Larousse Médical 2006Éd. 2006
C

cancer (suite)

Vivre avec un cancer

De plus en plus nombreux sont les patients qui vivent des années avec un cancer qui ne peut être éradiqué mais dont l'évolution est enrayée ou, du moins, suffisamment freinée pour que tout danger à moyen terme soit écarté. Cette stabilisation de maladies encore incurables est souvent le premier pas vers de futures guérisons. Elle crée de nouveaux rapports que patients et médecins doivent apprendre à gérer, d'autant qu'elle modifie leurs comportements en conduisant les premiers à davantage de confiance et les seconds à plus de transparence. Cette situation nouvelle engendre de nouveaux problèmes médicaux, intégrés à la vie quotidienne des malades.

   Ainsi, les infections, qui sont souvent plus fréquentes chez les patients à l'immunité altérée par les traitements ou par la maladie, doivent être prévenues par les vaccins appropriés et être traitées quand elles s'établissent. L'alimentation des patients ne doit pas être négligée : il faut prendre sous forme de crudités les vitamines nécessaires, manger davantage de poissons de mer, dont les lipides ont un effet préventif sur les cancers et peut-être sur leur extension. L'appétit, souvent défaillant, peut être rétabli, éventuellement par l'administration de corticostéroïdes ou d'anabolisants. Les efforts physiques ne sont généralement pas contre-indiqués ; au contraire, le patient doit mener une vie aussi normale que possible.

   Quant à l'état psychologique, il mérite la plus grande attention de la part des médecins, qui peuvent prescrire des médicaments contre l'anxiété, à condition d'en respecter les contre-indications. L'aide psychologique est aujourd'hui reconnue, la réinsertion sociale et professionnelle est prise en compte. Les douleurs, s'il en existe, peuvent toujours être calmées. Les médecins, parfois, les sous-estiment ; au patient de les faire prendre en compte et traiter. Enfin, le sujet porteur d'un cancer doit pouvoir recourir, chaque fois qu'il le désire, à un deuxième avis sur les traitements proposés ou en cours. Les médecins se doivent d'accéder à cette demande dans un esprit de coopération légitime.  

cancer (dépistage précoce du)

Recherche et mise en évidence d'un cancer par un examen systématique (test) avant l'apparition des premiers signes fonctionnels ou cliniques.

   Le dépistage des cancers concerne des sujets qui ne présentent aucun symptôme. Il a pour but de traiter des cancers à un stade peu avancé, visant une augmentation du taux de guérison et un abaissement du taux de mortalité, et à déceler et traiter des lésions précancéreuses.

DIFFÉRENTS TYPES DE DÉPISTAGE

— Le dépistage individuel est demandé par le médecin généraliste ou spécialiste ou, plus rarement, est sollicité par le sujet lui-même en fonction de ses facteurs de risque propres : cancers familiaux rares où une prédisposition au cancer est génétiquement transmise de façon dominante (polypose colique familiale) ; prédisposition génétique par perte d'activité d'un gène suppresseur de cancer (tel l'oncogène Rb1 pour le rétinoblastome) ; anomalies cytogénétiques ou constitutionnelles prédisposant à des cancers particuliers (syndrome de Fanconi, nævomatose basocellulaire).

— Le dépistage de masse s'adresse à une population définie de plusieurs milliers d'individus (population exposée à des facteurs de risque particuliers). Ce dépistage nécessite un programme préétabli, un budget et des moyens de réalisation relevant de la Santé publique.

MOYENS DE DÉPISTAGE

Ils sont cliniques (autoexamen ou examen médical), radiologiques (mammographie), endoscopiques (coloscopie), anatomopathologiques (frottis cervicovaginal), biologiques (dosage du PSA pour le cancer de la prostate).

— Le cancer du col utérin est dépisté grâce au frottis cervicovaginal, examen simple, indolore, réalisé par tout médecin à partir des premiers rapports sexuels. Après 2 examens situés à 1 an d'intervalle, un examen tous les 3 ans suffit, en l'absence d'anomalies, jusqu'à l'âge de 65 ans.

— Le cancer du sein est dépisté par une mammographie effectuée tous les 2 ans à partir de l'âge de 50 ans, et plus précocement en cas de risque familial. On estime à 30 % la réduction de la mortalité due au cancer du sein grâce à la pratique de ce dépistage après 50 ans (généralisé en France).

