Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
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FRANKEUR (Paul)

acteur français (Paris 1905 - Nevers 1974).

Un numéro de cabaret, monté avec l'acteur Yves Deniaud, décide de sa carrière artistique qui débute en 1941 (Nous les gosses de Louis Daquin). En 33 ans, il paraît dans 90 films, alternant les rôles de flic et d'ancien voyou. Ami de Gabin, il figure souvent à ses côtés (Touchez pas au grisbi, J. Becker, 1954) mais paraît également dans Jour de fête (J. Tati, 1949), puis la Voie lactée (1969), le Charme discret de la bourgeoisie (id., 1972) et le Fantôme de la liberté (id., 1974), tous de Buñuel. André Cayatte a également fait appel à sa bonhomie qui pouvait devenir tantôt cruelle, tantôt sournoise, tantôt redoutable.

FRANKLIN (Carl)

cinéaste américain (Richmond, Ca., 1949).

Ancien acteur de théâtre, il apprit son métier de cinéaste auprès du producteur-réalisateur Roger Corman. Après trois réalisations indépendantes, il fut remarqué pour One False Move (id., 1993), thriller très original et personnel : Carl Franklin y affirmait une mise en scène impeccablement classique, une direction d'acteur très sûre et une vive sensibilité dans le traitement d'un thème qui lui tenait à cœur, celui du métissage. Ce même thème était au centre du Diable en robe bleue (The Devil in a Blue Dress, 1995), où la référence au film noir classique des années 40 y était encore plus affirmée : une magnifique reconstitution d'époque rehaussait de teintes sombres et soyeuses une adaptation d'un roman de Walter Mosley que Franklin cosignait. Contre-jour (One True Thing, 1998) paraît en regard plus traditionnel : un mélodrame féminin conçu pour Meryl Streep et sans doute aussi pour asseoir la réputation de Franklin au sein du système hollywoodien. Il contait en termes sobres les derniers jours d'une femme consumée par un cancer : fort heureusement le côté « drame vécu » hérité de la télévision y était éclipsé par un sens vif de la dramatisation et du raccourci.

FRANKLIN (Sidney)

cinéaste américain (San Francisco, Ca., 1893 - Los Angeles, Ca., 1972).

Comme beaucoup de pionniers, Sidney Franklin et son frère Chester sont passés par toutes sortes de professions avant d'échouer en 1913 dans un Hollywood naissant. Là, peu à peu, Sidney et Chester gravissent les échelons et passent à la mise en scène. Le maladif Sidney resta actif dans cette branche jusqu'en 1937. Après quoi, il est passé aux activités de production, pour enfin se retirer en 1958, après The Barrets of Wimpole Street, qui marquait un retour à la mise en scène après vingt ans d'absence et qui était le remake d'un de ses plus grands succès.

Cet homme modeste, timide, toujours en retrait, n'a jamais rien fait pour sa propre publicité. Quand on lui parlait de sa carrière, il reportait volontiers toutes les qualités qu'on pouvait lui trouver sur son frère Chester, et il donnait comme ses meilleurs films ceux que d'autres avaient réalisés sous sa supervision (par exemple Madame Miniver de William Wyler ou Prisonniers du passé [Random Harvest], de Mervyn LeRoy, tous deux réalisés en 1942). Et pourtant maintenant, vue avec le recul, la plupart du temps, il est vrai, dans l'ombre confidentielle des cinémathèques, son œuvre est celle d'un véritable artiste, fin, sensible et profondément romantique, celle d'un pionnier au métier considérable, à la technique sans faille et aux effets sûrs. On dit le plus grand bien des films pour enfants qu'il coréalisa avec Chester dans les années 10. Il travailla seul à partir de 1918.

