Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
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FORD (John Sean Aloysius O'Feeney [O'Fearna], dit John) (suite)

On peut diviser la carrière de John Ford en quatre grandes périodes :

La période muette (1917-1928),

la plus abondante : soixante films, les premiers, il est vrai, étant des shorts de deux à six bobines. On y trouve déjà un large éventail de genres : comédies sentimentales, sportives, mélodrames, films de guerre, mais surtout des westerns, depuis la série des « Cheyenne Harry », interprétés par Harry Carey, jusqu'aux Trois Sublimes Canailles, en passant par le fameux Cheval de fer (1924), vaste épopée de la conquête du rail. Certains de ces films sont encore signés Jack Ford, le pseudonyme ayant été repris à son frère Francis, de treize ans son aîné, qui l'avait précédé dans les studios de la Universal, et dont il fut d'abord l'assistant et l'accessoiriste. Juste revanche, ce dernier deviendra par la suite la « mascotte » attitrée des films de son cadet.

L'évolution vers la maturité (1928-1941),

qui voit son style s'épanouir, ses sujets se hausser à la dimension épique (n'excluant jamais un solide humour), son idéologie « lincolnienne » s'exprimer sans détours. C'est l'époque de Air Mail, de la Patrouille perdue, de Je n'ai pas tué Lincoln, de la Chevauchée, des Mohawks et du Long Voyage. Grands et petits sujets sont passés au même pressoir d'idéalisme familier et chaleureux. Ford se paie même le luxe de manifester son soutien aux minorités opprimées, dans les Raisins de la colère et surtout dans le méconnu et très « engagé » Révolte à Dublin. Le sommet de cette période est sans doute Vers sa destinée (1939), hymne éperdu au libéralisme.

La guerre d'aujourd'hui et d'hier (1942-1951).

En 1941, Ford est mobilisé dans la Marine (au grade de lieutenant-commandant). Il participe à sa manière à l'effort de guerre américain, avec deux beaux films : la Bataille de Midway et les Sacrifiés. À la fin des hostilités, il se tourne — vieille nostalgie de baroudeur — vers les combats d'autrefois : Fort Apache, la Charge héroïque et Rio Grande forment une trilogie à la gloire de la cavalerie américaine. John Wayne, son acteur de prédilection, y forge son mythe. La guerre est aussi un prétexte à comédie (Planqué malgré lui) ou à propagande directe (This Is Korea). Mais Ford n'oublie pas pour autant le western, à dominante volontiers folklorique (My Darling Clementine) ou allégorique (le Fils du désert).

Le retour aux sources (1952-1966).

La dernière période fordienne pousse le cinéaste vers l'Irlande de ses ancêtres (l'Homme tranquille, Quand se lève la lune), la chronique provinciale (Le soleil brille pour tout le monde, la Dernière Fanfare), la vie quotidienne d'un policier londonien (Gideon of Scotland Yard), la guerre de Sécession vue par le petit bout de la lorgnette (les Cavaliers), le western lyrique et décontracté (la Prisonnière du désert, les Deux Cavaliers). Il clôt sa carrière sur deux films admirables, qui exaltent la générosité et le sacrifice : les Cheyennes et Frontière chinoise.

Ford, réactionnaire ou révolutionnaire ? La question n'a guère de sens. Il incarne les contradictions de l'Amérique, son passé comme son avenir, les forces de la tradition comme celles du progrès, l'Ancien et le Nouveau Testament. Son art échappe aux classifications restrictives. Il crée ce que Carson demande à « Spig » Wead dans L'aigle vole au soleil : « De simples choses. Et qui comptent. De la poésie pure. »

Films  :

