Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
S

ṢALIḤ (Tawf iq)

cinéaste égyptien (Alexandrie 1926).

Licencié ès lettres anglaises en 1949, il part pour la France et, plus qu'une formation professionnelle, acquiert une large et profonde culture. Il a dit n'avoir jamais appris le cinéma qu'à la Cinémathèque française. De retour au Caire, il se lie avec l'écrivain Nagib Mahfuz qui l'initie au travail de scénariste. Assistant monteur de Chahin sur Ciel d'enfer (1954), il tourne son premier film, ‘ Ruelle des fous ’, l'année suivante, puis des courts ou moyens métrages documentaires d'une belle facture, et un mélodrame plus conforme à ce qu'attend le public ( ’la Lutte des héros ’) que l'adaptation, traitée d'une manière naturaliste mais peu bavarde, du roman de Maḥfuẓ. L'échec de ‘ Ruelle des fous ’ donne en effet le ton à une carrière qui ne cesse de rencontrer l'indifférence ou l'hostilité de la part de la censure politique, des producteurs et du public, peu disposés à ce que l'écran reflète et analyse le quotidien, la société et le régime. Il s'ensuit que les Révoltés attendent deux ans leur visa d'exploitation : parabole sur l'Égypte nassérienne, sa liberté engagée, son désordre et ses leurres, interprétée par Shukri Sarḥan et Maḥmud al-Miligi, c'est la mise en scène d'un échec qui préfigure celui des Dupes. Le soulèvement d'un camp d'internés (malades politiques ? On ne connaît pas leur statut...) aboutit à une pagaille tragique, comme la fuite vers le Koweït de trois Palestiniens s'achève sur une décharge publique où on abandonne leurs cadavres. Pessimisme ? Plutôt la mise en cause des illusions, de la vanité des « révolutions » qui ne sont que des révoltes. Ṣaliḥ n'oublie jamais que l'homme est un jouet de l'histoire avant d'en être un acteur. L'affrontement d'un village de pêcheurs et d'un affairiste habile (joué avec une savoureuse et louche faconde par Tawfiq al-Dhiqn), magnifiquement photographié en noir et blanc par Wadid Sirri, exprimait déjà la nécessité d'une lutte en commun pour survivre. Si l'œuvre de Ṣaliḥ manifeste avec vigueur un constant souci politique progressiste, jamais l'individu n'y est sacrifié à un schéma. La force de ses films tient à cette cohérence dialectique qui les anime, sans doute, mais qui entraîne l'adhésion grâce à la vérité humaine de ses protagonistes. Figures arrachées à l'anonymat par l'irruption de la loi, de l'État, de l'argent tout-puissants, et qui se débattent dans l'absurde et dans le drame à divers niveaux de violence ou d'ironie, ils sont le petit peuple de ‘ Ruelle des fous ’, les pêcheurs enfin unis contre le profit d'un seul, ou le magistrat délégué dans un monde à la Gogol, fidèle à l'humour et au tragique du Journal d'un substitut de campagne, de l'écrivain Tawfiq al-Ḥakim. Film méconnu que celui-là, dont il ne subsiste que de rares copies abîmées. Plus que dans les Longues Journées (al-Ayyam al-ṭawila, 1979), œuvre de commande honorable où l'histoire prend en compte la naissance du mouvement baasiste en Iraq, les Dupes atteignent, au-delà de l'échec subi par les « révoltés » de 1966, à ce point où tout s'anéantit sauf l'horreur d'une mort vaine. Ṣaliḥ en exil à peine déguisé, avait quitté l'Égypte en 1969 pour Damas avant d'être appelé en Iraq. Son œuvre, peu nombreuse et bien peu diffusée, lui vaut pourtant, pour sa rigueur dramaturgique et son apport idéologique dénué de professions de foi, une aura certaine.

Films — CM ou MM :

les Marionnettes (al-Ara‘ is, 1959) ; ‘ Qui sommes-nous ? ’ (Man nanu, 1960) ; ‘ Vers l'inconnu ’ (Naḥa al-majhul, id.) ; la Gargoulette (al-Qulla, 1961) ; l'Aube de la civilisation : l'art de Sumer (Fajr al-haara : al-fann al-Summari, 1976, IRAQ).

LM  :

‘ Ruelle des fous ’ (Darb al-mahabil, 1955) ; ‘ Lutte des héros ’ ‘ Combat héroïque ’ (S̵ira' al-abṭ al, 1961) ; les Révoltés (al-Mutamarridun, 1966) ; Zuqaq as-sayyid al-Bulṭ i, 1967) ; Journal d'un substitut de campagne en Égypte (Yawmiyyat na'ib fi al-aryaf, 1970 [ 1968]) ; les Dupes (al-Makhdu' un, 1972, SYR) ; ‘ les Longues Journées ’ (al-Ayyam al-ṭawila, 1979).

SALIM ('Atif)

cinéaste égyptien (prov. du Kordofan, Soudan anglo-égyptien, 1927).

Étudiant au Caire, il rencontre Aḥmad Gallal, dont il devient l'assistant en 1948, puis il est celui d'Aḥmad Badrakhan, à qui il doit sa véritable formation. Un temps acteur (on le surnomme le « Mickey Rooney arabe »), il suit un stage à Hollywood et revient au Caire entreprendre une carrière de cinéaste abondante et inégale, fertile en comédies, policiers, et musicals. Il sait faire preuve d'élégance et d'un humour agréable, et sa direction d'acteurs est souvent excellente. Ses meilleurs films dépassent le cadre du genre : ‘ Nous les étudiants ’ (Ana al-talamidha, 1959) est peut-être le premier film égyptien, à partir d'un fait divers tragique, à aborder l'univers des jeunes. ‘ La Mère de la mariée ’ (Umm al-arussa, 1963), avec Samira Aḥmad, Imad Ḥamdi et l'actrice bouffonne Taḥiyya Karyuka, est une excellente comédie. (Magda, qui produisit ‘ la Vérité toute nue ’ [al-Ḥaqiqa al-'ariyya] la même année, y trouva un rôle à sa mesure). Le film le plus connu — il est considéré comme un des classiques du cinéma égyptien — de Salim, Khan al-Khalili (1967), est, à partir du roman homonyme de Maḥfu, une peinture de ce quartier populaire du Caire empreinte de réalisme poétique. On regrette que, par manque d'habileté ou de volonté, Salim ne soit pas parvenu à dominer les pièges de la production, et qu'il y ait trop souvent sacrifié un talent réel. On peut citer quelques titres encore : ‘ le Rivage des secrets ’ (‘ Shaṭ i ’ al-asrar, 1958), mélodrame avec Magda et Omar al-Sharif ; ‘ le Secret d'une femme ’ (Sirr imra'a, 1960) ; ‘ les Mamelouks ’ (al-Mamalik, 1965), film en costumes avec Omar al-Sharif ; ‘ le Cirque ’ (as-Sirk, 1968), avec Samira Aḥmad et Huda Sulan. Salim a tourné plusieurs films en Syrie : ‘ les Misérables ’, adaptation du roman de Hugo (‘ al-Bu'asa ’, 1979) ; ‘ le Vainqueur des ténèbres ’ (Ghalib al-Ẓalam, 1980), biographie de Ŧaha Ħusayn, avec Maḥmud Yasin.