Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
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DARVAS (Lili)

actrice hongroise (Budapest, Autriche-Hongrie, 1902 - New York, N. Y., 1974).

Ayant quitté assez tôt son pays d'origine (elle émigre aux États-Unis en 1938), Lili Darvas fit une honorable carrière sur les scènes de Broadway, et toucha occasionnellement au cinéma dans des rôles secondaires, comme dans Viva Las Vegas (R. Rowland, 1955). Elle revint en Hongrie d'abord en 1948, puis, après un retour aux États-Unis, en 1950, où elle travaille essentiellement pour la télévision, à nouveau à la fin des années 60, pour trouver son meilleur rôle dans un joli film de Károly Makk, Amour (1970), où sa création de vieille dame agonisante était remarquable. Elle fut l'épouse de l'acteur Ferenc Molnár, puis de l'écrivain Tibor Déry.

DARVI (Bayla Wegier, dite Bella)

actrice française (Sosnowiec, Pologne, 1928 - Monte-Carlo 1971).

Découverte en 1951 par Darryl F. Zanuck et son épouse Virginia, qui lui fabriquent son nom et l'emmènent à Hollywood dans une atmosphère de scandale, elle montre une éclatante et énigmatique beauté dans le Démon des eaux troubles (S. Fuller, 1954) et surtout l'Égyptien (M. Curtiz, id.). Brouillée avec ses protecteurs, renvoyée de la Fox, elle revient en France et tourne de plus en plus rarement, ses meilleurs films étant alors Je reviendrai à Kandara (V. Vicas, 1957) et en Italie Jeux précoces (D. Damiani, 1960). Flambeuse invétérée, elle tente plusieurs fois de se suicider, et après une rentrée fort discrète (les Petites Filles modèles, J.-C. Roy, 1971) met fin à ses jours.

DARWELL (Patti Woodward, dite Jane)

actrice américaine (Palmyra, Mo., 1879 - Woodland Hills, Ca., 1967).

Sa longue carrière (plus de 200 films) débute en 1913 sous l'égide de Cecil B. De Mille (la Rose du ranch) et atteint son apogée avec le rôle de « Ma » Joad dans les Raisins de la colère (J. Ford, 1940), pour lequel elle remporte l'Oscar. Durant les années 30, Jane Darwell tourne aussi sous la direction d'Ernst Lubitsch (Sérénade à trois, 1933), d'Henry King (le Médecin de campagne [The Country Doctor], 1936 ; Ramona, id. ; le Brigand bien-aimé, 1939), de Tay Garnett (l'Amour en première page, 1937 ; le Dernier Négrier, id.) et de Victor Fleming (Autant en emporte le vent, 1939). Après quoi elle retrouve la « compagnie de répertoire » fordienne dans la Poursuite infernale (1946), le Fils du désert (1949), le Convoi des braves (1950) et la Dernière Fanfare (1958). Elle fait sa dernière apparition à l'écran dans le rôle de la Femme aux oiseaux de Mary Poppins (R. Stevenson, 1964).

DARY (Anatole Mary, dit René)

acteur français (Paris 1905 - Plan-de-Cuques 1974).

Touche-à-tout, il a fait parfois des infidélités au cinéma, où, sous le nom de Bébé Abélard, il avait débuté à l'âge de trois ans, dans des bandes pour enfants tournées entre 1908 et 1914. Il préfère ensuite la boxe et, devenu Kid René, livre des combats. Cependant, le monde du spectacle continue à l'attirer et il chante l'opérette, notamment Normandie et Trois Valses. Il reprend contact avec les studios en tenant des rôles secondaires et s'impose en 1938 avec le Révolté (L. Mathot). Il est voué désormais aux personnages de bagarreurs, mauvaise tête mais bon cœur, qu'on retrouve dans Nord Atlantique (M. Cloche, 1939), le Café du port (J. Choux, id.), Forte Tête (Mathot, 1942), Port d'attache (Choux, 1943), dont il écrit le scénario, et surtout le Carrefour des enfants perdus (L. Joannon, 1944). Après la Libération, il continue sur sa lancée, mais seule sa participation à Touchez pas au grisbi (J. Becker, 1954), aux côtés de Jean Gabin, mérite d'être retenue. Il s'occupait également de diverses affaires industrielles.