— Le cancer colorectal est dépisté par la recherche de sang dans les selles (Hemoccult®). Celle-ci est complétée en cas de positivité par un examen endoscopique pour affirmer ou non la présence d'un cancer ou de lésions précancéreuses (polypes).

— Le cancer bronchopulmonaire n'a pas bénéficié, en raison de sa rapidité évolutive, d'un dépistage radiologique systématique. Les clichés thoraciques restent utiles chez les sujets à risque (fumeurs), mais la prévention primaire, l'arrêt du tabagisme, est fondamentale.

cancer (prévention du)

Ensemble des mesures qui visent à lutter contre l'exposition aux facteurs de risque de carcinogenèse (prévention primaire) et à traiter les états précancéreux (prévention secondaire).

   Éradiquer ou diminuer les facteurs de risque de cancer et ainsi réduire la fréquence des maladies sont les objectifs de la prévention. Les facteurs de risque sont définis à partir d'enquêtes épidémiologiques rétrospectives et prospectives. Les maladies héréditaires prédisposant à un cancer et les tumeurs dont le risque est transmis héréditairement ne sont à l'origine que de peu de cancers. En revanche, 90 % des cancers sont liés à des facteurs extérieurs ou environnementaux. Les cancers consécutifs à la pollution ou à une exposition professionnelle sont estimés à 10 %. Le mode de vie, le comportement individuel sont en cause dans plus de 80 % des cancers.

PRÉVENTION PRIMAIRE INDIVIDUELLE

Elle repose sur la modification des modes de vie et du comportement, facteurs de risque les plus fréquents.

— Le tabac est responsable de 30 % de la totalité des décès par cancer. Plus de 90 % des cancers bronchopulmonaires, première cause de mortalité par cancer dans le monde, et des voies aérodigestives (cancers oro-pharyngo-laryngés et œsophagiens) lui sont directement imputables.

— L'alcoolisme, non directement carcinogène, mais très souvent associé au tabagisme, a un rôle de cofacteur multiplicatif de risque pour les cancers des voies aérodigestives supérieures : 9/10 de ceux-ci s'observent chez des individus consommateurs d'alcool et de tabac.

— L'alimentation, lorsqu'elle est riche en graisses saturées et en protéines, et pauvre en fibres, multiplie le risque des cancers digestifs (estomac, côlon et rectum), mais aussi celui des cancers hormonodépendants (sein, endomètre, prostate). Une consommation excessive d'aliments fumés majore le risque de cancer de l'estomac.

— Les autres facteurs de risque, comme les expositions prolongées au soleil ou les infections à papillomavirus (maladies virales sexuellement transmissibles), favorisent respectivement l'apparition de cancers cutanés, notamment des mélanomes malins, et de cancers anogénitaux.

   Les virus des hépatites B et C exposent au risque du cancer du foie. L'infection par le virus d'immunodéficience humaine (V.I.H.) favorise l'apparition de cancers, en particulier certaines formes de sarcomes cutanés, cancer du col utérin et cancers du système lymphatique.

PRÉVENTION PRIMAIRE COLLECTIVE

Elle repose sur la mise en place de mesures réglementaires administratives visant à réduire la pollution atmosphérique, la fréquence des cancers professionnels par une meilleure protection des travailleurs exposés à l'amiante, aux radiations ionisantes, aux colorants aromatiques, aux poussières des bois exotiques, etc. Ces facteurs de risque professionnels sont en cause dans 2 à 5 % des cancers. L'utilisation de l'amiante est interdite en France depuis janvier 1997.

   Des campagnes d'information, d'éducation auprès des jeunes sont menées, rappelant les principales règles d'hygiène : ne pas fumer ; modérer la consommation de boissons alcoolisées ; éviter les expositions prolongées au soleil ; respecter les consignes de sécurité dans la production et la manipulation de produits à risque ; consommer des aliments frais et riches en fibres ; éviter les aliments riches en matières grasses.

   La lutte contre le tabagisme et l'alcoolisme reste prioritaire. Elle justifie la prise de mesures à visée collective, mais la prévention primaire dans ce domaine dépend en dernier lieu d'une décision individuelle.