Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
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ZARKHI (Aleksandr) [Aleksandr Grigor'evič Zarhi]

cinéaste soviétique (Saint-Pétersbourg 1908 - Moscou 1997).

Diplômé de l'Institut technique d'art cinématographique de Leningrad (1927), membre du Proletkult, collaborateur du studio Lenfilm, il est d'abord scénariste, puis réalisateur, faisant équipe avec son ami Iossif Kheifits. Après quelques films sans grand retentissement, tous deux conquièrent la gloire avec le Député de la Baltique (Deputat Baltiki, 1937), l'un des premiers monuments du réalisme socialiste, suivi de Membre du gouvernement (Člen pravitel'stva, 1940). Travaillant seul à partir de 1950 (le Kolkhoze « Aube » [Kolhoz « Rassvet »], DOC, 1951), il réalise dans les studios de la république de Biélorussie ‘ Pavlinka ’ (1952), un « film-spectacle », et ‘ Nesterka ’ (1955), une comédie, tous deux sur des thèmes populaires locaux. Pour la Mosfilm, il met en scène ‘ la Hauteur ’ (Vysota, 1957) et ‘ les Hommes sur le pont ’ (Ljudi na mostu, 1960), intéressants témoignages sur la classe ouvrière, puis ‘ Mon jeune frère ’ / ‘ Mon frère cadet ’ (Moj mladšij brat, 1963). Il fait un retour marquant avec une belle version d'Anna Karenine (Anna Karenina, 1968), tourne ensuite ‘ Des villes et des années ’ (Goroda i gody, 1974), ‘ Histoire d'un acteur de province ’ (Povest' o neizvestnom aktëre, 1977) et signe une très belle œuvre, 26 Jours de la vie de Dostoïevski (Dvadcat' šest' dnej iz žizni Dostoevskogo, 1981), prenante évocation biographique dominée par la fiévreuse interprétation d'Anatoli Solonitsyne. Il a également réalisé Tchitcherine (Ia, narodnyi komissar, 1985), biographie du commissaire du peuple aux Affaires étrangères (1872-1936). ▲

ZARKHI (Natan) [Natan Abramović Zarhi]

scénariste soviétique (Orcha, Biélorussie, 1900 - Moscou 1935).

Il débute au cinéma en 1925 (‘ la Maison de Colombine ’ [Osobnjak Golubinyh], V. Gardine), mais il est surtout célèbre pour sa collaboration avec Poudovkine, dont les chefs-d'œuvre muets (la Mère, la Fin de Saint-Pétersbourg) ont bénéficié de sa maîtrise à élaborer et à nuancer la psychologie des personnages. Au moment de sa mort prématurée (dans un accident de la route), il travaillait à un ouvrage intitulé ‘ Cinédramaturgie ’, où il accordait une grande importance aux problèmes du contrepoint audiovisuel soulevés par les théories de Poudovkine, Eisenstein et Aleksandrov (1928).

ZAVATTINI (Cesare)

écrivain et scénariste italien (Luzzara 1902 - Rome 1989).

Un temps professeur de collège, puis journaliste, littérateur, directeur de périodiques populaires (Cinema Illustrazione, Piccoli), critique de cinéma, il écrit son premier scénario en 1934 pour Mario Camerini (Je donnerai un million). En 1980, il en aura signé 106 : 26 pour Vittorio De Sica, 5 qu'il dirigera lui-même, le reste pour 52 réalisateurs différents. À partir de 1945, il se fait le champion et le théoricien d'un « cinéma pour l'homme », dont le néoréalisme (qu'il avait annoncé dès 1942 avec Avanti, c'è posto et Quatre Pas dans les nuages) n'est que la préfiguration. Il pourfend le film d'évasion fauteur de rêve, le mensonge de toute intrigue : « Le cinéma a tout raté en suivant le chemin de Méliès plutôt que celui de Lumière parsemé des épines de la réalité. » Il préconise un cinéma responsable, lucide, immergé dans le quotidien, une esthétique de la « filature », de la cohabitation, de la convivialité, une création collective aussi. « La réalité est riche, il suffit de savoir la regarder. » Il s'apparente à Dziga Vertov, un Vertov sans déconstruction dialectique, se satisfaisant du dialogue, de l'échange immédiat avec les gens et le réel, ce qui implique un travail créatif de restitution. Il a approché au plus près son idéal dans Umberto D (grâce à De Sica en qui il a souvent trouvé un autre lui-même ; ensemble ils ont réussi quelques œuvres qui font date) et dans un épisode de l'Amour à la ville : Histoire de Catherine (une mère célibataire revit devant l'objectif l'abandon véridique de son bébé). Par la faute, presque toujours, de ses producteurs, les « films-confessions » et les « films-enquêtes » dont il a assumé seul la direction n'ont pas répondu à ses hautes ambitions. Apôtre du réalisme dans un cinéma social exigeant, Zavattini, curieusement, n'a jamais cru déchoir en participant à quantité de productions banalement commerciales, persuadé sans doute que sa verve d'écrivain fantaisiste et son humour à la fois sarcastique et bon enfant trouveraient toujours à s'y employer. En dépit de cette contradiction, Zavattini occupe une place centrale dans l'histoire du cinéma de son époque.