DASGUPTA (Buddhadeb)

cinéaste indien (Anara, Purulia, Bengale, 1944).

Il étudie les sciences économiques à l'Université de Calcutta, puis devient professeur dans cette même ville de 1968 à 1976 tout en écrivant des poèmes — il est reconnu comme un des poètes bengalis les plus talentueux — et en tournant des documentaires. Son premier long métrage la Distance (Dooratwa, 1978) le fait immédiatement remarquer sur la scène internationale. Il réalise ensuite ‘Bouchée amère’ (Neem Annapurna, 1979), ‘la Croisée des chemins’ (Grihajuddha, 1981), ‘les Mémoires des saisons’ (Sheet Grishmer Smriti, TV, 1982), le Chemin aveugle (Andhi Gali, 1984, ‘le Retour’ (Phera, 1986), ‘L'Homme-tigre’ (Bagh Bahadur, 1989), Tahader Katha (1992), À l'abri de leurs ailes (Charachar, 1993), Lal Darja (les Portes rouges, 1996), Uttara (id., 2000) s'imposant comme l'un des cinéastes majeurs du Bengale.

DA SILVA (Harold Silverblatt, dit Howard)

acteur américain (Cleveland, Ohio, 1909 - Ossining, N.Y., 1986).

Acteur de théâtre chez Kazan (Group Theater) et Welles (Mercury Theater), il débute à l'écran en 1939 dans l'Esclave aux mains d'or de Rouben Mamoulian. Puissant mais un peu fruste, il poursuit une carrière de second rôle : le Vaisseau fantôme (M. Curtiz, 1941) ; le Caïd (L. Seiler, 1942) ; les Conquérants d'un nouveau monde (C. B. De Mille, 1947) ; Incident de frontière (A. Mann, 1949) ; et cela jusqu'en 1951 (Quatorze Heures d'Henry Hathaway). À cette date, alors qu'il vient de tourner dans M le Maudit de Losey, il est porté sur la liste noire maccarthyste pour avoir invoqué le 5e amendement. Resté actif à Broadway comme acteur, producteur et même auteur, il reparaîtra à l'écran notamment dans David et Lisa (F. Perry, 1962) et Nevada Smith (H. Hathaway, 1966).

DASSIN (Jules)

cinéaste américain (Middleton, Conn., 1911).

