Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
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ROBINSON (Emanuel Goldenberg, dit Ed ward G.) (suite)

Il allait appartenir à James Cagney d'affiner le personnage pour créer le mythe ambigu du gangster, celui que l'Amérique en crise s'était choisi. Robinson n'était pas un mythe, mais un acteur de composition, un des plus grands, qui a déployé son art dans une série de rôles très divers. Dans les années 30, il est, surtout à la Warner Bros, le dur à la parole crépitante et à la grimace de crapaud de beaucoup de films pleins de charme et d'inventions (Silver Dollar, Alfred E. Green, 1932 ; The Little Giant, R. Del Ruth, 1933 ; Un meurtre sans importance, L. Bacon, 1938). Mais la composition le tente. Il est un étrange et savoureux gangster chinois (le Bourreau, W. A. Wellman, 1932), et Howard Hawks lui offre deux rôles magnifiques qu'il interprète avec sa fougue habituelle, sa laideur étrangement féminisée par une boucle d'oreille : le chasseur de requins manchot du Harpon rouge (1932) et le patron de saloon onctueux de Ville sans loi (1935). Parallèlement, il introduit à l'occasion une nuance de sympathie et de générosité dans son image de dur (Guerre au crime, W. Keighley, 1936).

Sa trajectoire était désormais fixée. Il revient périodiquement à son rôle de gangster intégralement mauvais, parfois de manière routinière (Un pruneau pour Joe, L. Allen, 1955), parfois avec éclat, le portant même à la perfection (Key Largo, J. Huston, 1948). Dans cette œuvre, sa première apparition, suant dans un bain chaud, le cigare au coin des lèvres, a un impact inégalé. Il adoucit son image en interprétant bon nombre de représentants de la loi et de l'ordre : policier (Investigations criminelles, A. Laven, 1953), inspecteur d'assurance (Assurance sur la mort, B. Wilder, 1944) ou autre. Enfin, il semble s'être délecté dans ses rôles d'homme du commun dont le destin bouleverse la vie, compositions attentives, rehaussées de petites touches réalistes délicieuses. On n'oubliera pas ses créations exemplaires de criminologue prudent (la Femme au portrait, F. Lang, 1944) ou d'employé de banque /peintre du dimanche (la Rue rouge, id., 1945), poussés au crime par la sémillante Joan Bennett. Plus étranges sont ses rôles de médium petit-bourgeois effrayé de ses propres pouvoirs dans Obsessions (J. Duvivier, 1943) et dans les Yeux de la nuit (The Night Has a Thousand Eyes, J. Farrow, 1948). Plus humain était le personnage du médecin qui découvrait un remède contre la syphilis (Dr. Erlich's Magic Bullet, W. Dieterle, 1940) et le père italien autoritaire, respecté et haï (la Maison des étrangers, J. L. Mankiewicz, 1949), qu'il émaillait de bonhomie, de douceur et aussi de fermeté.

Ses créations les plus marquantes des années 50 et 60 sont des compositions pleines de chaleur humaine, dont la plus lumineuse est celle du vieux frère de Frank Sinatra, petit-bourgeois italien attendrissant, bien dans la lignée des héros de Frank Capra (Un trou dans la tête, 1959). La fin de sa carrière le conduisit en Italie ou en Espagne pour des productions sans intérêt, destinées sans doute à alimenter sa fabuleuse collection de peintres impressionnistes. Son dernier film lui a valu une des plus belles « sorties » cinématographiques qui puissent se concevoir : dans Soleil vert (R. Fleischer, 1973), il est un vieil humaniste égaré dans une société du futur sans humanité, qui se laisse « suicider » en se faisant projeter des images de nature au son de la Symphonie pastorale. Edward G. Robinson mourut pendant le tournage du film, sans en achever la postsynchronisation : la voix que l'on entend est donc une excellente imitation de la sienne, râpeuse, si caractéristique.

