers [G. Marshall], 1942), etc., jusqu'aux extérieurs africains des Mines du roi Salomon de C. Bennett et A. Marton (1950). En 1944-45, Thunderhead de Louis King et le Fils de Flicka furent entièrement tournés en Kodachrome 35 mm.

L'Agfacolor.

Contrairement au Kodachrome, l'Agfacolor comportait trois couches sensibles à coupleurs incorporés et développables dans un bain unique : c'est donc le précurseur de tous les procédés actuels. Il apparut en 1936 comme film inversible puis, en 1939, Agfa mit au point une version négative-positive qui autorisait pour la première fois non seulement le tournage mais aussi le tirage des copies sur film à couches sensibles superposées. (À vrai dire, partant d'une idée émise au début du siècle par Schinzel, le chimiste hongrois Bela Gaspar avait breveté vers 1930 un film à trois couches superposées où les images étaient obtenues non pas par formation de colorants mais par destruction de colorants préexistants. Le Gasparcolor, destiné au tirage des copies, car il était trop peu sensible pour la prise de vues, ne fut pratiquement pas employé.)

L'Agfacolor négatif-positif, inauguré en 1940 avec Les femmes sont de meilleurs diplomates, souffrait encore d'imperfections au niveau du tirage des copies. Son véritable lancement date de la Ville dorée (V. Harlan, 1942) et Les aventures du baron de Munchhausen (J. von Baky, 1943).

L'Eastmancolor.

Après la chute du IIIe Reich, les brevets Agfa étant tombés dans le domaine public, on vit apparaître un certain nombre de procédés « négatif-positif » reposant sur les bases de l'Agfacolor : les procédés belge Gevacolor, japonais Fujicolor, italien Ferraniacolor. Dans les pays de l'Est, qui avaient récupéré en 1945 un stock important d'Agfacolor (sur lequel fut notamment tournée la partie en couleurs d'Ivan le Terrible par Eisenstein), les dérivés de l'Agfacolor s'appelèrent Sovcolor en URSS, Orwocolor en RDA. La firme américaine Ansco, avant-guerre filiale d'Agfa, lançait pour sa part l'Anscocolor. (Seuls sont cités ici les procédés commercialisés.)

Ce fut toutefois l'Eastmancolor de Kodak, commercialisé en 1951, qui imposa vraiment le procédé négatif-positif. L'Eastmancolor était issu des travaux menés de son côté par Kodak, qui avait mis au point pendant la guerre deux procédés photographiques toujours employés (Ektachrome et Kodacolor), où les coupleurs étaient incorporés à la couche sensible selon une méthode différente de celle d'Agfa.

L'Eastmancolor introduisait une innovation appréciable : la correction automatique du rendu des couleurs par masque incorporé. ( COULEUR.) La qualité des résultats obtenus condamna l'encombrante caméra Technicolor : très vite, tous les films en couleurs furent tournés sur négatif monopack. Pour les copies, on avait le choix entre le tirage Technicolor traditionnel et le tirage sur positif couleur monopack.

Les années 50 marquent donc un tournant dans l'histoire du cinéma en couleurs. On pouvait désormais tourner avec des caméras « normales » et ne tirer qu'un nombre limité de copies, ce qui était économiquement absurde en Technicolor ; bref, la couleur n'était plus réservée aux productions importantes. Cela coïncidait en outre avec l'apparition de la télévision en couleurs (dès 1954, du moins aux États-Unis), qui allait demander des films en couleurs. Du coup, le cinéma bascula : en 1950, la couleur était encore l'exception ; aujourd'hui, tourner en noir et blanc constitue un événement.

Les procédés actuels.

Anscocolor ayant assez rapidement disparu, le cinéma professionnel fait aujourd'hui appel à trois marques : Eastmancolor, Fujicolor, Gevacolor. (Ferraniacolor n'existe plus que comme positif de tirage sous le nom de 3 M Color Print.) Tous ces films, développables selon les traitements préconisés par Kodak pour ses propres produits, ont connu de nombreuses améliorations depuis leurs débuts (notamment tous les négatifs sont aujourd'hui masqués) : amélioration de la sensibilité, passée d'une vingtaine d'ASA vers 1950 à 100 ASA, voire 250 ASA, en développement normal et plus encore en développement poussé ( SENSIBILITÉ) ; accroissement de la finesse de l'image et diminution de la granulation ; accroissement de la stabilité des colorants ; suppression des distorsions chromatiques dans les ombres, etc. (Les pays de l'Est, qui continuent d'employer Sovcolor et Orwocolor, importent également des pellicules « occidentales ».)

« Couleur par Technicolor ».

De Luxe Color, Warnercolor, Metrocolor, Pathécolor, etc., ne sont pas (ou n'étaient pas) des procédés originaux. Ces mentions signifient simplement que les travaux de laboratoire ont été effectués, sur de la pellicule Eastman ou autre, dans un laboratoire de la firme De Luxe, Warner, etc. (Ces travaux n'incluent pas nécessairement le tirage des copies. De même, les mentions Eastmancolor, Gevacolor, Fujicolor, Sovcolor, etc., nous renseignent sur le négatif de prise de vues mais n'impliquent pas nécessairement que les copies soient tirées sur une pellicule de la même marque.)