Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
E

ÉGYPTE. (suite)

Les quelque dix années qui suivent sont cependant assez favorables à une politique d'auteurs, dans les limites, il faut le préciser, imparties par un pouvoir sourcilleux, pas toujours dupe des fables métaphoriques et peu enclin à tolérer une approche critique des réalités. C'est en fraudant avec les censeurs et en « détournant » le mélodrame que les cinéastes traitent de l'aliénation sexuelle (Gare centrale, Y. Chahin, 1958 ; la Sangsue, S. Abu Sayf, 1956 ; la Seconde Épouse, id., 1967 ; le Péché, Barakat, 1965), politique (les Révoltés, T. Saliḥ*, 1966 ; Nuit et barreaux, A. Fahmi, 1972), de la corruption (l'Homme qui a perdu son ombre, K. al-Shaykh*, 1968), ou des mœurs de province (le Facteur, H. Kamal, id.)... Il est à noter que ces œuvres, d'une qualité d'écriture souvent remarquable, refusent les simplifications manichéennes, et nouent avec habileté les liens d'un tissu mental et social dont les données sont indissociablement mêlées. L'Égypte se révélait à elle-même pour la première fois, dans un courant attentif aux particularismes et aux aspirations d'une génération sans aucun doute plus consciente et plus ouverte que celle qui avait fait précédemment les beaux jours du Wafd. Pourtant le passé historique et culturel de l'Égypte demeure à peu près totalement ignoré du cinéma.

L'évolution.

Mais le rapport direct ou même voilé à l'actualité provoque alors des réactions du pouvoir. Abu Sayf avec le Procès 68, Chahin avec le Moineau, Tawfiq Saliḥ presque à chacun de ses films, sont mis en demeure de baisser le ton ou de s'exiler. Sans que des mesures draconiennes soient jamais prises, la fin des années 60, parallèlement aux échecs politiques, économiques et militaires, annonce une régression de tous les espoirs nés avec le nassérisme. En dépit de l'appui et du rôle de producteur que jouent alors en faveur de ce cinéma des vedettes comme Magda*, Nadiya Luṭfi, Magda al-Khatib, Sarhan* Maḥmud al-Miligi*, et plus tard Nur al-Sharif*, il devient, dès l'accession au pouvoir de Anwar al-Sadate et la disparition du « secteur d'État », de plus en plus difficile aux jeunes techniciens et cinéastes dont ceux du Centre expérimental, que dirige Shadi Abd al-Salam*, ou à d'autres trop nombreux, qui se perdent à la télévision, de poursuivre dans la voie enfin ouverte par des hommes qui ont, en s'adaptant aux impératifs particuliers à l'Égypte, fait preuve de talents très différents, singuliers et, en dépit de tout, novateurs dans le champ culturel arabo-africain, ne serait-ce qu'en ouvrant le film à l'introspection, à la radiographie de l'être et du politique, Chahin, depuis Gare centrale jusqu'à la Mémoire, ou Sa'id Marzuq* (Ma femme et le chien), Saad Arafa (Journal d'une femme [I Tirafatu'imra'a], 1969). En dépit de tout, l'humour égyptien se relaie d'œuvre en œuvre avec un réalisme et une lucidité imparables, de Rien n'a d'importance, étonnante satire due à Husayn Kamal (1973), au Chauffeur d'autobus (Sawwaq al-autobis), de Atif al-Tayyib (1982), ou à ces Gens de la haute (Ahl al-Kemmah, id.), épinglés par Ali Badrakan*.

Les années 80 sont marquées par une série de films de grande valeur et par la recherche d'un nouveau discours cinématographique : Mohammad Khan avec l'Oiseau sur la route (Taer ala el tarek, 1981) et Ahlam, Hind et Kamilia (1988), Atif al-Tayyib avec l'Innocent (al-Bari, 1986), Khayri Bishara (al-Tawq wa-l Aswira, id.), Yusri Nasrallah avec Vols d'été (Sarikat sayfeya, 1988). Parmi les femmes réalisatrices, il faut citer Inaas al-Dighidi et son film Afwan Ayyuha-l qanun 84.

La production a baissé brutalement après 1970, plus encore au lendemain des accords de Camp David, dont une conséquence a été de limiter l'exportation des films vers les États arabes. Un des handicaps du cinéma égyptien est aussi de dépendre essentiellement du bon vouloir de producteurs pour qui le film n'est qu'une spéculation ; les nombreuses sociétés qui naissent et disparaissent pour répondre à cette politique n'offrent que des capitaux flottants, dont les bénéfices peuvent être réinvestis dans la confection, le bâtiment, l'import-export... (Notons que l'État prélève 40 p. 100 des recettes brutes...) Le seul producteur capable d'imposer ses volontés à tous les stades de la production et du lancement fut Ramsis Nagib (1977). Rénovés à la fin des années 70, les studios de Gizah offrent des moyens techniques corrects, sauf en ce qui concerne le son et les truquages, d'une qualité plus que moyenne. On y rencontre d'excellents techniciens, des chefs opérateurs et des décorateurs de premier ordre, qui font oublier le goût douteux des productions commerciales. L'importation est soumise à un quota depuis 1972. Quelques salles ont été modernisées mais sont toujours concentrées dans les grandes villes. L'Égypte ne compte que 152 salles de cinéma pour 55 millions d'habitants. Les clubs vidéo et la programmation des films à la TV (3 chaînes) comblent cette indigence. Depuis que les TV du Golfe arabe diffusent la publicité, la production égyptienne a sensiblement baissé (60 films par an) mais 60 p. 100 au moins des recettes proviennent dorénavant du parc national avec l'aide sensible des clubs vidéo égyptiens. Le Centre technique audiovisuel du Caire joue le rôle d'une cinémathèque où les quelques critiques cairotes ayant une bonne connaissance du cinéma ont coutume de se rassembler, mais ils sont dépourvus d'influence tant la presse reste indifférente à la défense du film. Une reprise de l'industrie cinématographique égyptienne se fait sentir dans le courant des années 90, accompagnée de l'émergence de nouveaux réalisateurs, tels que Adel Abdel Hay Adib (Hystérie, 1998, sur les phénomènes d'hystérie collective au Caire), Atef Hetata (les Portes fermées, 1998) ou Radwan El-Kashef* (la Sueur des palmiers, 1999), traduisant généralement le mal-être d'une société qui ne parvient pas à renouer avec sa puissance et ses certitudes d'antan.

EHMCK (Gustav)

cinéaste allemand (Garmisch-Partenkirchen 1937).

Il suit une formation de photographe et d'acteur, réalise six courts métrages de 1962 à 1967, crée sa propre société de production et réalise un premier long métrage très remarqué, la Trace d'une jeune fille (Spur eines Mädchen, 1967). Il réalise ensuite huit autres longs métrages, dont la Fissure (Die Spalte, 1970 ; d'après Günter Wallraf) et Étudiants sur l'échafaud (Studenten aufs Schafott, 1972). C'est avec son adaptation d'un livre pour enfants qu'il trouve le succès : Der Räuber Hotzenplotz (1974 ; ultérieurement découpé en épisodes pour la télévision). Il donne une suite à ce film en 1979, avec Peter Kern dans le rôle principal à la place de Gert Fröbe. Il ne réalisera ensuite que peu de films, dont Josephs Tochter (1982) et Ein Schweizer namens Nötzli (1989, en Suisse), High Score (1990).