The Tornado (CM, 1917) ; The Trail of Hate (CM, id.) ; The Scrapper (CM, id.) ; Pour son gosse (The Soul Herder, CM, id.) ; Cheyenne's Pal (CM, id.) ; le Ranch Diavolo (Straight Shooting, id.) ; l'Inconnu (The Secret Man, id.) ; A Marked Man (id.) ; À l'assaut du Boulevard (Bucking Broadway, id.) ; le Cavalier fantôme (The Phantom Riders, 1918) ; la Femme sauvage (Wild Women, id.) ; Thieve's Gold (id.) ; la Tache de sang (The Scarlet Drop, id.) ; Du sang dans la prairie (Hell Bent, id.) ; The Craving (id.) ; le Bébé du cow-boy (A Woman's Fool, id.) ; le Frère de Black Billy (Three Mounted Men, id.) ; Sans armes (Roped, 1919) ; The Fighting Brothers (CM, id.) ; À la frontière (A Fight for Love, id.) ; By Indian Post (CM, id.) ; The Rustlers (CM, id.) ; le Serment de Black Billy (Bare Fists, CM, id.) ; Gun Law (CM, id.) ; The Gun Packer (CM, id.) ; la Vengeance de Black Billy (Riders of Vengeance, id.) ; The Last Outlaw (CM, id.) ; le Proscrit (The Outcasts of Poker Flat, id.) ; le Roi de la prairie (The Ace of the Saddle, id.) ; Black Billy au Canada (The Rider of the Law, id.) ; Tête brûlée (A Gun Fightin ’ Gentleman, id.) ; les Hommes marqués (Marked Men, id.) ; The Prince of Avenue A (1920) ; The Girl in Number 29 (id.) ; l'Obstacle (Hitchin' Posts, id.) ; Pour le sauver (Just Pals, id.) ; Un homme libre (The Big Punch, 1921) ; The Freeze-Out (id.) ; The Wallop (id.) ; Face à face (Desperate Trails, id.) ; Action (id.) ; Sure Fire (id.) ; Jackie (id.) ; Little Miss Smiles (1922) ; Silver Wings (prologue, id.) ; le Forgeron du village (The Village Blacksmith, id.) ; l'Image aimée (The Face on the Bar-room Floor, 1923) ; Three Jumps Ahead (id.) ; Cameo Kirby (premier film signé John Ford, id.) ; le Pionnier de la baie d'Hudson (North of Hudson Bay, id.) ; Hoodman Blind (id.) ; le Cheval de fer (The Iron Horse, 1924) ; les Cœurs de chêne (Hearts of Oak, id.) ; Sa nièce de Paris (Lightnin ’, 1925) ; la Fille de Négofold (Kentucky Pride, id.) ; le Champion (The Fighting Heart, id.) ; Extra Dry (Thank You, id.) ; Gagnant quand même (The Chamrock Handicap, 1926) ; l'Aigle bleu (The Blue Eagle, id.) ; les Trois Sublimes Canailles (Three Bad Men, id.) ; Upstream (1927) ; Maman de mon cœur (Mother Machree, 1928) ; les Quatre Fils (Four Sons, id.) ; la Maison du bourreau (Hangman's House, id.). — Films parlants : Napoleon's Barber (CM, id.) ; Riley the Cop (id.) ; le Costaud (Strong Boy, 1929) ; The Black Watch (id.) ; Salute (CO : D. Butler, id.) ; Hommes sans femmes (Men Without Women, 1930) ; Born Reckless (id.) ; Up the River (id.) ; Seas Beneath (1931) ; The Brat (id.) ; Arrowsmith (id.) ; Tête brûlée (Air Mail, 1932) ; Une femme survint (Flesh, id.) ; Deux Femmes (Pilgrimage, 1933) ; Docteur Bull (Dr Bull, id.) ; la Patrouille perdue (The Lost Patrol, 1934) ; le Monde en marche (The World Moves on, id.) ; Judge Priest (id.) ; Toute la ville en parle (The Whole Town's Talking, 1935) ; le Mouchard (The Informer, id.) ; Steamboat ' Round the Bend (id.) ; Je n'ai pas tué Lincoln (The Prisoner of Shark Island, 1936) ; Marie Stuart (Mary of Scotland, id.) ; Révolte à Dublin (The Plough and the Stars, id.) ; Hurricane (The Hurricane, 1938) ; la Mascotte du régiment (Wee Willie Winkie, id.) ; Quatre Hommes et une prière (Four Men and a Prayer, id.) ; Patrouille en mer (Submarine Patrol, id.) ; The Adventures of Marco Polo (CORE : scènes d'action, id.) ; la Chevauchée fantastique (Stagecoach, 1939) ; Vers sa destinée (Young Mr. Lincoln, id.) ; Sur la piste des Mohawks (Drums Along the Mohawk, id.) ; les Raisins de la colère (The Grapes of Wrath, 1940) ; les Hommes de la mer / le Long Voyage (The Long Voyage Home, id.) ; la Route du tabac (Tobacco Road, 1941) ; Sex Hygiene (CM DOC , US Army, id.) ; Qu'elle était verte ma vallée (How Green Was My Valley, id.) ; The Battle of Midway (CM DOC, US Navy, 1942) ; Torpedo Squadron (id., id.) ; December 7th (id., CO G. Toland, 1943) ; Nous partons ce soir (We Sail at Midnight, id., id.) ; les Sacrifiés (They Were Expendable, 1945) ; la Poursuite infernale (My Darling Clementine, 1946) ; Dieu est mort (The Fugitive, 1947 [tourné au Mexique]) ; le Massacre de Fort Apache (Fort Apache, 1948) ; le Fils du désert (Three Godfathers, 1949) ; la Charge héroïque (She Wore a Yellow Ribbon, id.) ; Planqué malgré lui (When Willie Comes Marching Home, 1950) ; le Convoi des braves (Wagonmaster, id.) ; Rio Grande (id.) ; This is Korea (supervision, CM DOC, US Navy, 1951) ; What Price Glory (1952) ; l'Homme tranquille (The Quiet Man, id.) ; Le soleil brille pour tout le monde (The Sun Shines Bright, 1953) ; Mogambo (id.) ; Ce n'est qu'un au revoir (The Long Gray Line, 1955) ; Permission jusqu'à l'aube (Mister Roberts, CO M. LeRoy, id.) ; The Bamboo Cross (TV, id.) ; la Révélation de l'année (Rookie of the Year, TV, id.) ; la Prisonnière du désert (The Searchers, 1956) ; L'aigle vole au soleil (The Wings of Eagles, 1957) ; Quand se lève la lune (The Rising of the Moon, id.) ; So Alone (CM, GB, 1958) ; la Dernière Fanfare (The Last Hurrah, id.) ; Inspecteur de service (Gideon's Day / Gideon of Scotland Yard, GB, 1959) ; Korea (DOC, US Army, id.) ; les Cavaliers (The Horse Soldiers, id.) ; le Sergent noir (Sergeant Rutledge, 1960) ; The Colter Craven Story (TV, id.) ; The Alamo (supervision du film réalisé par John Wayne, id.) ; les Deux Cavaliers (Two Rode Together, 1962) ; l'Homme qui tua Liberty Valance (The Man who Shot Liberty Valance, id.) ; Flashing Spikes (TV, id.) ; la Conquête de l'Ouest (How the West Was Won [séquence de la guerre de Sécession], id.) ; la Taverne de l'Irlandais (Donovan's Reef, 1963) ; les Cheyennes (Cheyenne Autumn, 1964) ; le Jeune Cassidy (Young Cassidy, CO J. Cardiff, 1965) ; Frontière chinoise (Seven Women, 1966). John Ford aurait également participé, en 1971, au film de propagande produit par les Services américains d'information : Vietnam, Vietnam.