Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
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KAUFMAN (Mikhaïl) [Mihail Abramovič Kaufman]

opérateur et cinéaste soviétique (Białystok 1897 - Moscou 1980).

Frère de Dziga Vertov et de Boris Kaufman. En 1922, il forme avec Vertov et son épouse, E. Svilova, le Conseil des Trois qui deviendra le Groupe des Kinoki. Il est le principal opérateur des chroniques filmées de la série Kinopravda (1922-1925). Il filme et réalise lui-même par la suite de nombreux documentaires sur la vie quotidienne en URSS, dont : Moscou (Moskva, 1927), qui montre la vie de la cité de l'aube au crépuscule (idée en partie reprise dans l'Homme à la caméra de Vertov) et qui a probablement influencé Ruttmann pour sa Symphonie d'une grande ville ; Au printemps (Vesnoj, 1929), magnifique essai impressionniste sur le réveil de la nature ; la Grande Victoire (Bol‘ šaja pobeda, 1933) ; Défilé aérien (Aviamarš, 1936) ; Notre Moscou (Naša Moskva, 1939). À partir de 1941, il travaille au Studio des films de vulgarisation scientifique.

Mais c'est comme opérateur de Dziga Vertov qu'il est le plus réputé pour sa virtuosité technique et sa science de la composition de l'image, surtout dans certains longs métrages de celui-ci : la Sixième Partie du monde, la Onzième Année et, avant tout, l'Homme à la caméra, où s'épanouissent les théories de Vertov sur le ciné-œil capable de saisir « la vie à l'improviste », théories dont Kaufman, en tant qu'opérateur, peut avoir été l'initiateur dans la pratique.

KAUFMAN (Philip)

cinéaste américain (Chicago 1936).

Carrière inégale, toute en zigzag, que celle de cet indépendant, devenu un pilier du groupe de San Francisco avant de se voir confier des remakes et de s'épanouir soudain avec l'Étoffe des héros (The Right Stuff, 1983) qui conjugue les mythes de la conquête de l'Ouest et de l'espace avec un souffle épique et un sens intimiste des destinées individuelles. Sa première œuvre, Goldstein (1964), réalisée avec Benjamin Manaster, était une production artisanale que la critique apprécia pour son ton comique très personnel. Kaufman ensuite tourne des films de genre : La Légende de Jesse James (The Great Northfield Minnesota Raid, 1972), l'Invasion des profanateurs (Invasion of the Body Snatchers, 1978), remake du film homonyme de Don Siegel, et les Seigneurs (The Wanderers, 1979) sur les gangs de rue. Réalisations de bonne facture, mais sans personnalité véritable (son The White Dawn, 1974 est inédit en France), ils ne laissaient pas présager l'Étoffe des héros, œuvre singulièrement originale qui renouvelle le film d'aventures hollywoodien. Il confirme son talent en adaptant avec beaucoup d'habileté un livre de l'écrivain tchèque Milan Kundera l'Insoutenable Légèreté de l'être (The Unbearable Lightness of Being, 1988) puis évoque le Paris des années 30 dans Henry and June (1990) qui s'attache aux relations passionnelles de Henry Miller et d'Anaïs Nin. Cet échec ambitieux l'a mis dans une mauvaise position vis-à-vis de l'industrie cinématographique américaine. Kaufman décide donc de prouver qu'il est toujours capable d'enlever avec verve un film d'action pure : Soleil levant (Rising Sun, 1993), malgré ou à cause de la polémique qu'il engendre à propos d'un certain racisme antijaponais, le remet tout à fait en selle. En 2000 il signe Quills, évocation curieuse de la vie sulfureuse du Marquis de Sade.

KAUL (Mani)

cinéaste indien (Jodhpur, Rajasthan, 1942).