Films (Scénariste) :

Je donnerai un million (Darò un milione [M. Camerini], 1935) ; Avanti, c'è posto (M. Bonnard, 1942) ; Quatre Pas dans les nuages (Quattro passi fra le nuvole, A. Blasetti, id.) ; tous les films de De Sica à l'exception du Jardin des Finzi-Contini et du Voyage ; Un jour dans la vie (Blasetti, 1946) ; La nuit porte conseil (M. Pagliero, id.) ; Chasse tragique (G. De Santis, 1947) ; Dimanche d'août (L. Emmer, 1950) ; Onze heures sonnaient (De Santis, 1951) ; le Manteau (A. Lattuada, 1952) ; le Signe de Vénus (D. Risi, 1955) ; l'Île des amours interdites (D. Damiani, 1961).

(Réalisateur) : l'Amour à la ville (L'amore in città, 1953) ; Nous les femmes (Siamo donne, id.) ; les Italiennes et l'Amour (Le Italiane e l'amore, 1961) ; I misteri di Roma (1962) ; la Verità-à-à-à (1982).

ZECCA (Ferdinand)

cinéaste et producteur français (Paris 1864 - id. 1947).

Après Lumière, l'inventeur, et Méliès, l'artiste, vient Zecca, l'homme d'affaires avisé, le père du cinéma populaire à grande diffusion. Nul souci d'approfondissement technique chez ce fabricant de produits en série, nulle fioriture, mais un sens inné du rythme, de l'effet spectaculaire, du gag qui fait mouche, et, à l'occasion, de l'impact dramatique ou onirique. Un roublard soucieux de rentabilité, mais aussi, à sa façon, un poète.

Il venait du caf' conc', son père étant machiniste aux Funambules. Il fut engagé par Charles Pathé (chez qui sa sœur était fille de salle) et, après avoir mimé avec brio devant les caméras quelques numéros de music-hall, tels que les Mésaventures d'une tête de veau, fait sensation en interprétant et réalisant — alors que le cinéma en est à ses balbutiements — un film burlesque et... sonore, par procédé d'enregistrement sur cylindre : le Muet mélomane. Très intéressé, Pathé fera de Zecca son homme de confiance. À partir de 1901, il tourne à la cadence de deux à trois films par semaine, se bornant parfois à superviser ceux de ses assistants (Gaston Velle, Lucien Nonguet, André Heuzé, etc.). Les sujets vont du Coucher de la mariée au Repas infernal, en passant par Un drame à la mine et autres Conquête de l'air. L'inspiration en est grossière (nous sommes loin des savants mouvements d'horlogerie de Méliès), la technique rudimentaire, et pourtant l'on est frappé, en revoyant aujourd'hui ces courtes bandes de 20 à 50 mètres, par leur vitalité, leur entrain irrésistible, une frénésie proche de la surréalité. Ainsi, par exemple, Tempête dans une chambre à coucher (1902), cauchemar baroque qui a la densité d'un tableau de Magritte, l'Histoire d'un crime, Victimes de l'alcoolisme ou Incendiaires, qui combinent l'âpreté réaliste de Zola à un humour macabre à la Dupuytren. Quand il ne nous détaille pas les préparatifs d'une exécution capitale, Zecca se paie le luxe d'habiles flash-back, signe d'un surprenant modernisme chez ce prétendu analphabète. Ce qui fait écrire à Georges Franju (en 1935) que « Zecca, aujourd'hui comme hier, fait figure de maître, peu de metteurs en scène contemporains étant capables de faire revivre les magnifiques morceaux contenus dans son œuvre ».