Autres films :

le Châle aux fleurs de sang (J. S. Robertson, 1923) ; l'Homme aux deux visages (The Man With Two Faces, A. Mayo, 1934) ; Toute la ville en parle (J. Ford, 1935) ; le Dernier Gangster (The Last Gangster, E. Ludwig, 1937) ; le Dernier Round (M. Curtiz, id.) ; le Mystérieux Docteur Clitterhouse (A. Litvak, 1938) ; l'Entraîneuse fatale (R. Walsh, 1941) ; le Vaisseau fantôme (M. Curtiz, id.) ; le Criminel (O. Welles, 1946) ; la Maison rouge (D. Daves, 1947) ; Mardi, ça saignera (H. Fregonese, 1954) ; le Souffle de la violence (The Violent Men, R. Maté, 1955) ; les Dix Commandements (C. B. De Mille, 1956) ; Pepe (G. Sidney, 1960, caméo) ; les Sept Voleurs (H. Hathaway, id.) ; Quinze Jours ailleurs (V. Minnelli, 1962) ; Sammy Going South (A. Mackendrick, 1963) ; les Cheyennes (J. Ford, 1964) ; le Kid de Cincinnati (N. Jewison, 1965).

ROBINSON (Madeleine Svoboda, dite Madeleine)

actrice française (Paris 1916).

Une bête de théâtre farouche, sincère, talentueuse, qui a su triompher grâce à son opiniâtreté et à sa passion des planches. Après des débuts obscurs, elle décroche le premier rôle féminin du Mioche (L. Moguy, 1936), le joue avec cœur et s'installe dans un certain nombre de films d'un éclat moyen. Grémillon lui fait remplacer une actrice défaillante dans Lumière d'été (1943). On la redécouvre et Autant-Lara lui apporte le rôle de la gouvernante de Douce (id.), qui la consacre grande actrice. Sortilèges (Christian-Jaque, 1945), les Chouans (Henri Calef, 1947), les Frères Bouquinquant (L. Daquin, id.), Une si jolie petite plage (Y. Allégret, 1949), Entre onze heures et minuit (H. Decoin, id.), Dieu a besoin des hommes (J. Delannoy, 1950), le Garçon sauvage (id., 1951), l'Affaire Maurizius (J. Duvivier, 1954), les Louves (Luis Saslavski, 1957), À double tour (C. Chabrol, 1959), Léviathan (Léonard Keigel, 1961), le Procès (O. Welles, 1962), J'ai épousé une ombre (Robin Davis, 1983), Camille Claudel (B. Nuytten, 1988), demeurent les jalons les plus lumineux de sa carrière. On retrouve sa personnalité dans ses souvenirs en forme de pamphlet : les Canards majuscules (1978).

ROBISON (Arthur)

cinéaste allemand d'origine américaine (Chicago, Ill., 1888 - Berlin 1935).

Diplômé de l'école de médecine de Munich, il exerce pendant plusieurs années, avant de faire ses débuts au théâtre, en Suisse. Apparaissant plus tard sur les scènes allemandes, il devient scénariste (1914) et tourne son premier film (Nacht des Grauens) en 1916. C'est en 1923 qu'il réalise son œuvre la plus célèbre, le Montreur d'ombres (Schatten), drame psychologique puissant basé sur des jeux d'ombres, qui reste un classique du cinéma expressionniste allemand, admirablement photographié par Fritz Arno Wagner. En 1929, il est l'auteur, en Angleterre, d'une version du Mouchard (The Informer), d'après O'Flaherty. Par la suite, il dirige à Hollywood des adaptations françaises et allemandes de films de la MGM (Mordprozess Mary Dugan, d'après The Trial of Mary Dugan, 1931). Ses autres œuvres, de moindre ambition, ne sont le plus souvent que des produits commerciaux : Zwischen Abend und Morgen (1923), Pietro der Korsar (1925), Manon Lescaut (1926, avec Lya de Putti), la Dernière Valse (Der letzte Walzer, 1927, avec Willy Fritsch), Jenny Lind (1931, tourné aux États-Unis), Eines Prinzen junge Liebe (1933), Monsieur le Marquis (FR, 1935), l'Étudiant de Prague (Der Student von Prag, id., avec Anton Walbrook). ▲