Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
S

SCIENCE-FICTION. (Le signe SF est communément utilisé.) (suite)

Dans une autre veine d'inspiration, que l'on peut faire remonter à Blade Runner de R. Scott, on voit également fleurir dans les années 90 une manière de « néo-expressionnisme » dans des films comme Dark City (Alex Proyas, 1998), The Truman Show (P. Weir, 1999) ou Bienvenue à Gattaca (Andrew Niccol, scénariste du précédent, id.), peintures d'une futurisme urbain totalitaire. Matrix (les frères Wachowski, 1998), qui a conquis le public adolescent, mèle plusieurs influences dans un style qui emprunte aux chorégraphies du film d'action asiatique.

Notons également que la terreur venue de l'espace se manifeste périodiquement. En effet, le même sujet, qui surgit en 1956 dans l'Invasion des profanateurs de sépultures (Don Siegel), est repris en 1978 par Philip Kaufman et enfin en 1993 par Abel Ferrara avec Body Snatchers.

Hormis quelques comédies d'un intérêt mineur et le curieux Croisières sidérales (A. Zwoboda, 1942), la SF n'a guère suscité de réalisations en France. On note pourtant un regain d'intérêt pour le genre dans les années 60 avec des films comme la Jetée (Ch. Marker, 1962), Alphaville (J.-L. Godard, 1965), Fahrenheit 451 (F. Truffaut, 1966), Barbarella (R. Vadim, 1967), Je t'aime, je t'aime (A. Resnais, id.) et, plus récemment, avec la Mort en direct (B. Tavernier, 1979), Malevil (Ch. de Chalonge, 1981) et le Dernier Combat (Luc Besson, 1983). La Planète sauvage (R. Topor et R. Laloux, 1973) et Chronopolis (P. Kamler, 1983) sont deux rares exemples de longs métrages d'animation sur des thèmes de SF. Quant à la production des pays d'Europe de l'Est, elle est remarquablement peu présente dans ce mode d'approche social fortement idéologique que constitue la SF au cinéma. Plus orientée vers le social que vers le technologique, vers le pédagogique que vers le spectaculaire, elle n'a guère produit de grandes œuvres si l'on excepte Solaris (1971) d'Andrei Tarkovski.

Mais il est clair que le genre, comme l'indiquent l'énorme proportion de réalisations américaines, les remarquables initiatives britanniques ou, dernièrement, l'éveil de la production australienne, est essentiellement anglo-saxon. Des exemples de Clair, Renoir ou surtout Ferreri (la Semence de l'homme, 1969, ou Rêve de singe, 1978), il apparaît à l'évidence que l'Europe latine préfère aborder la figuration de son futur sous les masques plus complexes mais aussi plus traditionnels de la fable ou de l'allégorie.

SCOFIELD (Paul)

acteur britannique (Hurstpierpoint 1922).

Lorsque le cinéma fait appel à ce célèbre acteur de théâtre, c'est pour donner plus de puissance et de noblesse à certains personnages historiques. C'est ainsi qu'il incarne Philippe II d'Espagne dans la Princesse d'Eboli (That Lady, T. Young, 1954) et surtout Thomas More dans Un homme pour l'éternité (F. Zinnemann, 1966), rôle récompensé par un Oscar. Fortement ému par sa mise en scène théâtrale du Roi Lear de Shakespeare, Peter Brook lui demande de reprendre ce rôle pour l'écran (le Roi Lear, 1971). Le cinéma a relativement peu utilisé ce comédien prestigieux qui apparaît aussi dans d'autres films moins marquants : Agent secret SZ (Carve Her Name With Pride, L. Gilbert, 1958), le Train (J. Frankenheimer, 1964, dans le rôle d'un officier allemand), Bartleby (Anthony Friedman, 1971), Scorpio (M. Winner, 1973), A Delicate Balance (T. Richardson, id.) ; 1919 (Hugh Brody, 1984) ; Hamlet (F. Zeffirelli, 1990) ; Quizz Show (R. Redford, 1994) ; la Chasse aux sorcières (The Crucible, Nicholas Hytner, 1996).

SCOGNAMILLO (Gabriel)

décorateur français (New York, US, 1906 - 1974).

