Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
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ROBSON (Flora Mather, dite Dame Flora)

actrice britannique (South Shields 1902 - Brighton 1984).

Elle monte sur scène en 1921 et dix ans plus tard passe à l'écran. Elle y connaît le succès avec la Grande Catherine (P. Czinner, 1934) et l'Invincible Armada (W. K. Howard, 1937, rôle de la reine Élisabeth) avant de se consacrer de plus en plus aux rôles de composition : les Hauts de Hurlevent (W. Wyler, 1939, rôle d'Ellen Dean), l'Intrigante de Saratoga (S. Wood, 1946), le Narcisse noir (M. Powell et E. Pressburger, 1947), Sarabande (B. Dearden et M. Relph, 1948), Roméo et Juliette (R. Castellani, 1954, rôle de la nurse), Gipsy (J. Losey, 1958), les 55 Jours de Pékin (N. Ray, 1963, rôle de l'impératrice Tseu-Hi), le Jeune Cassidy (J. Cardiff, 1965), Frontière chinoise (J. Ford, 1966), la Malédiction des Whateley (The Shuttered Room, D. Greene, 1967), Alice au pays des merveilles (Alice's Adventures in Wonderland, William Sterling, 1972). ▲

ROBSON (Mark)

cinéaste américain (Montréal, Québec, Canada, 1913 - Londres, Grande-Bretagne, 1978).

D'abord monteur à la RKO, il travaille à ce titre avec Robert Wise sur deux films d'Orson Welles : Citizen Kane (1941) et la Splendeur des Amberson (1942). En 1943, il réalise la Septième Victime (The Seventh Victim) pour le producteur Val Lewton, qui lui fera également mettre en scène l'Île de la mort (Isle of the Dead, 1945) et Bedlam (1946). Il travaille ensuite pour Stanley Kramer et signe une intéressante succession de films consacrés à la boxe (Champion, 1949), au racisme et à la guerre (Je suis un nègre [Home of the Brave], id.) et à la réinsertion des soldats (la Nouvelle Aurore [Bright Victory], 1951). Passant de la comédie (Phffft, 1954) au film de guerre les Ponts de Toko-Ri (The Bridges at Toko-Ri, 1955), il signe la même année Mon fils est innocent (Trial), une virulente parabole anticommuniste et puis Plus dure sera la chute (The Harder They Fall, 1956), le dernier film où apparaît Humphrey Bogart, qui dénonce le racket dans le sport. Les Plaisirs de l'enfer (Peyton Place, 1957) et Du haut de la terrasse (From the Terrace, 1960), d'après John O'Hara et avec Paul Newman, lui vaudront des succès populaires. Après avoir raconté dans À neuf heures de Rama (Nine Hours to Rama, US-GB, 1963) les derniers moments qui précèdent la mort de Gandhi, Robson réalise en 1966 les Centurions (Lost Command), d'après le roman de Jean Lartéguy, et, en 1974, Tremblement de terre (Earthquake), l'un des plus célèbres films-catastrophe, avec Charlton Heston et Ava Gardner. Il mourra à la fin du tournage d'Avalanche Express (id.), sorti en 1979.

Autres films :

The Ghost Ship (1943) ; Youth Runs Wild (1944) ; Roughshod (1949) ; Tête folle (My Foolish Heart, id.) ; la Marche à l'enfer (Edge of Doom, 1950) ; Face à l'orage (I Want You, 1951) ; Retour au paradis (Return to Paradise, 1953) ; l'Enfer au-dessous de zéro (Hell Below Zero, GB, 1954) ; Hold-up en plein ciel (A Prize of Gold, GB, 1955) ; la Petite Hutte (The Little Hut, 1957) ; l'Auberge du sixième bonheur (The Inn of the Sixth Happiness, GB, 1958) ; Pas de lauriers pour les tueurs (The Prize, 1963) ; l'Express du colonel von Ryan (Von Ryan's Express, 1965) ; la Vallée des poupées (Valley of the Dolls, 1967) ; la Boîte à chat (Daddy's Gone A-Hunting, 1969) ; Happy Birthday, Wanda June (1971) ; Limbo (1972). ▲

ROBSON (Mary Jeanette Robison, dite May)

actrice américaine d'origine australienne (Melbourne 1858 - Beverly Hills, Ca., 1942).

