Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
G

GUATEMALA.

La première projection publique du cinématographe Lumière a lieu dans la capitale le 26 septembre 1896. On y tourne des actualités vers 1910 et un court métrage de fiction en 1912 (Agente n° 13, Alberto de la Riva). Parmi les tentatives épisodiques du muet, on compte celle du dictateur Estrada Cabrera, sinistre inspirateur de divers écrivains latino-américains (son successeur, le général Ubico, mise aussi sur le cinéma, mais à des fins de propagande). Cependant, le premier film sonore ne date que de 1942 (Ritmo y danza, Eduardo Fleischmann, Ramón Aguirre et Justo Gavarrete) et le premier long métrage, de 1950 (El Sombrerón, E. Fleischmann et Guillermo Andreu). Les efforts déployés (notamment durant l'intermède démocratique interrompu en 1954) n'ont guère abouti. Sur ce plan, le Guatemala reste une succursale de la production mexicaine, et sa contribution occasionnelle est limitée (le plus souvent, paysages et figuration). Marcel Reichenbach tourne des films scientifiques primés à Cannes (Ángeles con hambre, 1959). Une production à caractère social ou expérimental essaye de se frayer une voie modeste, depuis quelques années, autour du pôle culturel constitué par l'université San Carlos, dont dépend la Cinémathèque universitaire Enrique-Torres (créée en 1970). Mais l'ambiance particulièrement répressive du pays n'est pas de nature à favoriser les entreprises intellectuelles ou artistiques. Cependant, la démocratisation à peine entamée, El silencio de Neto (Luis Argueta, 1993) soulève le voile du passé et suscite des vocations.

GUAZZONI (Enrico)

cinéaste italien (Rome 1876 - id. 1949).

Après avoir suivi les cours des Beaux-Arts (il y étudie la peinture), Enrico Guazzoni commence à travailler pour la Cines en 1907 comme conseiller artistique. Il semble que, dès cette année, il réalise son premier film, Un invito a pranzo. Après avoir essayé de créer sa propre société de production et tenté vainement de collaborer avec l'Ambrosio Film de Turin, Guazzoni est engagé définitivement par la Cines en 1909 : il tourne immédiatement La nuova mammina et, l'année suivante, quatre films historiques dont Aggripina, une œuvre dans laquelle il innove en faisant appel à un très grand nombre de figurants. Guazzoni se spécialise dans les grandes reconstitutions historiques inspirées principalement de l'Antiquité. Après un San Francesco (1911) interprété par Emilio Ghione, il réalise son premier chef-d'œuvre : Quo Vadis ? (1912). Le film jette les principes d'un genre — le film historique — qui vaudra à la cinématographie italienne une vaste réputation internationale. Avant Cabiria (1914) de Giovanni Pastrone, Quo Vadis ? marque le triomphe d'un courant dans lequel convergent le goût du spectacle, le sens du récit et l'affirmation d'une italianité à la recherche de son identité. Le film est projeté avec un égal succès à Rome, à Paris, à Berlin, à Londres, à New York... Guazzoni tourne alors successivement quelques-unes des œuvres les plus marquantes de l'histoire du cinéma muet italien : La Gerusalemme liberata (1911) ; Marcantonio e Cleopatra (1913) ; Cajus Julius Caesar (1914) ; Madame Tallien (1916) ; Fabiola (1917) ; La Gerusalemme liberata (2e version, 1918). Tous ces films témoignent d'une maîtrise exceptionnelle non seulement dans la direction des acteurs (Guazzoni travaille avec des comédiens attitrés comme Amleto Novelli ou Gianna Terribili Gonzales) mais encore dans le maniement des masses, le sens du récit, la composition de l'image (le cinéaste se sert admirablement aussi bien du clair-obscur que de l'opposition tranchée entre le blanc et le noir). Au-delà de la valeur spectaculaire des films, Guazzoni trouve des accents d'une grande force pour exalter la mort de César (Cajus Julius Caesar), évoquer le martyre des premiers chrétiens (Quo Vadis ?, Fabiola) ou magnifier la geste des croisés (La Gerusalemme liberata). Après la constitution en 1919 de l'Union cinématographique italienne et la création de la Guazzoni Film, le cinéaste tourne encore en 1923 deux films historiques, Il sacco di Roma et Messalina, deux œuvres qui commencent à exprimer une certaine fatigue créatrice. À l'inverse d'autres metteurs en scène, Guazzoni reste en Italie malgré la crise consécutive à la faillite de l'UCI. S'il tourne deux films en 1928, ce n'est qu'en 1932 qu'il pourra reprendre une activité régulière. Malheureusement, il n'est plus alors qu'un modeste confectionneur qui ne retrouve à aucun moment le génie qui caractérisait ses mises en scène des années 10. Dans cette période finale encore fort abondante, citons : Re burlone (1935) ; les Deux Sergents (I due sergenti, 1936) ; Il dottor Antonio (1937) ; Antonio Meucci (1940). Il y a quelque tristesse à constater que l'auteur de Quo Vadis ? termine sa carrière en signant des films comme La figlia del Corsaro Verde (1941) ou I pirati della Malesia (id.).

GUÉDIGUIAN (Robert)

cinéaste français (Marseille, 1953).

L'auteur de Marius et Jeannette, la surprise du Festival de Cannes en 1997 et grand succès public, avait déjà réalisé six films dont l'audience était limitée, à l'exception de L'argent fait le bonheur (1992), diffusé (et produit) par la télévision. Cofondateur d'une société de production indépendante (Agat Film), scénariste ou coscénariste de la plupart de ses films, il tourne avec des budgets modestes et une équipe d'acteurs (dont son épouse, Ariane Ascaride), qui varie peu d'un titre à l'autre. Il est l'auteur d'une série de films qui, depuis Dernier Été (1981), constituent une chronique des quartiers populaires de Marseille, sa ville natale. Engagé socialement mais aussi politiquement (Rouge Midi, 1985), il décrit les milieux modestes et les immigrés sur plusieurs générations, dans un style à qui on a pu reprocher parfois l'influence de la télévision ou une forme moderne de populisme cinématographique – mais dont la sincérité et la communicabilité s'affirment dans Marius et Jeannette. À la place du cœur (1998) et À l'attaque (2000) n'auront pas le même succès et seront suivis d'un film plus grinçant, La ville est tranquille (2001). Il a collaboré au scénario de films réalisés par d'autres cinéastes, dont Fernand, de René Féret (1980).