Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
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DENEUVE (Catherine Dorléac, dite Catherine) (suite)

Avec Polanski et Deville, peintres et analystes aigus de la Psyché féminine, Luis Buñuel, en deux films (Belle de jour, 1967, et Tristana, 1970), développe encore les virtualités de l'actrice et la hausse au niveau du mythe. Jamais plus, dans la suite de son abondante carrière, elle ne retrouvera cette plénitude. Mais il n'est pas douteux qu'elle a incarné, dans les années 60, un avatar de l'éternel féminin. N'offrant apparemment aucune prise, inaltérable et insoupçonnable, marmoréenne, elle appelle en quelque sorte le ciseau du sculpteur-réalisateur qui lui insufflera la vie et l'expression, qui dévoilera des abysses troubles cachées sous une limpidité de surface.

Après ces rencontres fabuleuses, c'est malheureusement à l'extériorité la plus superficielle de son personnage que l'on fit appel (Peau d'âne ; la Femme aux bottes rouges ; Mayerling), avant de la recycler, la maturité venant, dans un registre de fantaisie voulant faire référence à la comédie américaine, ce qui peut paraître en contradiction avec sa nature, qui est d'être plutôt que de faire, d'incarner plutôt que d'interpréter.

Toutefois, cette nouvelle orientation compte des réussites (la Vie de château ; les Demoiselles de Rochefort ; le Sauvage), mais aussi des ratages (Zig Zig ; l'Agression). Les années 70 la voient alterner rôles comiques et dramatiques, ayant renoncé aux emplois « décoratifs » (Mayerling), qui risquaient de la reléguer dans l'insignifiance. La tentative d'ouverture vers une carrière américaine ne donna pas les effets escomptés chez une comédienne qui aurait pu, pourtant, être un parfait équivalent de l'héroïne hitchcockienne. Au cours des années 80, François Truffaut dans le Dernier Métro, André Téchiné dans Hôtel des Amériques et le Lieu du crime, Alain Corneau dans le Choix des armes et François Dupeyron dans Drôle d'endroit pour une rencontre lui offrent ses meilleurs rôles. Deneuve demeure l'une des actrices françaises les plus expérimentées, l'une des rares capables d'enflammer un personnage qui de prime abord pourrait être perçu par les spectateurs comme froid, détaché, voire indifférent.

Films :

les Collégiennes (A. Hunnebelle, 1957) ; les Petits Chats (Jacques R. Villa, 1959) ; Les portes claquent (Jacques Poitrenaud et Michel Fermaud, 1960) ; l'Homme à femmes (Jacques Gérard Cornu, id.) ; les Parisiennes (M. Allégret, 1962, sketch : Sophie) ; Et Satan conduit le bal (Grisha M. Dabat, id.) ; Vacances portugaises (P. Kast, 1963) ; le Vice et la Vertu (Vadim, id.) ; les Parapluies de Cherbourg (Demy, 1964) ; les Plus Belles Escroqueries du monde (C. Chabrol, id. sketch : l'Homme qui vendit la tour Eiffel) ; la Chasse à l'homme (E. Molinaro, id.) ; Un monsieur de compagnie (Ph. de Broca, id.) ; Avec amour et avec rage (La constanza della ragione, P. Festa Campanile, id.) ; Répulsion (Polanski, 1965) ; Belles d'un soir (Das Liebeskarussel, R. Thiele, id. ; sketch : la Somnambule) ; le Chant du monde (M. Camus, id.) ; la Vie de château (J.-P. Rappeneau, 1966) ; les Créatures (A. Varda, id.) ; les Demoiselles de Rochefort (Demy, 1967) ; Belle de jour (Buñuel, id.) ; Benjamin (Deville, 1968) ; Manon 70 (J. Aurel, id.) ; Mayerling (T. Young id.) ; la Chamade (A. Cavalier, id.) ; Folies d'avril (The April Fools, S. Rosenberg, 1969) ; la Sirène du Mississippi (F. Truffaut, id.) ; Tristana (Buñuel, 1970) ; Peau d'âne (Demy, id.) ; ça n'arrive qu'aux autres (Nadine Trintignant, 1971) ; Liza (Ferreri, 1972) ; Un flic (J.-P. Melville, id.) ; l'Événement le plus important depuis que l'homme a marché sur la Lune (Demy, 1973) ; Touche pas à la femme blanche (Ferreri, 1974) ; la Femme aux bottes rouges (Juan Luis Buñuel, id.) ; la Grande Bourgeoise (M. Bolognini, id.) ; Zig Zig (Laszló Szabó, 1975) ; l'Agression (G. Pirès, id.) ; le Sauvage (Rappeneau, id.) ; la Cité des dangers (R. Aldrich, id.) ; Si c'était à refaire (C. Lelouch, 1976) ; Âmes perdues (D. Risi, id.) ; Il était une fois la légion (March or Die, Dick Richard, 1977) ; Coup de foudre (R. Enrico, id., inachevé) ; Casotto (S. Citti, id.) ; l'Argent des autres (Ch. de Challonge, 1978) ; Écoute voir (H. Santiago, 1979) ; Ils sont grands ces petits (Joël Santoni, id.) ; Courage, fuyons (Y. Robert, id.) ; À nous deux (Lelouch, id.) ; le Dernier Métro (Truffaut, 1980) ; Je vous aime (C. Berri, id.) ; Hôtel des Amériques (A. Téchiné, 1981) ; le Choix des armes (A. Corneau, id.) ; le Choc (Robin Davis, 1982) ; les Prédateurs (The Hunger, Tony Scott, 1983) ; l'Africain (de Broca, id.), le Bon Plaisir (F. Girod, 1984) ; Fort Saganne (A. Corneau, id.) ; Paroles et Musique (Elie Chouraqui, id.) ; le Lieu du crime (A. Téchiné, 1986) ; Pourvu que ce soit une fille (Monicelli, id.) ; Agent trouble (J.-P. Mocky, 1987) ; Fréquence meurtre (Élisabeth Rappeneau, 1988) ; Drôle d'endroit pour une rencontre (François Dupeyron, id.) ; Frames From the Edge (Adrian Maben, 1989) ; la Reine blanche (Jean-Loup Hubert, 1991) ; Indochine (Régis Wargnier, 1992) ; Ma saison préférée (Téchiné, 1993) ; Les Demoiselles ont eu 25 ans (Varda, id.) ; la Partie d'échecs (Yves Hanchar, 1994) ; le Couvent (M. de Oliveira, 1995) ; l'Enfant de la nuit (Téchiné, 1996) ; les Voleurs (id., id.) ; Généalogies d'un crime (R. Ruiz, id.) ; Place Vendôme (N. Garcia, 1998) ; le Vent de la nuit (Ph. Garrel, 1999) ; Belle-maman (Gabriel Aghion, 1999) ; Pola X (L. Carax, 1999) ; le Temps retrouvé (R. Ruiz, 1999) ; Est-Ouest (R. Wargnier, 1999) ; Dancer in the Dark (L. von Trier, 2000) ; Je rentre à la maison (M. de Oliveira, 2001) ; le Petit Poucet (Olivier Dahan, 2001) ; Absolument fabuleux (G. Aghion, 2001).

