Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
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ROSSELLINI (Roberto) (suite)

On a beaucoup écrit sur ce cinéaste inclassable (« Il y a, d'une part, le cinéma italien, de l'autre, Rossellini », disait naguère Jacques Rivette), ses détracteurs étant encore plus prolixes que ses admirateurs. Laissons le mot de la fin au plus mesuré d'entre ceux-ci, le Français René Prédal : « Bien qu'il n'ait jamais été totalement réduit au silence, Rossellini n'a finalement pas eu une carrière facile, et ses dernières tentatives auront été les plus mal comprises d'une œuvre pourtant déjà riche en rendez-vous manqués avec la critique et le public... Ne répondant jamais aux normes établies, il a toujours surpris par ses arrêts brusques et ses changements de cap, par sa volonté aussi de replacer le cinéma dans les courants plus vastes de l'expression contemporaine. C'est en cela qu'il fut un cinéaste de son époque, non seulement pour la réfléchir mais surtout pour y réfléchir. »

Films  :

Daphne (CM, 1936) ; Prélude à l'après-midi d'un faune (CM, 1938) ; Luciano Serra, pilota (film de G. Alessandrini, id., Rossellini est cosc. et réal. 2e équipe) ; Fantaisie sous-marine (Fantasia sotto-marina, CM, 1939) ; le Dindon tyrannique (Il tacchino prepotente, CM, id.) ; l'Alerte Thérèse (La vispa Teresa, CM, 1940) ; le Ruisseau de Pipasottile (Il ruscello di Pipasottile, CM, 1941), le Navire blanc (La nave bianca, supervision de F. De Robertis, id.) ; Un pilote revient (Un pilota ritorna, 1942) ; l'Homme à la croix (L'uomo dalla croce, id.) ; l'Invasore (film de Nino Giannini, supervision de Rossellini, 1943) ; Rome ville ouverte (Roma, città aperta, 1945) ; la Proie du désir (film de M. Pagliero, 1946, commencé en 1943 par Rossellini puis abandonné) ; Paisà (id., id.) ; Allemagne, année zéro (Germania anno zero, 1947) ; Amore (id., deux épisodes : la Voix humaine [La voce umana] et le Miracle [Il miracolo], 1948) ; Stromboli (Stromboli, terra di Dio, 1949) ; Onze Fioretti de François d'Assise (Francesco, giullare di Dio, 1950) ; la Machine à tuer les méchants (La macchina ammazzacattivi, 1952 [ 1948]) ; les Sept Péchés capitaux (I sette peccati capitali ; quatrième épisode : l'Envie [L'invidia], id.) ; Europe 51 (Europa‘ 51, id.) ; Medico condotto (film de Giuliano Biagetti, supervision de Rossellini, id.) ; Où est la liberté ? (Dov'è la libertà ?, 1953) ; Nous les femmes (Siamo donne, troisième épisode, id.) ; Voyage en Italie/L'amour est le plus fort (Viaggio in Italia, 1954) ; Amori di mezzo secolo (cinquième épisode : Napoli '43, id.) ; Jeanne au bûcher (Giovanna d'Arco al rogo, id.) ; la Peur (La paura/Non credo più all'amore/Incubo, id.) ; Orient-Express (film de C. L. Bragaglia ; supervision de Rossellini, id.) ; India (India vista da Rossellini, TV, dix épisodes, 1959) ; le Général Della Rovere (Il Generale Della Rovere, id.) ; India (id., DOC, 1960 [ 1958]) ; les Évadés de la nuit (Era notte a Roma, id.) ; Viva l'Italia (id., 1961) ; Torino ha cent'anni (MM, id.) ; Vanina Vanini (id., id.) ; Benito Mussolini (film de Pascale Prunas, supervision de Rossellini, 1962) ; Anima nera (id.) ; RoGoPag (premier épisode : Illibatezza, 1963) ; l'Âge du Fer (L'età di ferro, film de Renzo Rossellini, TV ; supervision de Roberto Rossellini, 1965) ; la Prise du pouvoir par Louis XIV (La presa di potere di Luigi XIV, TV, FR, 1967) ; les Actes des Apôtres (Atti degli apostoli, TV, 1969) ; Sicile, idée d'une île (Sicilia, idea di un'isola, TV, 1970 [ 1967]) ; la Lutte de l'homme pour sa survie (La lotta dell'uomo per la sua sopravvivenza, film de Renzo Rossellini, TV, supervision de Roberto Rossellini, id.) ; Socrate (id., TV, 1971) ; Blaise Pascal (id., TV, 1972) ; Saint Augustin/Augustin d'Hippone (Agostino di Ippona, TV, id.) ; l'Âge des Médicis (L'età di Cosimo, TV, trois parties, id.) ; Intervista con Salvador Allende (TV, 1973 [1971]) ; Descartes (Cartesius, TV, 1974) ; Concerto per Michelangelo (CM, id.) ; Anno uno (id.) ; le Messie (Il Messia, 1976) ; le Centre Georges-Pompidou (Beaubourg) (MM, FR, 1977).

ROSSEN (Robert Rosen, dit Robert)

scénariste et cinéaste américain (New York, N. Y., 1908 - id. 1966).

Ancien boxeur professionnel, puis écrivain, il arrive à Hollywood en 1936, sous contrat à la Warner Bros. Sa carrière de scénariste se signale par la vigueur de son écriture (Femmes marquées, L. Bacon, 1937 ; La ville gronde, M. LeRoy, id.) et par la solidité de ses constructions dramatiques (l'Emprise du crime, L. Milestone, 1946). Rossen s'y affirme un démocrate convaincu, dont les sympathies de gauche sont bien connues. Quand il passe à la réalisation, il perpétue cette image. Après l'exercice de style de l'Heure du crime (Johnny O'Clock, 1947), il s'oriente vers des sujets plus personnels et plus polémiques, avec Sang et or (Body and Soul, id.) et les Fous du roi (All the King's Men, 1949). Mais le maccarthysme lui vaut de sérieux ennuis qui compromettent la Corrida de la peur (The Brave Bulls, 1951) et qui le poussent à s'expatrier en Europe où il réalise des films loin de ses préoccupations : Mambo (id., IT, 1954) ; Alexandre le Grand (Alexander the Great, 1956). C'est un homme meurtri et prêt au compromis qui revient aux États-Unis avec Une île au soleil (Island in the Sun, 1957) et Ceux de Cordura (They Came to Cordura, 1959), œuvres aux intentions louables mais trahies par la mise en scène. Rossen était alors un cinéaste honnête avec ce que ce qualificatif sous-entend de laborieux et de peu inspiré. Rien ne pouvait laisser penser qu'il avait en lui un lyrisme de poète qu'il n'avait pas osé épancher. Ses deux derniers films, admirables, bousculèrent les données. L'Arnaqueur (The Hustler, 1961) revenait aux frémissements obscurs de Sang et or mais avec en plus une touche réellement sentie dans l'intimisme et la direction d'acteurs : Paul Newman y trouvait un de ses meilleurs rôles et Piper Laurie se dépassait en paumée boiteuse et suicidaire. Lilith (1964), réussite incomprise à l'époque, où le polémiste s'effaçait devant le poète, libérait cette sensualité ; la folie y était bien moins le sujet du film qu'une métaphore, infailliblement filée, qui permettait à Rossen une fulgurante plongée dans l'inconscient. C'est sur cette étrange remise en question que s'est close l'œuvre énigmatique de Robert Rossen. ▲