Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
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DMYTRYK (Edward) (suite)

Autres films :

la Main gauche du Seigneur (The Left Hand of God, 1955) ; la Neige en deuil (The Mountain, 1956) ; la Rue chaude (Walk on the Wild Side, 1962) ; les Ambitieux (The Carpetbaggers, 1964) ; Alvarez Kelly (id., 1966) ; Bataille pour Anzio (Anzio, 1968) ; Shalako (id., id.) ; la Guerre des otages (The Human Factor, 1980).

DOCUMENTAIRE.

Film qui a le caractère d'un document, qui s'appuie sur des documents.

Selon Georges Sadoul, Littré admet le terme documentaire en 1879 en tant qu'adjectif signifiant « qui a un caractère de document ». Citant Jean Giraud, l'historien note que le vocable prend, dès 1906, un sens cinématographique et devient substantif après 1914.

C'est en février 1926 que John Grierson emploie, dans un article publié par le Sun, le mot « documentary » pour désigner le film de Robert Flaherty, Moana (1926). Plus tard, il délimite mieux son objet en définissant comme documentaire une bande dans laquelle on décèle un « traitement créatif de l'actualité ». Généralement, ce terme désigne toute œuvre cinématographique ne relevant pas de la fiction, qui s'attache à décrire ou à restituer le réel. Toutefois, il s'agit là d'une option esthétique et philosophique sur le 7e art : les multiples écoles et tendances qui s'en réclament le démontrent parfaitement dans leur diversité.

Les débuts.

Les prises de vues initiales des frères Lumière relèvent, inconsciemment, du cinéma documentaire. Deux de leurs opérateurs esquissent les voies les plus fécondes du genre.

Félix Mesguish visite, entre 1896 et 1910, de nombreux pays et fixe ce qu'il voit sur pellicule. Ses bandes sont les ancêtres du film de voyage. Francis Doublier, détaché en Russie en 1898, traverse des régions à forte population juive. Lors de sa tournée, on lui reproche de n'avoir pas apporté des images de Dreyfus, dont le procès bouleverse l'opinion. Pour pallier cette carence, Doublier assemble entre eux divers plans provenant de sources différentes et étrangères à l'affaire : une parade militaire avec son capitaine en tête, des scènes de rues à Paris, des vues d'un navire... Aidé d'un commentaire circonstancié, le cinéaste présente ainsi une biographie fictive de Dreyfus. Le cinéma de montage et le film de compilation sont nés.

Avec Mesguish et Doublier, nous avons les deux pôles autour desquels tourne toute l'histoire du documentaire : la description de la réalité et son arrangement. Le film d'expédition et d'aventures domine jusqu'au début des années 20 : l'Éternel Silence (Herbert Ponting, GB, 1911), le Voyage du “ Snark ” dans les mers du Sud (Martin Johnson, US, 1912), Dans l'Himalaya du Cachemire (Mario Piacenza, IT, 1913), Twenty Thousand Leagues Under the Sea (John Ernest et George M. Williamson, US, 1914), À travers le continent noir (Cherry Kearton, US, 1915)... Des opérateurs accompagnent alors souvent les grands explorateurs : Amundsen, Shakleton, le capitaine Scott.

La Première Guerre mondiale attire l'attention des cinéastes et des gouvernements sur la nécessité de promouvoir l'information et la propagande. Le film de montage composé d'archives et de plans spécialement tournés pour l'occasion connaît alors un certain développement : European Armies in Action (US, 1914), les Grands Jours de la révolution russe (Velikie dni rossiskoj revoljuci, Mikhaïl Bontch-Tomachevski et V. Viskovski, URSS, 1917), America's Answer (US, 1917)... Il faut toutefois attendre que le cinéma (de fiction) devienne maître de sa syntaxe pour que la branche documentaire se définisse par rapport à lui. C'est chose faite vers 1920. Tout au long de la décennie, des gens comme Robert Flaherty, Dziga Vertov, Esther Choub, Alberto Cavalcanti, Walter Ruttmann et d'autres en précisent les enjeux.

Les premiers pionniers.

Après la Première Guerre mondiale, des cinéastes cherchent, dans de nombreux pays, à donner un style propre au cinéma non fictionnel. Flaherty, avec Nanouk (1922), concrétise ces aspirations en élaborant un documentaire qui est, aussi, une œuvre d'art. Il innove en étudiant de près les gens qu'il va filmer. Familiarisé à leur mode de vie par une longue complicité, le cinéaste leur demande de participer à la confection du film, en réinterprétant, au besoin, des aspects révélateurs de leur existence. Contrairement à Grierson, Flaherty refuse d'utiliser le cinéma d'un point de vue préconçu sur le monde. En observant l'Esquimau Nanouk et les siens, en les regardant vivre avant de les filmer, il ouvre la voie au documentaire poétique ainsi qu'au film ethnologique. Flaherty poursuit dans la même direction avec Moana, tourné aux îles Samoa, en Polynésie. On peut noter, dans une perspective similaire, les bandes d'Ernest B. Schoedsack et Merian C. Cooper, Grass (1925), sur les migrations annuelles d'une tribu perse, et Chang (1927), une œuvre entièrement filmée dans la jungle de Siam.

Opérateur d'actualités dès 1918, croyant également aux possibilités d'innovation esthétique et sociale contenues dans la révolution d'Octobre, Dziga Vertov entrevoit les potentialités illimitées du montage. Farouche ennemi du cinéma de fiction, il achève, en 1922, une chronique historique construite à partir de matériaux d'archives : Histoire de la guerre civile. Cette pratique offre à Vertov les bases théoriques de son « ciné-œil », qui prévoit de « saisir la vie à l'improviste » (sans préparation et à l'insu des gens photographiés) et d'en réorganiser idéologiquement les fragments par les vertus de montage. Il réalise, en 1924, un long métrage, Ciné-il (Kino-glas), dans lequel il applique ses théories. On retrouve ces dernières dans la plupart de ses films ultérieurs : En avant Soviets (1926), la Sixième Partie du monde (id.), la Onzième Année (1928) et, surtout, l'Homme à la caméra (1929), véritable manifeste du « ciné-œil », dont il dépasse pourtant les données pour rejoindre les « citys symphonies ».

Esther Choub donne ses lettres de noblesse au film de compilation. Comme Vertov, elle est pleinement consciente de l'existence d'un double contenu dans la pièce d'actualité : les données visibles (les faits décrits) et les éléments de composition plastique. En 1927 et 1928, elle élabore une trilogie couvrant l'histoire russe de 1896 à 1927 qui ne comporte aucun plan tourné par elle : la Chute des Romanov (1927), la Grande Voie (id.) et la Russie de Nicolas II et de Tolstoï (1928). Son expérience de monteuse l'aide à sélectionner les matériaux adéquats parmi des milliers de mètres de pellicule provenant de sources diverses ; Esther Choub ne lie pas les significations apparentes entre elles mais en fait surgir, d'après un plan préétabli, un sens nouveau correspondant à une lecture marxiste de l'Histoire.