Diplômé de l'université de Jaipur, ancien étudiant du Film and Television Institute de Poona, il représente avec éclat la Nouvelle Vague indienne. Loin des conventions du cinéma hindi, et sans souci de plaire, il pratique un cinéma intransigeant, moderne, voire d'avant-garde. Si ses maîtres se nomment Ozu et Bresson, ce qui explique le statisme et le dépouillement de son style, ses préoccupations propres manifestent son goût pour une certaine littérature occidentale, notamment l'œuvre de Dostoïevski (Nazar, Idiot) et pour la spéculation philosophique indienne, dont il est un adepte averti. La haute ambition de ses films et leur diffusion quasi confidentielle font qu'il n'a pu travailler jusqu'ici que de façon intermittente. Le Pain d'un jour (Uski roti, 1969) décrit en longs plans fixes l'attente d'une femme qui vient remettre son repas à son mari, conducteur d'autobus. Un jour avant le mois des pluies (Ashad ka Ek Din, 1971) adapte avec rigueur, et comme en voix blanche, une pièce sur le poète Kalidas. Indécision (Duvidha, 1973), à partir d'un conte traditionnel rajasthanais, explore la notion de double d'une manière quasi structuraliste. ‘ L'Homme au-delà de la surface‘  (Satah se Uthata Aadmi, 1980) utilise les textes de l'écrivain Muktibodh pour une réflexion sur les rapports entre langage et cinéma (langue : hindi). Il tourne en 1982-1983 un documentaire sur la musique des ragas Dhrupad, puis Mati Manas (1985), Siddheshwari (1989), dialogue avec la vie, la musique « thumri » et sa tradition, Nazar (id.), l'Idiot (Idiot, 1991), adaptation du roman de Dostoïevski et Erotic Tales (épisode The Cloud Door, 1994), la Chemise du serviteur (Naukar ki kamcez, 1996) d'après un roman de Vinod Kumar Shukla.

KAURISMÄKI (Aki)

cinéaste finlandais (Orimattila 1957).

Frère cadet de Mika Kaurismäki avec quil il crée la société de production Villealfa, qui produira la plupart de ses films, la société de distribution Senso Film, de même qu'une coopérative cinématographique, Filmtotal (à la fondation de laquelle s'associe également Anssi Mänttäri). Assistant et scénariste des premiers films tournés par son frère et plus tard de Rosso, il cosigne avec lui en 1981 le Syndrome du lac Saimaa (Saimaa-ilmiö). En 1986-1987, il tourne des « rock-videos » puis aborde le long métrage de fiction avec Crime et châtiment (Rikos ja rangaistus, 1983) suivi de Calamari Union (1985), un film dominé par un étonnant sens de l'absurde, Shadows in Paradise (Varjoja paratiisissa, 1986) – le film qui le fera connaître à l'étranger, Hamlet Goes Business (Hamlet Liikemaailmassa, 1987), Ariel (id., 1988), Leningrad Cowboys Go America (id., 1989), dont les anti-héros, « le plus mauvais groupe de rock du monde » se retrouveront aux cotés des Chœurs de l'Armée rouge dans Total Balalaïka Show (id., TV, 1993) et dans Leningrad Cowboys Meet Moses (id., 1994), Dirty Hands (Likaiset kädet, TV, id.), la Fille aux allumettes (Tulitikkutehtaan tyttö, id.), J'ai engagé un tueur (I Hired a Contract Killer, 1990), la Vie de bohème (Boheemielämää, 1991), Prends ton foulard, Tatiana (Pida huivista kiiinni, Tatjana, 1994), Au loin s'en vont les nuages (Kauas pilvetk karkaavat, 1996), Juha (id°, 1999) , traité en film muet d'après un roman finlandais ayant déjà donné lieu à plusieurs adaptations. Aki Kaurismäki, notamment dans ce qu'on a pu nommer sa « trilogie prolétarienne » (Shadows in Paradise, Ariel, la Fille aux allumettes) a su imprimer au film finlandais une nouvelle direction, stylisée, voire ascétique, cruelle, éloignée de toute sensiblerie, souvent ironique et d'une lucidité impitoyable sur le « mirage » social et économique de son pays. Nourri de culture rock, portant un regard volontiers sarcastique sur les « valeurs » du monde occidental, il a réussi à s'imposer parmi les cinéastes importants des années 1985-2000. Producteur indépendant avec les sociétés Villealfa puis Sputnik, soutenu à l'occasion par des producteurs d'autres pays européens, il a lui-même favorisé l'œuvre de plusieurs jeunes cinéastes tels Veikko Aaltonen ou Kari Väänänen.