Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
M

Malerba (Luigi)

Écrivain italien (Berceto, Parme, 1927 – Rome 2008).

Ancien membre du Groupe 63, il mêle dans ses romans un humour et un fantastique amers, en opposition au néoréalisme (la Découverte de l'alphabet, 1963 ; le Serpent cannibale, 1967 ; Saut de la mort, 1970 ; le Feu grégeois, 1990 ; les Pierres volantes, 1991 ; les Masques, 1995 ; Ithaque pour toujours, 1997). On lui doit également des livres pour enfants (Millemouches 1969, écrit avec T. Guerra et Pinocchio botté, 1977).

Malet (Léon, dit Léo)

Écrivain français (Montpellier 1909 – 1996).

Chansonnier dès 1925 à Paris au cabaret la Vache enragée (ce début sera programmatique : il fera tous les métiers, de la plomberie à l'emballage chez Hachette en passant par la boutique de mode), il fut d'abord un journaliste anarchiste et un poète surréaliste d'une rare violence (J'arbre comme cadavre, 1937 ; Hurle à la vie, 1940 ; Poèmes surréalistes, 1975-1983). Il inventa le décollage (la poésie dans la rue par arrachage fragmentaire des affiches) et participa pendant la guerre aux activités du groupe de la Main à plume. Après avoir parodié la littérature policière anglo-saxonne sous divers pseudonymes (ainsi Frank Harding, pour Johnny Métal en 1941), il créa (120, rue de la Gare, 1943) un personnage de détective nonconformiste, Nestor Burma, qu'il promena, dans le cadre des Nouveaux Mystères de Paris, à travers 15 des 20 arrondissements de la capitale : un roman noir teinté de gouaille populaire, qui est aussi, à sa manière, une illustration du hasard objectif (l'Ours et la Culotte, 1955 ; Pas de bavards à la Muette, 1956 ; les Eaux troubles de Javel, 1957 ; Micmac moche au Boul'Mich, 1958). Quatre de ses romans furent adaptés au cinéma, et de nombreux autres à la télévision (1991-1998). Tardi rendit fort bien l'atmosphère des Burma dans trois bandes dessinées.

Malfilâtre (Jacques Charles Louis Clinchamp de)

Écrivain français (Caen 1733 – Paris 1767).

Né d'une famille noble appauvrie, il fit ses études chez les jésuites et remporta des prix aux Palinods de Normandie. Marmontel inséra dans le Mercure son ode le Soleil fixe au milieu des planètes : il vint tenter sa chance à Paris et entreprit des traductions de Virgile. Narcisse ou l'île de Vénus, œuvre ambitieuse à sujet mythologique, ne parut qu'en 1769 et connut un certain succès.

Malherbe (François de)

Poète français (Caen 1555 – Paris 1628).

« Enfin Malherbe vint » : chacun connaît cet avènement loué par Boileau dans son Art poétique à la fin du XVIIe siècle. Cette « arrivée » dans le siècle signalerait, pour Boileau, la naissance de ce que l'on a appelé, bien après, le classicisme.

   Écrivant d'abord sans grand succès des vers (les Larmes de Saint-Pierre, 1587), Malherbe est distingué par le cardinal du Perron, il devient poète de cour en 1605 et le restera jusqu'à sa mort. Il fréquente les salons de Mme de Rambouillet et de Mme des Loges, respectueux des pouvoirs et des croyances établis mais vivant en libertin indifférent au contenu du Credo, il se posa en chef d'école, rassemblant des disciples qu'il formait et corrigeait journellement. Sa poétique marque une profonde rupture avec la tradition de la Pléiade ; son commentaire de Desportes, disciple de Ronsard, en est une condamnation totale. Malherbe lance de perpétuels appels à la rigueur prosodique : le vocabulaire doit être pur de tout néologisme, de tout archaïsme, de toute ambiguïté – sa référence fameuse au langage des « crocheteurs du Port au Foin » signifie le choix de la langue de l'usage de la Cour et de la Ville ; la langue doit être claire et suivre fidèlement l'ordre de la génération des idées ; la versification doit obéir à des règles rigoureuses (il exclut l'hiatus, discipline la rime, fixe la césure). Malherbe atteint souvent (À la Reine mère du Roi, Consolation à Dupérier) à un mouvement ample, à une harmonie un peu oratoire mais efficace. Son œuvre est rare, mais nombre de ses vers sont plus fougueux que sa doctrine ne le laisse croire et montrent qu'il est habité d'un souffle lyrique incontestable. Cependant, imposant la vertu du travail, la rigueur de l'expression, la volonté d'une « juste cadence » – ce pour quoi le louera Ponge (Pour un Malherbe) – et la reconnaissance d'un seul et intangible modèle linguistique, il a, dans une France qui se centralise et où triomphe la Contre-Réforme, contribué à liquider l'idéal d'éloquence civique et prophétique de la Renaissance. Face au roi (ou au cardinal) qui gouverne et à l'Église qui dirige les esprits, le poète n'est « pas plus utile à l'État qu'un bon joueur de quilles », faisant du classicisme un jeu de société débarrassé de tout risque et de toute contagion du politique.

