Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
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Renard (Jean-Claude)

Poète français (Toulon 1922-Paris 2002).

Chrétien, il cherche dans le monde le signe du divin, et dans le réel le surgissement de la vérité. Si la chair l'intéresse, c'est quand elle « sent encore l'odeur de la Genèse. » Dieu est sensible partout : « Il n'est qu'un Nom dans la rivière, pâte de manne et de poisson : qui boit ici reçoit voyance et mange ici devient vivant » (Cantiques pour des pays perdus, 1947 ; Métamorphose du monde, 1951 ; Fable, 1952 ; Père, voici que l'homme, 1955 ; Incantation des eaux, 1961 ; la Terre du sacre, 1966 ; le Dieu de nuit, 1973 ; la Lumière du silence, 1979). Cette ouverture au monde, et à la nature s'élargit à partir de la Braise et la Rivière (1969) en une « mystique du consentement » (Douze Dits, 1980 ; Par vide nuit avide, 1985 ; Sous de grands vents obscurs, 1990 ; Qui ou quoi ?, 1997 ; À l'orée du mystère, 2001). Ses essais mêlent sa réflexion sur sa foi et son expérience du langage (Notes sur la poésie, 1970 ; Notes sur la foi, 1973).

Renard (Jules)

Écrivain français (Châlons-sur-Mayenne 1864 – Paris 1910).

Son enfance est malheureuse, et ses parents le sont aussi (ils se suicideront l'un et l'autre : le père en 1897, la mère en 1909). Son regard sur le monde et sur la nature se fixe pour toujours : ce sera un regard de muet, partagé entre l'amour de la littérature et celui du silence, la surprise et la jalousie, le bucolisme et la furie, « la chair de l'être et l'os du cadavre » (G. Perros). Dans toute son œuvre, il scrute le même point, comme lorsque sa famille, « pour savoir qui se taira le mieux, faisait, sans bruit, sa quoditienne partie de silence » (les Cloportes, 1888). Il publie Crime de village (1888) et Sourires pincés (1890), titre révélateur. Il poursuit avec l'Écornifleur (1891), où la bêtise du couple, qui va jusqu'à la nausée, fait presque du pique-assiette un justicier. Après Coquecigrues (1893), la Lanterne sourde (1893), le Vigneron dans sa vigne (1894), il publie Poil de carotte (1894), histoire d'une vie caricaturale, celle d'un enfant s'agitant maladroitement entre deux parents tristes. Étouffement, amertume et solitude son écrits en haine des familles. Renard en tira (1900) une pièce en un acte, un des rares chefs-d'œuvre du théâtre naturaliste. Ses récits déroulent une succession de scènes brèves, méticuleuses, aux phrases dressées comme autant de mèches rebelles et vengeresses. Viennent ensuite la Maîtresse (1896), Bucoliques (1898), les Philippe (1907)... Au théâtre, il donne le Plaisir de rompre (1897), le Pain de ménage (1899), Monsieur Vernet (1903), Huit Jours à la campagne (1906) et la Bigote (1909) : « la tragédie du minuscule ». De même que dans ses romans, il y enserre tout dans ces phrases courtes et drues, qui isolent, étouffent et presque momifient. La façon dont il décrit et définit les animaux dans ses Histoires naturelles (1894) montre bien l'espèce de cruauté avec laquelle ce « chasseur d'images » enchâsse le réel dans sa phrase. Son écriture, ou plutôt son rêve d'écriture (« écrire comme Rodin sculpte »), se fait curieusement idéogrammatique : « Je n'ai plus besoin de décrire un arbre, il me suffit d'écrire son nom. » Quant au sentiment qu'il prête au pigeon, on peut le lui retourner : « Et c'est insupportable à la longue, cette manie héréditaire d'avoir toujours dans la gorge quelque chose qui ne passe pas. » Son Journal, qui couvre la période 1887-1910, a paru en 1927. C'est un remarquable document, à la fois sur l'actualité littéraire et politique et sur l'auteur lui-même : on y découvre à la fois un homme de lettres bien parisien, cofondateur du Mercure de France, ami de Daudet, Barrès, Huysmans, Tristan Bernard, Verlaine, Claudel, un écrivain engagé qui sera dreyfusard, maire de Chitry et qui publiera la Vieille dans le premier numéro de l'Humanité, un être tout en blocages et en rejets, notamment de la musique il dira de Pelléas : « le bruit du vent. J'aime mieux le vent », et refusera de rencontrer Ravel qui veut mettre en musique les Histoires naturelles). On y lit aussi cet aveu flaubertien, juste retour pour celui qui voulait « faire saigner les choses » (Sartre) : « Mon style m'étrangle. » Renard était atteint de répulsion généralisée (« J'ai le dégoût très sûr »), ce qui lui permit de saisir « l'universelle loi d'éparpillement » du monde moderne, l'inadaptation de la littérature bien lissée à dire le fragmentaire et le discontinu. Travaillant dans le détail, le gris, le nauséeux, le « vespasien » (« nettoyer les écuries d'Augias avec un cure-dents »), Renard trouva sa méthode dans la dissociation des idées qui « décompose et découvre des affinités latentes ». Si Renard « s'est manqué » comme le pensait Sartre, c'était son but. Et le Journal n'est qu'« un avortement heureux des mauvaises choses » qu'il aurait pu écrire.

Renard (Maurice)

Écrivain français (Châlons-sur-Marne 1875 – Rochefort 1939).

Si ses premiers contes sont marqués par Poe (Fantômes et fantoches, 1905), il s'orienta vite vers le «  merveilleux fantastique » avec le Docteur Lerne, sous-dieu (1908) qui, sur le thème du savant fou, évoque à la fois Frankenstein (Mary Shelley) et l'Île du Dr Moreau (H. G. Wells, à qui le roman est d'ailleurs dédié). Après les nouvelles du Voyage immobile (1909), le Péril bleu (1912) s'interroge sur l'existence d'une civilisation étrangère et cachée sur terre. D'autres récits reprennent ce thème, ainsi le Singe (1924), l'Invitation à la peur (1926), Un homme chez les microbes (1928), le Maître de la lumière (1933). Son roman le plus célèbre, les Mains d'Orlac (1920), est l'histoire d'un pianiste à qui l'on a greffé les mains d'un criminel et qui se croit guidé par elles. Maurice Renard fut l'un des premiers promoteurs de la science-fiction en France par son œuvre ainsi que par des articles théoriques.

Renard (Michel)

Poète belge de langue wallonne (Braine-l'Alleud 1829 – Bruxelles 1904).

L'abbé Renard illustra le dialecte du « roman pays de Brabant » par deux poèmes épiques. Le premier, lès Aventures de Djan d'Nivèles, èl fi di s'père (1857), prête une existence légendaire au jaquemart populaire nivellois ; c'est une œuvre qui unit le burlesque à l'héroï-comique en utilisant certains procédés de l'épopée classique. Passant des 8 chants primitifs à 12, une deuxième et une troisième version (1878 et 1890) étoffent le récit pour l'intégrer à l'histoire. D'un sujet fort différent, mais toujours avec le même sourire complice, les 8 chants de l'Argayon èl djeyant d'Nivèles (1893) apparaissent surtout comme la mise en œuvre du folklore de la région.