taziyé (de l'arabe ta'ziya, « condoléances »)
Sorte de théâtre religieux chi'ite, « mystère » commémorant la mort de l'imam Husayn, fils d''Ali et petit-fils de Mahomet, assassiné par les Omeyyades à Karbala, en 680. Ces représentations sacrées, officialisées sous les Safavides (1501-1736), reproduisent la passion de Huseyn, évoquent ses miracles posthumes et invitent au repentir. C'est sous les Qadjars (1786-1925) qu'elles furent les plus fastueuses, mais elles connaissent un regain d'intérêt populaire depuis la Révolution islamique.
Tchaadaïev (Piotr Iakovlevitch)
Écrivain russe (Moscou 1794 – id. 1856).
De famille noble, il fit ses études à l'université de Moscou et servit dans les hussards de la garde. À l'occasion des guerres napoléoniennes, puis d'un voyage en Occident, il s'imprègne des idéaux européens. Il expose ses vues dans les Lettres philosophiques, dont la première parut dans le Télescope en 1836 et fut aussitôt interdite : il condamne le servage, présente la Russie comme dépourvue de culture et de mémoire, et l'exhorte à s'engager sur la voie du progrès et de l'universel. Tchaadaïev fut déclaré fou (Apologie d'un fou, 1837), mais sa pensée eut une influence profonde sur la culture russe, notamment à travers le débat entre occidentalistes et slavophiles.
Tcharentz (Iehicé Sogomonian, dit Ieghicé)
Poète arménien (Kars 1897 – Erevan 1937).
Il participa à la révolution russe de 1917 dans les rangs de l'Armée rouge. Il fut très influencé par le symbolisme de Térian puis par Maïakovski. Sa poésie témoigne de sa fascination pour la révolution (les Foules en délire, 1919 ; Lénine et Ali, 1925), avant de devenir plus nationale au fil des années (le Livre du chemin, 1933). Ami de Pasternak, il fut accusé de nationalisme et disparut en 1937. Les inédits publiés depuis 1983 révèlent une facette nouvelle de son génie qui, déçu du communisme, ne trouve le salut que dans la foi.
Tch'avtch'avadze (Aleksandre Garsevanis dze)
Poète géorgien (Saint-Pétersbourg 1786 – Tiflis 1846).
Fils de l'ambassadeur du roi Erek'le II en Russie, élevé à Saint-Pétersbourg, exilé pour avoir participé à la conspiration nationaliste de 1804, puis amnistié, il fait carrière dans l'armée russe et entre en 1814 dans Paris avec les Alliés coalisés contre Napoléon. Officier d'état-major au Caucase, il participe, notamment, en 1812 à la répression de l'insurrection paysanne de K'axétie et en 1843 à l'invasion du Daghestan. Lisant depuis l'enfance le russe, le français, l'allemand, le persan et le turc, il traduit en géorgien, entre autres, Pouchkine, Lermontov et Hugo. Dans les années 1830, son salon de Tiflis, capitale intellectuelle et artistique de la Transcaucasie russe, reçoit de nombreux visiteurs étrangers et réunit en des soirées sans fin toute une jeunesse ivre de poésie et de musique, sous le charme des jolies princesses Ek'at'erine, que Baratachvili aima sans espoir, et Nino, qu'épousa Griboiedov, l'écrivain russe, ministre plénipotentiaire en Perse, où il périt assassiné en 1829, héros du roman de Iuri Tynianov, la Mort du Vazir-Moukhtar, qui dépeint d'une manière incomparable l'atmosphère envoûtante de cette ville aux cinquante langues, à la fois si orientale et si européenne. Sa poésie chante encore, dans la tradition persane, le vin et l'amour, Quand tu m'aimais (1842) mais pleure aussi, sur un mode déjà romantique, la liberté perdue et la fuite du temps, Hélas, les temps, les temps, le Lac de Gogtcha (1841).
Tch'avtch'avadze (Ilia Grigolis dze)
Écrivain géorgien (Q'vareli 1837 – Ts'its'amuri 1907).