DE NIRO (Robert)

acteur américain (New York, N. Y., 1943).

Son arrière grand-père était un immigrant italien. Né dans une famille d'artistes (son père, d'origine irlandaise et italienne, est peintre figuratif ; sa mère, originaire du Middle West, est également peintre), Robert De Niro n'a jamais souhaité être autre chose qu'acteur et sa famille ne s'y est jamais opposée. A seize ans, il a déjà suivi des cours d'art dramatique au Dramatic Workshop, à l'École dramatique de Stella Adler, au Luther James Studio, puis chez Lee Strasberg, où il rencontre Harvey Keitel. Il fait ses débuts au théâtre dans l'Ours de Tchekhov. Il apparaît ensuite dans plusieurs productions « off-Broadway », notamment. Sa première apparition à l'écran, comme figurant, remonte à Trois Chambres à Manhattan de Marcel Carné (1965). Mais c'est Brian De Palma qui lui donne ses premières vraies chances au cinéma, dans trois films tournés entre 1966 et 1970. Remarqué pour sa création d'un joueur de base-ball condamné, dans Bang the Drum Slowly (John Hancock, 1973), il ne trouvera place dans la mémoire du public international qu'après son interprétation de Vito Corleone jeune, dans le Parrain, 2e partie (F. F. Coppola, 1974). Dans l'intervalle, il a fait la rencontre la plus marquante de sa carrière en la personne de Martin Scorsese, avec lequel il a tourné quatre films, y interprétant des rôles qui sont autant de variantes du type italo-américain, issu de la « petite Italie » new-yorkaise (surtout Mean Streets et Raging Bull). Dans la galerie des acteurs américains contemporains, De Niro peut être qualifié d'acteur de composition, par opposition à des personnalités plus « mythologiques », qui, d'un film à l'autre, ne font que tisser des variantes sur un seul type ; tel est le cas d'un Robert Redford. De Niro, en comparaison, est un comédien protée, dont aucune interprétation n'est répétitive : marginal quelque peu demeuré dans Mean Streets, mafioso d'envergure dans le Parrain, propriétaire terrien décadent dans 1900, producteur dans le Dernier Nabab, jazzman dans New York, New York, ouvrier immigré lituanien dans Voyage au bout de l'enfer, champion de boxe immature et damné dans Raging Bull, caïd sans scrupule dans les Affranchis, monstre dans Frankenstein, gérant de maison de jeu dans Casino. Ces derniers rôles sont parmi les plus intéressants de la dernière phase de sa carrière. En effet, plus intéressé par la production et par la gestion des studios Tri-beca (un projet ambitieux pour relancer l'activité cinématographique à New York), il semble moins s'investir dans ses rôles auxquels il apporte certes un brillant savoir-faire (le truand idiot de Jacky Brown) mais peut-être plus l'engagement d'antan. On note même une volonté de se risquer à la comédie, parfois un peu laborieuse (le mafieux pleurnichard de Mafia Blues) mais parfois vraiment savoureuse (le militaire à la retraite de Mon beau-père et moi).