Veuve avec trois enfants, May Robson décide de gagner sa vie en jouant la comédie. Des emplois réguliers à la scène et quelques rôles au muet ne lui valent pas la popularité, presque instantanée, que le parlant lui assure. Elle crée un joli personnage de vieille dame malicieuse et égrillarde, qui culmine dans son inoubliable création de la pocharde « Apple Annie » dans Grande Dame d'un jour (F. Capra, 1933). Ce succès lui valut quelques rôles en vedette et une longue et brillante série de seconds rôles : la Dame de cœur dans Alice au pays des merveilles (N. Z. McLeod, id.), Tante Polly dans les Aventures de Tom Sawyer (N. Taurog, 1938) ou la douairière dépassée par les événements dans l'Impossible Monsieur Bébé (H. Hawks, id.). Son dernier film fut Joan of Paris (R. Stevenson, 1942).

ROCCA (Daniela)

actrice italienne (Acireale 1937 - Catane, Sicile 1995).

En 1953, elle est élue en Sicile Miss Catania et participe ensuite au concours de Miss Italie. Depuis 1955 (Il nostro campione, Vittorio Duse), elle interprète au cinéma quelques rôles mineurs. Après un succès dans Judith et Holopherne (Giuditta e Oloferne, Fernando Cerchio, 1959), elle joue surtout dans des péplums. Pietro Germi, en 1961, la transforme en mégère, épouse du protagoniste de Divorce à l'italienne. Ce triomphe personnel ne lui permet cependant pas une nouvelle carrière, et elle se disperse dans des rôles mineurs.

ROCHA (Glauber)

cinéaste brésilien (Vitória da Conquista, Bahia, 1939 - Rio de Janeiro 1981).

