Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
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BROOKS (Louise) (suite)

Immédiatement après Loulou, Pabst lui fait tourner le Journal d'une fille perdue, puis elle retourne aux États-Unis, où la Paramount par esprit de revanche double sa voix dans The Canary Murder Case (1929) et en France pour Prix de beauté (A. Genina, 1930). On la verra encore dans des films de Frank Tuttle, Michael Curtiz, Robert Florey, George Sherman, ce jusqu'en 1938, où, retirée à Rochester (N. Y.) dans l'ombre de la cinémathèque Eastman Kodak, elle s'est mise à régner sur son propre souvenir, lisant Proust et Schopenhauer, peignant des toiles très chinoises, écrivant (sous prétexte de renoncer à ses Mémoires) des articles enjoués, perfides, pleins d'humour et d'une incroyable qualité littéraire. Devenue un témoin irremplaçable et caustique de son époque, elle écrit sur Wellman, W. C. Fields, Marlene Dietrich, Bogart, Chaplin, Garbo et Lillian Gish, et disperse avec générosité une correspondance somptueuse. Mais elle fait mieux que nous livrer la chronique unique d'une star qui sait s'interroger (lire Louise Brooks par Louise Brooks, Paris, 1983), voire mettre en question son statut même d'image projetée et contester la puissance des grands studios qui la manipulèrent : elle parle pour toutes les femmes libres et indépendantes qui refusent l'état d'objet avec le charme et la beauté qui en sont la perverse rançon.

Films :

The Street of Forgotten Men (H. Brenon, 1925) ; The American Venus (F. Tuttle, 1926) ; A Social Celebrity (M. St. Clair, id.) ; It's the Old Army Game (E. Sutherland, id.) ; The Show-off (St. Clair, id.) ; Love ‘Em and Leave’Em (Tuttle, id.) ; Just Another Blonde (A. Santell, id.) ; Evening Clothes (Luther Reed, 1927) ; Rolled Stockings (Richard Rosson, id.) ; The City Gone Wild (J. Cruze, id.) ; Now We're in the Air (Frank R. Strayer, id.) ; Une fille dans chaque port (H. Hawks, 1928) ; les Mendiants de la vie (W. Wellman, id.) ; The Canary Murder Case (St. Clair, 1929) ; Loulou (G. W. Pabst, id.) ; Journal d'une fille perdue (id., id.) ; Prix de beauté (A. Genina, 1930) ; Windy Riley Goes to Hollywood (CM, « Fatty » Arbuckle, id.) ; It Pays to Advertise (Tuttle, 1931) ; God's Gift to Women (M. Curtiz, id.) ; l'Ennemi public (Wellman, id.) ; The Steel Highway / Other Men's Women (id., id.) ; Empty Saddles (L. Selander, 1936) ; le Cœur en fête (R. Riskin, 1937) ; King of Gamblers (R. Florey, id.) ; Overland Stage Raiders (G. Sherman, 1938).

BROOKS (Melvin Kaminsky, dit Mel)

cinéaste américain (New York, N. Y., 1926).

Suractif, irrévérent, paroxystique, il a donné ses lettres de noblesse au mauvais goût. C'est un satiriste déchaîné qui se veut l'héritier des maîtres du slapstick. Né pauvre dans le quartier juif de Brooklyn, à Williamsburg, à quatorze ans, il s'élève dans le circuit du Borscht, cette chaîne d'hôtels des monts Catskills où débutèrent tous les comédiens juifs, comme tummler, ou spécialiste grimacier. Il commence à écrire des gags pour le comique Sid Caesar et fait partie d'un groupe d'écrivains qui formulent le futur rire de Broadway : Neil Simon, Carl Reiner, et un nommé Woody Allen. Son premier film les Producteurs (The Producers, 1968) met en place une idée satirique majeure : faire lancer par deux escrocs, en quête d'un bide théâtral qui les aiderait à flouer les assurances, une comédie musicale inspirée par la vie d'Adolf Hitler. Le tandem « hénaurme » de Zero Mostel et Gene Wilder exalte ce blasphème historique obligatoirement né d'un imaginaire juif. Si le film suivant le Mystère des douze chaises (The Twelve Chairs, 1970), d'après le classique russe d'Ilf et Petrov est un exercice de style, Le shérif est en prison (Blazing Saddles, 1974) le remet sur son orbite familière, la parodie fortement teintée d'humour yiddish, cette fois mêlée de radicalisme noir. Le film et son successeur immédiat Frankenstein Junior (Young Frankenstein, id.), écrit avec son compère Gene Wilder, sont d'énormes succès. Brooks consacre son film suivant, la Dernière Folie de Mel Brooks (Silent Movie, 1976), au muet, avec sous-titres et accompagnement musical (le seul mot prononcé, qui plus est par le mime Marceau..., étant « Chut ! »), puis le Grand Frisson (High Anxiety, 1977) à une approximation perfectionniste d'Alfred Hitchcock. En 1981, il réalise la Folle Histoire du monde (History of the World, Part I), en 1987 la Folle Histoire de l'espace (Spaceballs), en 1990 Chienne de vie (Life Stinks), en 1993, Sacré Robin des Bois (Robin Hood : Men in Tights) et en 1995 Dracula, mort et heureux de l'être (Dracula : Dead and Loving it), autant de films où l'on voit s'étioler la fraîcheur des débuts. Par ailleurs, Mel Brooks est également producteur, notamment de Elephant Man (D. Lynch, 1980) et de la Mouche (D. Cronenberg, 1986). ▲

BROOKS (Richard)

cinéaste américain (Philadelphie, Pa., 1912 - Beverly Hills, Ca., 1992).

Après ses études, rêvant de devenir journaliste, il traverse les États-Unis, en écrivant quelques articles pour divers quotidiens. Philadephia Record l'engage enfin dans son service sportif en 1934 ; à partir de 1936, il travaille comme éditorialiste d'une radio new-yorkaise. Mais il s'oriente vers des ouvrages de création, pièces radiophoniques ou nouvelles lues au micro. En même temps, il met en scène des pièces de théâtre. Venu à Hollywood pour y poursuivre son activité à la radio, il ne tarde pas à rencontrer le cinéma (1941).

L'imagination de Brooks est d'abord celle d'un écrivain. Il est l'auteur de plusieurs scénarios importants : les Tueurs (R. Siodmak, 1946), les Démons de la liberté (J. Dassin, 1947), Feux croisés (E. Dmytryk, id.), la Cité sans voiles (J. Dassin, 1948). À l'exception de Sergent la Terreur, de Flame and the Flesh et de The Catered Affair, ouvrages personnels, tous ses films doivent quelque chose à son métier de conteur, parfois très élégant (Dollars) ou à son talent d'adaptateur, souvent rigoureux (Elmer Gantry, Lord Jim, De sang froid). En revanche, ses œuvres les moins réussies souffrent de la longueur des dialogues, de surcroît beaucoup trop explicites, ce qui leur ôte toute valeur dramatique et toute vie. Brooks n'a d'ailleurs pas abandonné son activité littéraire et deux de ses romans ont été traduits en français, l'Aventure du caporal Mitchell, source du Feux croisés de Dmytryk, et le Producteur, tableau de Hollwyood dans lequel on peut reconnaître notamment le producteur Mark Hellinger.