Mali

Le Mali est certainement l'un des pays d'Afrique qui peuvent se prévaloir du passé culturel le plus riche et le plus prestigieux. Nommé par les premiers voyageurs arabes « Bilad as Sudan » (« le Pays des Noirs »), il formait au Moyen Âge un immense empire qui s'étendait de l'océan Atlantique à l'Adrar, et auquel l'imagination populaire prêtait les couleurs d'un Eldorado mystérieux et redoutable. Les chroniqueurs arabes racontaient que les cours du Ghana et du Mali ruisselaient de richesses. Le sel, alors aussi précieux que l'or, s'y trouvait en abondance et, tout comme l'or, il ne tarda pas à susciter la convoitise des pays voisins.

   Tout ce passé reste encore très vivace au cœur des Maliens, fidèles à des structures sociales et à des traditions ancestrales dont l'ensemble complexe compose une personnalité nationale très attachante. Dans bon nombre de villages, les griots (conteurs traditionnels) se transmettent encore de père en fils la geste de Soundjata ou de Kankan Moussa. Dans la caste des griots se recrutaient les conseillers du roi, les préposés à la conservation des généalogies et des constitutions, et les précepteurs des jeunes princes. Malgré tous les changements, le prestige des griots reste très grand au Mali. Ne sont-ils pas les « sacs à paroles, les sacs qui renferment des secrets plusieurs fois séculaires » ? Massa Makan Diabaté, qui est à la fois griot et écrivain, transcrivit quelques-uns des épisodes les plus fabuleux de l'épopée de son pays, mais se révèla aussi un observateur sagace de la réalité contemporaine dans les trois chroniques qui constituent le cycle de Kouta et dans Comme une piqûre de guêpe (1980). Beaucoup d'écrivains maliens se font les passeurs de textes oraux, contes et épopées. Toute l'œuvre d'Amadou Hampaté Bâ se situe à la charnière de l'oralité et de l'écriture, restituant l'enseignement de son maître, Tierno Bokar, « le sage de Bandiagara », transcrivant les grands textes de la littérature peule (l'Éclat de la grande étoile, 1974), ou racontant l'Étrange Destin de Wangrin (1973) dans un truculent récit qui évoque les fourberies d'un interprète à l'époque coloniale. Issa Baba Traoré publie Koumi-Diossé (1962), qui retrace un épisode de la résistance à la pénétration coloniale, et Contes et récits du terroir (1970). Le théâtre historique représente les anciens héros : la Mort de Chaka (1961), de Seydou Badian, le Grand Destin de Sounjata (1973), de Sory Konaté. Le théâtre satirique, plus populaire, inspiré du « koteba » traditionnel, connaît aussi un grand succès.

   En tant que romancier, Seydou Badian, avec Sous l'orage (1957), le Sang des masques (1976) et Noces sacrées (1977), se montre un défenseur éclairé de la tradition, opposant fréquemment les deux univers de la ville et du village. Il est aussi essayiste (les Dirigeants africains face à leur peuple, 1964). L'autobiographie d'Aoua Keita (Femme d'Afrique, 1975), l'un des premiers textes écrit par une femme africaine, remporte le grand prix littéraire de l'Afrique noire en 1976. Yambo Ouloguem, avec le Devoir de violence (prix Renaudot, 1968), s'inscrit à contre-courant des thèses de la négritude qui idéalisaient l'image de l'Afrique traditionnelle. Saïdou Bokoum (Chaîne, 1974), Mande Alpha Diarra (Sahel, sanglante sécherese, 1981) et Ibrahima Ly, dans Toiles d'araignées (1982) et Les noctuelles vivent de larmes (1988), offrent eux aussi une vision très sombre du monde sahélien.