Après avoir interrompu des études de droit, il devient journaliste et participe à l'effervescence culturelle de Salvador et Rio. Le porte-parole du Cinema Novo, polémiste redoutable, restera toujours fidèle à l'écrit, qu'il manie avec une désinvolture presque aussi grande que les images. D'emblée, ce protestant haut en couleur se présente comme un hétérodoxe : il entreprend de démolir les valeurs établies et de secouer le cocotier, par des articles qui débouchent sur une Révision critique du cinéma brésilien (1963). Cependant, il n'accepte guère davantage les dogmes esthétiques de l'orthodoxie marxiste, qui circulent alors parmi les intellectuels nationalistes. Les premiers courts métrages révèlent une veine nettement expérimentale. Ni le néoréalisme ni le réalisme socialiste ne satisfont sa vocation novatrice. Néanmoins, son long métrage initial intègre très partiellement ces inquiétudes, puisque Glauber Rocha remplace Luís Paulino dos Santos à la mise en scène de Barravento (1961) en plein tournage. Le rôle d'un médiateur thaumaturge, intervenant parmi des pêcheurs exploités, y annonce bien d'autres protagonistes de la même lignée, mais Barravento reste une œuvre hybride sur le plan du propos comme sur celui du style, le souffle de Rocha n'y passe qu'à moitié. Pourtant, l'utilisation de matériaux hétéroclites constitue une des originalités de le Dieu noir et le Diable blond (1963), qui intègre harmonieusement, dialectiquement plutôt, les influences d'Eisenstein et de la littérature de colportage du Nordeste brésilien, de Visconti et du western, l'apport du documentaire social et du film de samouraïs, la méthode introspective et psychologisante de Stanislavski et la distanciation chère à Brecht, la complexité chorale de l'opéra et la simplicité des mélodies populaires, les données concrètes et précises de la région natale du réalisateur et la parabole sur les options générales posées par le sous-développement. Ainsi, Deus e o Diabo na Terra do Sol participe d'un optimisme conjoncturel, lié aux perspectives de réformes de l'époque, tout en démultipliant considérablement sa portée par la création d'un langage foisonnant, baroque, tout à fait personnel et nouveau, susceptible de devenir le porte-drapeau d'un mouvement contestataire comme le Cinema Novo et l'annonciateur d'une Esthétique de la faim ou Esthétique de la violence (1965). Proposée sous forme de manifeste comme modèle aux cinématographies émergentes du tiers monde, cette reformulation des données de la mise en scène et des structures du récit a pu frapper aussi d'autres cinéastes révolutionnaires (Jancso, Angelopoulos) ou paraître en syntonie avec leurs démarches. Celle de Glauber Rocha renvoie alors à l'entreprise de création d'un langage propre, enraciné dans l'imaginaire de l'auteur aussi bien que dans le contexte culturel dont il est issu, projet inscrit dans la littérature brésilienne depuis le mouvement moderniste de 1922 et superbement réalisé à travers la prose poétique d'un Guimarães Rosa, influence sensible dans le roman de Glauber, Riverão Sussuarana (1977). Les illusions politiques enterrées par le coup d'État militaire de 1964 trouvent en Terre en transe (1967) leur description la plus acerbe. Mais le populisme, le réformisme, les manœuvres politiciennes, la tentation messianique de la lutte armée ne sont pas les seules en cause dans cette nouvelle œuvre débordante de vitalité : par un tour de vis décisif, les conventions dramaturgiques du réalisme cinématographique implosent dans un récit d'une liberté inédite, comparable uniquement à Buñuel, dont l'influence s'impose ailleurs, avec le théâtre et la musique « tropicalistes ». Glauber Rocha y est à l'apogée de son inspiration poétique, tout en gardant la maîtrise parfaite de ses moyens et de ses ruptures, assurant l'unité d'œuvres totalisantes, envoûtantes, d'une remarquable cohérence interne. Antônio das Mortes (1969) constitue une variation autour du personnage de le Dieu noir et le Diable blond, en couleurs, en plus plastique et chorégraphique : le paysage rural du Nordeste y accueille telle figure issue du milieu urbain. Ces archétypes, repris souvent, paraissent nettement plus figés, presque abstraits, dans les deux principaux films de l'exil de Rocha : le Lion à sept têtes et Têtes coupées (1970). L'éclatement du langage, l'obsession de la déconstruction, mis à l'épreuve lors d'expériences comme Câncer et Claro, embrouillent le propos de l'auteur, alors qu'il prétend l'étendre et le généraliser (voire le rendre plus didactique) au contexte ibéro-américain et au tiers monde. Les chemins de Rocha et de Godard se sont croisés dans Vent d'Est. Le cinéaste devient lui-même son propre personnage, Glauber évolue à contre-courant, s'embrouille dans des controverses politiques et des querelles individuelles, échoue à trouver sa place sur l'échiquier bouleversé du cinéma brésilien (ou d'ailleurs). Il réinterprète le passé sous un angle nationaliste et réformiste qui fait la part belle aux militaires (História do Brasil, 1974) et débouche sur une sorte de perplexité contemplative, tantôt lyrique tantôt frénétique, empreinte d'un mysticisme retrouvé et remettant à l'honneur un messianisme réincarné dans un singulier syncrétisme populaire (l'Âge de la Terre, 1980). Le cinéaste, désormais incompris, isolé, meurt prématurément. Lui qui avait filmé les funérailles du peintre Di Cavalcanti en parfait iconoclaste, a droit aux hommages posthumes d'une société à laquelle il aura eu du mal à s'adapter. Le Brésil perd tragiquement avec Glauber un grand créateur de formes, l'apôtre d'un cinéma toujours nouveau, le prêcheur d'une insaisissable révolution et un infatigable agitateur culturel, pourfendeur du conformisme, dont les écrits essayent de cerner tant bien que mal le mouvement souterrain des idées et aspirations libertaires durant notre « siècle du cinéma ».