D'origine princière, il découvre lors de ses études à Saint-Pétersbourg les démocrates russes. De retour en Géorgie, il achève ses Lettres d'un voyageur (1861-1871). Participant à la mise en place de la réforme agraire, il est ému par les conditions de vie des paysans (la Mère de la Géorgie. Scène de la vie future, 1860 ; Scènes des premiers temps de l'affranchissement des paysans, 1865 ; Est-ce là un homme, un être humain ? !, 1863-1869 ; Récit d'un mendiant, 1872). En 1877, il fonde le périodique iveria l'Ibérie qui sera pendant trente ans l'âme de la lutte pour la libération de la Géorgie du joug tsariste et écrit encore quelques œuvres majeures, poétiques (le Lac de Bazaleti, 1883 ; Dimit'ri le Dévoué, 1878 ; l'Ermite, 1882-1883), ainsi que des nouvelles (Au gibet, 1879 ; la Veuve Otaraani, 1887). En 1905, il se prononce pour l'autonomie immédiate de la Géorgie. Élu en 1906 représentant de la noblesse à la Douma, venu en fait y parler au nom du peuple géorgien tout entier, il est assassiné en 1907 sur la route de sa maison de Saguramo. L'église géorgienne l'a canonisé en 1987. À une époque de russification intense, il a été l'initiateur du mouvement des tergdaleulebi, affirmant la nécessité de simplifier la langue littéraire afin de la rapprocher de celle du peuple et luttant sans relâche pour l'enseignement du géorgien à l'école.
Tchaxruxadze
Poète géorgien (XIIe-XIIIe siècles).
Connu pour ses odes (tamariani), véritable panégyrique de la reine Tamar, de son second époux, Davit Soslan, « roi au parler limpide », et de son fils, Lacha Giorgi, avec lequel elle co-régna à la fin de sa vie.
Tchekhov (Anton Pavlovitch)
Écrivain russe (Taganrog 1860 – Badenweiller, Allemagne, 1904).
« Le chantre de la désespérance », disait Chestov à propos de Tchekhov, cet écrivain qui à la fin du XIXe siècle a transformé l'art de la nouvelle et bouleversé toutes les conceptions théâtrales alors en vigueur. Tchekhov est marqué par une enfance malheureuse (un père violent et fanatiquement religieux) et par la tuberculose, dont il souffre dès 1883. Lorsque l'épicerie familiale est déclarée en faillite, il a 16 ans : ses parents, pour échapper aux créditeurs, partent pour Moscou, le laissant seul dans la petite ville de Taganrog, où il termine sa scolarité. En 1879, il rejoint sa famille, qu'il cherche à aider matériellement en envoyant des contes à des journaux humoristiques de dernier ordre. En même temps, il a entrepris des études de médecine, qu'il achève en 1884. Sa santé médiocre l'empêche d'exercer, mais il publie la même année son premier recueil de nouvelles, les Contes de Melpomène, qui seront suivis par les Récits bariolés (1886), Dans le crépuscule (1887), Discours innocents (1887), Récits (1888) et Des gens sombres (1890). En 1886, sur les encouragements du critique Grigorovitch (« Vous êtes, j'en suis sûr, appelé à écrire quelques œuvres admirables, réellement artistiques. Vous vous rendriez coupable d'un grand péché moral si vous ne répondiez pas à ces espérances. »), il abandonne sa production « alimentaire » pour se lancer dans la littérature « sérieuse ». En 1888, la Steppe et Ivanov établissent sa renommée d'écrivain ; ses nouvelles sont publiées dans les grandes revues, et il se consacre dorénavant à l'écriture. Son voyage à Sakhaline, où il étudie la population indigène comme les bagnards, lui permet d'approfondir sa connaissance de l'être humain (l'Île de Sakhaline, 1893). Il fait ensuite son premier voyage à l'étranger pour soigner son mal au bord de la Méditerranée, puis il achète en 1891, non loin de Moscou, la propriété de Melikhovo. Le choléra et la famine qui sévissent lui font reprendre du service comme médecin, il se dépense sans compter, fait construire des routes et ouvrir des écoles pour un monde rural accablé de misère et d'ignorance, qu'il décrira dans les Moujiks (1897). L'échec de sa pièce la Mouette, présentée à Saint-Pétersbourg en 1896, et le déchaînement haineux de la presse l'atteignent profondément. Pourtant, deux ans plus tard, montée par le Théâtre d'Art de Moscou, la Mouette connaît un triomphe, au point que la silhouette stylisée de l'oiseau deviendra l'emblème du théâtre. Tchekhov rencontre en 1898 Olga Knipper, une actrice de la troupe, qu'il épousera en 1901. En 1899, il s'installe à Yalta, où le climat lui est favorable. Ses amis viennent lui rendre visite, Bounine, Chaliapine, Korolenko, Kouprine, Stanislavski, puis Gorki. Il y écrit ses dernières grandes pièces ; la Cerisaie reçoit un accueil enthousiaste (1904), mais l'année de son triomphe est celle de sa disparition : il meurt dans une ville d'eau allemande, aux côtés d'Olga.