Avec en main un scénario suffisamment romanesque, Franklin était capable de changer le fer en or, sans que le genre cinématographique importe vraiment. Qu'il touche au western (Heart of Wetona, 1918) ou à l'opérette (Beverly of Graustark, 1926), tout peut lui réussir. Heart o ’ the Hills et The Hoodlum (1919), avec Mary Pickford, frappent par leur considérable invention décorative, comme Her Sister From Paris (1925) par son rythme trépidant. Mais c'est dans le drame ou la comédie romantique qu'il excelle, n'hésitant pas, travailleur attentif et patient, à peaufiner son travail sur deux versions (Victoire du cœur [Smilin' Through, 1922] et Chagrins d'amour, id., 1932 ; Miss Barrett [The Barretts of Wimpole Street, 1934] et la version homonyme de 1957). Ses meilleurs films sont sans doute la Galante Méprise (Quality Street, 1927), où brille Marion Davies, les Amants terribles / Vies privées (Private Lives, 1931), magnifique et fidèle adaptation de Noël Coward, l'Ange des ténèbres (The Dark Angel, 1935), mélodrame sombre et vigoureux, Visages d'Orient (The Good Earth, en CORÉ, 1937), superproduction où le gigantisme n'entame jamais la délicatesse psychologique, et surtout ces deux chefs-d'œuvre du faux style anglais MGM que sont Chagrins d'amour et Miss Barrett. Norma Shearer s'y révélait l'actrice privilégiée de ce miniaturiste précis, continuateur anachronique de l'esprit victorien dans l'Hollywood de l'âge d'or.

FREARS (Stephen)

cinéaste britannique (Leicester 1941).

Après de nombreux travaux pour la télévision (24 films en douze ans), il débute au cinéma avec deux thrillers qui attirent l'attention : Gumshoe (1971), essai nostalgique sur le thème du « privé », et The Hit (1984), haletant règlement de comptes entre gangsters. Puis il s'affirme brillamment comme l'un des rénovateurs du cinéma britannique avec My Beautiful Laundrette (1985), où il combine le réalisme documentaire et l'atmosphère du film noir dans un percutant constat social centré sur un jeune immigré pakistanais qui tente, avec l'aide de son amant, un voyou cockney, de gérer une laverie dans la jungle de la délinquance londonienne. Prick Up Your Ears (Prick Up, 1987), inspiré d'une histoire véridique, celle de l'écrivain Joe Orton, revient au thème de l'homosexualité tout comme Sammy et Rosie s'envoient en l'air (Sammy and Rosie Get Laid, 1987) où s'ajoute le constat de la violence raciale. Les Liaisons dangereuses (Dangerous Liaisons, 1988) est une pénétrante adaptation d'une cynique élégance (à travers la pièce de Christopher Hampton) du roman de Choderlos de Laclos. Les Arnaqueurs (The Grifters, 1990), adapté de Jim Thompson par Donald Westlake, renoue avec la tradition américaine du « film noir » des années 40. C'est avec la comédie sociale américaine, plus proche de Preston Sturges que de Frank Capra, qu'il renoue avec Héros malgré lui (Hero, 1992). Ensuite, comme un pied de nez à ceux qui déjà l'imaginaient s'endormir sur son savoir-faire dans de prestigieuses productions américaines, il revient en Grande-Bretagne et filme avec sa vitalité coutumière une petite comédie épatante, à très petit budget, sans aucune vedette, et il en fait un succès : The Snapper (1994). En 1995, il signe Typically British, un documentaire sur sa vision personnelle du cinéma britannique réalisé pour le centenaire du cinéma et produit par le British Film Institute. Mary Reilly (id.) bénéficie d'un financement hollywoodien et d'une star (Julia Roberts) dans le rôle principal : cette revisitation du mythe Jeckyll/Hyde est une belle réussite. The Van (id., 1996) revient par contre à l'univers de The Snapper et à un petit budget. Frears continue sur le principe de l'alternance : réalisés aux États-Unis, The Hi-Lo Country (id., 1998) croise avec habileté le film noir et le western, alors que High Fidelity (id., 2000) propose une peinture amusée des années 80 qui n'est pas loin de l'inspiration anglaise du cinéaste. Une inspiration qu'il retrouve dans son pays d'origine avec Liam (id., 2000), modeste chronique irlandaise. Faisant fi des étiquettes et des clivages, libre de toute entrave, tant économique qu'artistique, Stephen Frears donne l'impression d'un cinéaste heureux de filmer.▲