Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
L

LLOYD (Harold Clayton Lloyd, dit Harold)

acteur américain (Burchard, Nebr., 1893 - Beverly Hills, Ca., 1971).

Il est avec Keaton et Chaplin la vedette comique la plus populaire du cinéma muet. Il fait ses débuts comme figurant puis, en 1914, commence à tourner, en vedette, les premiers courts métrages pour son ami Hal Roach, avec qui il va collaborer jusqu'en 1923. Après avoir incarné les personnages éclectiques de Willie Work et de Lonesome Luke, ce dernier non sans succès, il devient en 1917 le célèbre « jeune homme aux lunettes d'écailles », silhouette sobre mais efficace qui fera sa gloire et à laquelle il restera fidèle – pour l'essentiel – jusqu'à la fin de sa carrière.

Avec Bebe Daniels et Snub Pollard comme principaux partenaires, il remporte d'abord un grand succès dans de nombreux courts métrages (dont les plus achevés sont les deux – et les trois – bobines tournées entre 1919 et 1921). Il passe ensuite aux longs métrages, qu'il continue à interpréter régulièrement jusqu'à la fin des années 30 (à partir de 1926 pour sa propre compagnie). Mais sa période créatrice, en fait, s'arrête à la fin du muet, comme chez la plupart des comiques de cet âge d'or. Lloyd garde en même temps pendant toute sa vie une image de marque éclatante ; son mariage « exemplaire » (46 ans de bonheur conjugal) avec Mildred Davis – la vedette féminine de ses films des années 1919-1923 –, sa participation à la vie mondaine et publique, son conformisme et sa forme physique ont permis au comique d'incarner dans sa vie cette image de la réussite et de l'optimisme qu'il offre par ailleurs à travers toute son œuvre.

Celle-ci, souvent considérée comme mineure, comporte d'indéniables richesses. Moins personnelle que celle des grands créateurs comme Keaton ou Langdon, elle marie cependant d'une manière inédite la frénésie manière Sennett à la précision caractéristique du style Hal Roach, obtenant ainsi un mélange on ne peut plus efficace. La vitalité de Lloyd à ses débuts éclate dans ses courts métrages et dans ses longs métrages à poursuite, qui comportent souvent de véritables numéros acrobatiques (Monte là-dessus, 1923) ; elle n'a d'égale que celle du jeune Chaplin. Comme celui-ci, il est vrai, Lloyd partage par la suite son œuvre entre une veine frénétique et une veine « psychologique » – la différence de profondeur à part –, en diluant de plus en plus le burlesque dans une banale comédie de mœurs (Raymond Borde suggère qu'il a pu subir sur ce plan l'influence de Mildred Davis). Son héros, qui joint d'abord l'anonymat à une sorte de dandysme triomphant, offre simultanément une image de plus en plus rassurante, pour finalement ressembler à n'importe quel jeune timide qui réussit à vaincre sa timidité. Il n'en reste pas moins une étonnante illustration comique de la jeune Amérique, de sa vitalité sans remords et du mythe de la réussite qui l'anime.

On a dit que Lloyd, plutôt qu'un auteur à part entière, n'était qu'un jouet dans les mains de ses collaborateurs, scénaristes ou réalisateurs. Sa personnalité, il est vrai, réside moins dans une vision singulière que dans son seul tempérament ; s'il est limité, toutefois, c'est plutôt parce qu'il soumet délibérément ses dons aux calculs purement techniques et commerciaux. Rêvant d'un comique entièrement industrialisé, il s'approche de cet idéal notamment grâce à Sam Taylor et Fred Newmeyer, qui sont ses réalisateurs entre 1920 et 1926, soit pendant sa période la plus féconde. Selon des témoignages de Lloyd lui-même, le succès de son équipe n'en vient pas moins d'une sage capacité de ses membres pour mettre à profit l'improvisation et le hasard, de façon à laisser le film comique « pousser tout seul ».

Films.