Familier de l'art dramatique, qu'il a étudié en Europe de 1934 à 1936, il se tourne d'abord vers le théâtre et la radio. Acteur, notamment au Théâtre yiddish de New York, auteur d'émissions, il attire sur lui l'attention d'Hollywood grâce à une mise en scène à Broadway. À la faveur d'un stage technique à la RKO en 1940, Dassin devient l'un des assistants d'Hitchcock qui tourne Mr. and Mrs. Smith et lui explique les rudiments du cinéma. Sa première tentative, d'un avant-gardisme déjà tombé en désuétude (le Cœur révélateur [The Tell-Tale Heart], d'après E. Poe, 1941), obtient un succès public aussi vif qu'inattendu et vaut à Dassin un engagement à la MGM. Il y réalise sept films de 1942 à 1946. Nazi Agent, thriller d'espionnage modeste et réussi, où Conrad Veidt interprète un double rôle ; The Affairs of Martha, comédie à la Lubitsch ; le Fantôme de Canterville, d'après Oscar Wilde : tels sont les meilleurs longs métrages d'une suite inégale qui permet à Dassin de parfaire sa connaissance du métier. Toutefois, de plus hautes ambitions l'animent. Parvenu à rompre le contrat qui le lie à la MGM, Dassin commence à travailler avec Mark Hellinger pour Universal. Les Démons de la liberté (1947), leur premier film, écrit par Richard Brooks, évoque l'univers d'un pénitencier dont veut s'évader un groupe de forçats en proie à la haine d'un gardien-chef. Il n'est pas sans faiblesses ; il témoigne néanmoins de préoccupations généreuses et d'une force exceptionnelle dans l'expression de la violence : on n'oublie ni l'exécution d'un mouchard par les forçats ni la brutalité des affrontements. Mais le film, coupé en maints endroits par les censeurs, apparaît plus schématique que dans sa conception initiale : sa violence extrême n'a pas reçu l'éclairage désiré. La Cité sans voiles (1948), toujours produit par Hellinger, relate une enquête criminelle menée par des policiers à New York. Tourné en extérieurs, le film découvre, d'une filature à l'autre, les rues et les quartiers populaires de la grande métropole sous un jour neuf et révèle un beau tempérament de cinéaste, capable de saisir des impressions et des sentiments fugitifs (la fin de l'enquête est empreinte de dérision). Cependant, Dassin ne se reconnaît pas dans son film, remonté et mutilé par le studio. Il quitte Universal pour la Fox et réalise d'abord les Bas-Fonds de Frisco (1949), œuvre vigoureuse, dynamique, riche en trouvailles visuelles et non dénuée d'humour, qui démonte certains mécanismes du marché des fruits, depuis les vergers californiens jusqu'aux Halles de Frisco. Si l'âpreté des antagonismes rappelle ici Jack London, la sympathie pour les petites gens de différentes nationalités semble faire écho aux récits de Saroyan. Dassin s'apprête ensuite à porter à l'écran The Journey of Simon McKeever d'Albert Maltz, dont la Fox a acquis les droits. Mais l'écrivain figure sur la liste noire des maccarthystes depuis 1947 : sous les pressions du « Comité du cinéma pour la préservation des idéaux américains », la grande firme renonce au projet. L'un de ses responsables engage alors Dassin à se rendre à Londres pour y tourner. Le cinéaste accepte. La quête de l'argent et de tout ce qu'il représente tenait un rôle important dans son film précédent. Elle mobilise les protagonistes des Forbans de la nuit (1950), et en premier lieu le chimérique Harry Fabian, rabatteur combinard d'un patron de boîte de nuit, qui veut monter une hypothétique affaire de catch et, pour cela, se lance dans une course folle dans les bas-fonds de Londres. Dassin, au sommet de son art, à mi-chemin du réalisme et de la stylisation, du documentaire et du lyrisme, retrouve ici l'univers urbain qui ne cesse de l'inspirer, tour à tour fascinant et inquiétant, trépidant et monstrueux, où certaines destinées semblent si dérisoires, et pourtant pitoyables. Tenu en suspicion et dénoncé comme communiste, au printemps 1951, par ses collègues Edward Dmytryk et Frank Tuttle, Dassin est inscrit à son tour sur la liste noire. Il s'installe en France, mais doit attendre plusieurs années avant de retravailler. Après s'être vu retirer, sous des pressions occultes, la réalisation de l'Ennemi public n o 1, il adapte un roman d'Auguste Le Breton, Du rififi chez les hommes (1955), qu'il transcende par sa vision d'une ville plongée dans la nuit — Paris —, par sa sympathie lucide pour les personnages, dont il ne masque pas la vacuité, et par le fini de sa réalisation (la séquence du cambriolage fait date). Puis il s'essaie à la fresque sociale avec Celui qui doit mourir (1956), d'après Kazantzákis, œuvre ambitieuse, à demi réussie, mais animée d'un souffle épique et généreux. Par la suite, Dassin tourne assez régulièrement, avec une belle obstination, sur des sujets de son choix, souvent interprétés par son épouse Melina Mercouri. Certaines scènes de Jamais le dimanche (1960) et de Topkapi (1964) ne manquent ni de charme ni de saveur, mais le talent du cinéaste semble s'égarer en Europe dans d'hypothétiques coproductions internationales. Renouant non sans difficultés avec le cinéma américain en 1968, Dassin parvient cependant à trouver un nouveau souffle.