Le début des années 30 fut l'âge d'or de cet homme raffiné, spécialiste des décors surchargés ou, au contraire, simples comme une épure. Il travaille avec Marc Allégret (Mam'zelle Nitouche, 1931 ; la Petite Chocolatière, 1932 ; Fanny, id.), mais sa collaboration avec Jean Renoir reste mémorable. Plus que l'intérieur bourgeois typiquement IIIe République de On purge Bébé (1931), on retiendra avec émerveillement les rues brouillardeuses et les intérieurs précisément observés de la Chienne (id.). En 1934, il était, à Hollywood, l'un des décorateurs attachés à la Veuve joyeuse (E. Lubitsch) : un travail admirable, mais dont il est difficile d'extraire ce qui pourrait lui être dû.

SCOLA (Ettore)

cinéaste italien (Trevico 1931).

Après des études juridiques, Scola se consacre d'abord au journalisme humoristique et à la radio. En 1952, il commence à participer à des scénarios et devient rapidement, associé à Ruggero Maccari, un des scénaristes les plus réputés en matière de comédies. Pendant plus de dix ans, il participe à une cinquantaine de films et collabore notamment avec Dino Risi (l'Homme aux cent visages/le Matamore, 1960 ; la Marche sur Rome, 1962 ; le Fanfaron, id. ; les Monstres, 1963 ; Il gaucho, 1964 ; Moi la femme, 1971) et Antonio Pietrangeli (Adua et ses compagnes, 1960 ; les Joyeux Fantômes, 1961 ; La parmigiana, 1963 ; Annonces matrimoniales, 1964 ; le Cocu magnifique, id. ; L'amour tel qu'il est, 1965). En 1964, Scola réalise son premier film : Parlons femmes. Il commence par mettre en scène des comédies, des films dans lesquels se sent toutefois déjà le désir de poser un regard critique sur la société italienne (Cent millions ont disparu, 1965 ; le sketch Il vittimista dans Thrilling, id. ; Belfagor le Magnifique, 1966 ; Nos héros réussiront-ils à retrouver leur ami mystérieusement disparu en Afrique ?, 1968). En 1969, le Fouineur, malgré un certain schématisme dans la démarche, indique plus nettement l'intention de porter le bistouri dans les plaies de la société. Tout en conservant un sens très sûr du spectacle, Scola confirme cette tendance avec Drame de la jalousie (1970), une comédie qui pose clairement la question des rapports entre les sentiments et l'idéologie, Permette ? Rocco Papaleo (1971), la Plus Belle Soirée de ma vie (1972). Après l'expérience ascétique de Trevico-Torino (1973) sur le drame de l'émigration intérieure entre le sud et le nord de l'Italie, Scola réalise Nous nous sommes tant aimés (1974), l'œuvre qui l'impose définitivement parmi les meilleurs cinéastes de sa génération. Chronique amère de l'histoire de l'Italie de l'immédiat après-guerre à l'époque actuelle, le film examine sans complaisance le devenir d'une société. Scola travaille désormais dans la perspective constante d'un va-et-vient entre le passé et le présent, alternant des œuvres inscrites dans la contemporanéité (Affreux, sales et méchants, 1976 ; les Nouveaux Monstres, 1978 ; la Terrasse, 1979 ; Macaroni, 1985) et d'autres dans un passé envisagé comme moyen d'interprétation du présent (Une journée particulière, 1977 ; Passion d'amour, 1981 ; la Nuit de Varennes, 1982 ; le Bal, 1983). Gagné par une certaine nostalgie inhérente sans doute à la sensation de vieillissement, Scola s'est penché dans ses derniers films sur les problèmes de relations générationnelles : omniprésent dans la Famille (1987) qui traite de quatre-vingts ans de la vie d'une famille bourgeoise italienne, ce thème est également à la base de Splendor (1989) — évocation attendrie d'un spectacle cinématographique en voie de disparition — et de Quelle heure est-il (id.), sorte de Journée particulière au cours de laquelle un père et son fils tentent désespérément de communiquer. Ministre de la culture dans le gouvernement fantôme constitué par le parti communiste italien, Scola est avant tout un cinéaste soucieux de communiquer avec le public. Il réussit à concilier un discours critique sur la société transalpine qui ne souffre d'aucune ambiguïté idéologique avec les nécessités du spectacle, toutes qualités que l'on retrouve dans une œuvre ambitieuse, le Voyage du Capitaine Fracasse (1990), d'après Théophile Gautier. En 1998, il signe de nouveau une vaste fresque sociologique avec le Dîner (La cena), peinture pleine d'humour et de sarcasme d'une soirée d'un restaurant romain. Trois ans plus tard, il réalise enfin Concorrenza sleale (2001), une comédie amère sur les lois antijuives votées en Italie en 1938.