LM : Marin malgré lui / Aventure de marin (A Sailor-Made Man, Fred Newmeyer, 1921) ; le Talisman de grand-mère (Grandma's Boy, id., 1922) ; Docteur Jack (Doctor Jack, id., id.) ; Monte là-dessus (Safety Last, Newmeyer et Sam Taylor, 1923) ; Faut pas s'en faire (Why Worry ?, id., id.) ; ça te la coupe (Girl Shy, id., 1924) ; Oh ! ces belles-mères / Une riche famille (Hot Water, id., id.) ; Vive le sport ! (The Freshman, id., 1925) ; Pour l'amour du ciel (For Heaven's Sake, Taylor, 1926) ; le Petit Frère (The Kid Brother, Tom Wide, 1927) ; En vitesse (Speedy, id., 1928) ; Quel phénomène (Welcome Danger, C. Bruckman, 1929) ; À la hauteur (Feet First, id., 1930) ; Silence, on tourne (Movie Crazy, id., 1932) ; Patte de chat (The Cat's Paw, Taylor, 1934) ; Soupe au lait (The Milky Way, L. McCarey, 1936) ; Professeur Schnock (Professor Beware, E. Nugent, 1938) ; Oh ! quel mercredi ! (Mad Wednesday / The Sins of Harold Diddlebock, P. Sturges, 1947).

L.M.

Abrév. de long métrage.

LOACH (Kenneth)

cinéaste britannique (Nuneaton, Warwickshire, 1936).

Après avoir connu quelques succès dans la mise en scène théâtrale, cet ancien étudiant en droit (Oxford) commence une fructueuse carrière à la télévision. Transposant pour le grand écran le style direct et souvent improvisé de la création télévisuelle, il réalise son premier long métrage en 1967 : Pas de larmes pour Joy (Poor Cow), tout en revendiquant l'héritage de la grande tradition réaliste anglaise, celle des vieilles options esthétiques de Grierson. Ensuite, grâce à Tony Garnett, devenu son producteur pour le cinéma, Loach obtient la consécration internationale avec Kes (1969) et Family Life (1971). Il dénonce avec justesse et lucidité les méfaits de la répression au sein de l'école, de la famille et du milieu médical. L'enfant et la médecine restent encore les thèmes majeurs de Black Jack (1979), dont l'action se situe dans l'Angleterre du XVIIIe siècle. Regards et Sourires (Looks and Smiles, 1981), constat amer sur la situation de crise d'une Angleterre malade du chômage des jeunes, renoue avec les grandes constantes stylistiques du Free Cinema. Le conflit irlandais est aussi l'une des préoccupations de son œuvre, notamment dans Hidden Agenda (1990). En 1991 il surprend avec Riff Raff où les préoccupations sociales sont relevées d'un humour ironique et d'une remarquable justesse de ton dans le jeu des acteurs. Dans le même registre, Loach signe deux films à la fois désespérés et toniques : Raining Stones (id., 1993), et Ladybird (Ladybird, ladybird, 1994). En 1995, il évoque dans Land and Freedom le conflit entre les partisans qui luttent contre Franco. Un jeune Anglais quitte Liverpool pour se joindre à une section internationale de la milice républicaine mais se retrouve bientôt confronté aux dissensions entre communistes staliniens et militants du POUM. Loach donne libre cours à son engagement révolutionnaire, sans pour autant perdre sa lucidité ni faire œuvre de propagande, et s'impose comme l'un des plus doués parmi les cinéastes engagés de sa génération. En 1998, My Name is Joe (id.), émouvant récit de la réinsertion sociale d'un alcoolique révolté et rieur, splendidement campé par Peter Mullan (prix d'interprétation au Festival de Cannes), est l'un de ses meilleurs films. Après quoi, continuant dans la veine “latine” de Land and Freedom, il part aux États-Unis réaliser Bread and Roses (id., 2000) sur la main-d'œuvre mexicaine, plaidoyer généreux et émouvant. En 2001, il réalise The Navigators.