Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
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RIVETTE (Jacques) (suite)

Rivette commence en 1958 le tournage de son premier long métrage, Paris nous appartient (1961). Dès ses débuts, on considère l'auteur comme un des chefs de file de la Nouvelle Vague. Classification hâtive au demeurant car son œuvre est irréductible à celle de ses collègues qui, pour la plupart, abandonnent, dès le milieu des années 60, toute forme de recherche. Paris nous appartient contient déjà les principales données que Rivette développe dans ses travaux ultérieurs : le thème du complot qui permet l'utilisation de structures narratives souples, les répétitions théâtrales envisagées comme métaphores de la création artistique en général, le mélange de l'improvisation et de la mise en scène, de la fiction et de séquences documentaires. De cette fiction à tiroirs qui retravaille, à chaque séquence, ses enjeux naît un film nocturne, un des plus beaux poèmes dédiés à la capitale. Puis Rivette met en images la Religieuse (1966), d'après le roman de Diderot. Il y fait preuve d'une écriture épurée qui annonce un peu la démarche d'un Manoel de Oliveira (Amour de perdition, 1978). La censure française interdit l'œuvre provisoirement.

Dans ses deux films suivants, l'Amour fou (1967-68) et Out One – qui existe en deux versions, Out One : Noli me tangere, d'une durée de 12 h 40, présenté une unique fois en octobre 1971 à la Maison de la culture du Havre en copie de travail, et Out One : Spectre, réduit à 4 h 15 et exploité en salles en 1974 –, Rivette pousse à l'extrême ses recherches sur l'expression, l'improvisation, le mélange document brut et fiction. Le thème du complot, dans Out One, lointainement inspiré de l'Histoire des treize de Balzac, autorise une bonne radiographie du Paris de l'immédiat après-68. Avec Céline et Julie vont en bateau (1974), Jacques Rivette s'oriente vers un cinéma plus ouvertement fantastique, dans lequel les références au réel s'estompent au profit d'un imaginaire tout-puissant. En 1975, le réalisateur a en projet les Filles du feu ou Scènes de la vie parallèle, une série de quatre films. En fait, l'auteur ne concrétise que le deuxième (Duelle, 1976) et le troisième épisode (Noroît, 1975-1977) de cette tétralogie. Dans la filiation de Céline et Julie vont en bateau, Rivette entend travailler la notion de dualité, l'effet de miroir, les liens naissant entre deux femmes.

Devant l'impossibilité de réaliser cette œuvre-fleuve, le cinéaste revient, avec Merry-Go-Round (1977-78), au thème du complot avec chassés-croisés divers. La veine semble toutefois épuisée et le film n'est pas convaincant. Nous notons, dans le Pont du Nord (1980-81), le retour à un certain réalisme dans la facture qui lorgne un peu du côté de Paris nous appartient. Après le court métrage Paris s'en va (1982), l'Amour par terre (1984) marque, chez Rivette, un désir d'épuration. Le plaisir du jeu et la complicité entre acteurs et metteur en scène rendent cette entreprise fascinante et d'un abord aisé. En 1985, il signe un Hurlevent d'après le roman d'Emily Brontë mais que l'on ne saurait comparer aux adaptations de Wyler ou de Buñuel, tant le parti pris de non-romantisme « littéraire » est évident. La Bande des quatre (1989) est un exercice de style sur la complicité qui relie entre elles quelques jeunes femmes élèves d'un cours d'art dramatique. Au-delà d'une trame pseudo-policière, le film reprend certains thèmes chers au metteur en scène, le jeu — en vase clos — des sentiments et des influences, et l'évocation d'un « complot » volontairement mystérieux. La Belle Noiseuse (1991), libre adaptation de la nouvelle de Balzac le Chef-d'œuvre inconnu, et Jeanne la Pucelle (en deux épisodes : les Batailles et les Prisons, 1994), avec Sandrine Bonnaire dans le rôle-titre, confirment l'importance de l'auteur, cinéaste à la personnalité rare et exigeante qui semble cultiver avec brio sa marginalité de créateur. En 1995, Haut, bas, fragile marque une pause dans la démarche de Rivette, moins à l'aise sans doute dans la légèreté et l'entrain que dans la description plus élaborée d'un sujet mieux structuré. Puis en 1998 il réalise Secret défense, où il s'ingénie à tracer des fausses pistes dans une narration à prétexte politique. Dans Va savoir (2001), il revient à son schéma fécond du cadre théâtral comme révélateur et « machine à fiction ».

En 1990, Claire Denis avait tourné Jacques Rivette le veilleur, longue interview entre le cinéaste et le critique Serge Daney.

RIVIÈRE (Georges)

acteur français (Tahiti 1924).

Blond, athlétique, il prend la relève des Georges Marchal et des Jean-Claude Pascal, dans des films d'action « à l'européenne » : Normandie-Niémen (J. Dréville, 1960), le Passage du Rhin (A. Cayatte, id.), les Mystères d'Angkor (W. Dieterle, id.), La Fayette (Dréville, 1962), Mandrin (J. -P. Le Chanois, id.), le Justicier du Minnesota (S. Corbucci, 1965), etc. L'Accident (E. T. Gréville, 1962) lui vaut le rôle le moins conventionnel de sa carrière.

RIZQ (Amina)

actrice égyptienne (Le Caire 1918).

Figure aujourd'hui tutélaire du théâtre et de l'écran, où elle incarne sans partage la mère égyptienne, Amina Rizq monte sur les planches à seize ans, et ne les quitte plus, partageant l'enseignement de Yussif Wahby — à qui elle voue une dévotion passionnée — et jouant la plupart de ses œuvres, y compris les films sans grand intérêt qu'il a dirigés. Sa personnalité affirmée passe bien à l'écran, qu'elle traduise l'abnégation, le drame ou la détermination. Sa silhouette noire tassée ou, au contraire, un lourd profil, un masque marqué, tendu dans l'obstination et la tendresse, avec un jeu nuancé, sobre et sûr, lui ont valu quelques-uns des plus beaux rôles du mélodrame, puis de paraître avec une incontestable autorité dans Je veux une solution (A. Marzug, 1974), qui revendique pour la femme le droit au divorce, ou dans ‘ la Honte ’, sous la direction de l'acteur Nur ash-Sharif (1982). On peut jalonner sa carrière à l'écran avec ‘ le Médecin ’ (N. Mustafa, 1939), Mustafa Kamel (Ahmad Badrakhan, 1952), l'Appel du courlis (H. Barakat, 1959), Mort parmi les vivants, l'étonnant mélodrame de Salah Abu Sayf, où elle est la mère de Sana Gamil et d'Omar Sharif (1960).