Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
S

Světlá (Karolína)

Femme de lettres tchèque (Prague 1830 – id. 1899).

Narratrice plus moraliste que réaliste, elle s'inspire de la vie pragoise mais surtout du milieu campagnard de la Bohême du Nord dans ses récits (Esquisses du pays de Jested, 1880) et dans ses romans (la Première Tchèque, 1860 ; Un roman au village, 1867 ; la Croix près du ruisseau, 1868 ; le Mécréant, 1873 ; Frantina, 1878).

Svevo (Ettore Schmitz, dit Italo)

Écrivain italien (Trieste 1861 – Motta di Livenza, Trévise, 1928).

Juif de père allemand et de mère triestine, il revendique dans son pseudonyme cette double appartenance culturelle. Tout en collaborant à différents journaux, il écrit son premier roman Une vie (1892), où il retrace la vie et le drame d'un jeune homme de la campagne incapable de s'adapter à la vie moderne de Trieste, qui le porteront au suicide. Dans son deuxième roman, Sénilité (1898), il met en scène le personnage falot d'un petit employé provincial rêvant de gloire littéraire, Emilio Brentani, que sa très jeune maîtresse, Angiolina, trompe avec le sculpteur Stefano Balli.

   Devant le total insuccès de ses deux premiers romans dont l'esthétique naturaliste allait à contre-courant du symbolisme alors en vogue, Svevo feignit de s'absorber entièrement dans l'étude du violon et l'administration de l'entreprise de son beau-père, riche industriel. Il ne cessa, en fait, jamais d'écrire en secret des pièces de théâtre, des nouvelles et un journal. Encouragé par James Joyce, il publia en 1923 la Conscience de Zeno, long roman d'introspection autobiographique, profondément influencé par Freud. Le récit se présente comme une autoanalyse visant à contester le bien-fondé et l'efficacité de la psychanalyse. Hors de toute intrigue véritable, Svevo y invente un humour d'un ton très particulier, partagé entre l'auto-ironie et la dérision du discours freudien. Alors que du côté italien, le premier article critique important est dû à Eugenio Montale (1926), Zeno fut traduit en français dès 1928. Avant de mourir, en 1928, dans un accident de voiture, Svevo avait projeté un nouveau roman, les Mémoires du vieillard, qui aurait dû être la suite de Zeno. Ses nouvelles, ses essais et son théâtre ont été rassemblés après sa mort : le Bon Vieux et la Belle Enfant (1929), Court Voyage sentimental et autre récits inédits (1949), Essais et pages éparses (1954) – dont sont tirés, en partie, les Écrits intimes. Essais et lettres (1973) –, Comédies (1960) – dont est extraite la Comédie sans titre ou régénération –, le Destin des souvenirs (1985), ainsi que son journal de 1896 (l'année de ses fiançailles), Journal pour la fiancée (1962), et sa correspondance (Épistolaire, 1967), où se distinguent, par leur nombre et leur intérêt, les lettres à sa femme, Livia Veneziani. Le plurilinguisme de Svevo (le dialecte triestin, l'italien, l'allemand, qui fut la langue de ses études, le français, celle de ses lectures, et l'anglais, celle de son activité commerciale) ne le prédisposait guère à l'académisme du bel-écrire qui tenait alors, en Italie, trop souvent lieu d'esthétique. Les détracteurs de Svevo ne se privèrent pas de reprocher à ses admirateurs étrangers de connaître aussi mal l'italien que Svevo lui-même. Celui-ci avait d'ailleurs conscience de cette lacune, qu'il regretta longtemps de ne pouvoir combler par un séjour en Toscane, avant que la lecture de Freud, dont il traduisit en 1918 la Science des rêves, lui révélât tout le parti qu'il pouvait en tirer.

Svoboda (František Xaver)

Écrivain tchèque (Mníšek 1860 – Prague 1943).

Après des poèmes impressionnistes (Poèmes, 1883, 1885 ; Dans notre climat, 1890 ; Fleurs de mes prés, 1896), il écrit en psychologue et réaliste des nouvelles (l'Éveil, 1893 ; Des forêts de Brdy, 1912) et des romans (l'Épanouissement, 1898 ; le Fleuve, 1909). Il fut l'un des premiers à introduire le réalisme sur la scène tchèque : Márinka Válková (1889), les Courants de la vie (1892), la Dissolution (1893), le Chêne déraciné (1900).

Svobodová (Růžena)

Femme de lettres tchèque (Mikulov 1868 – Prague 1920).

Luttant contre le réalisme et le naturalisme, elle consacra son œuvre romanesque à l'émancipation de la femme (Sur les sables, 1895 ; le Naufrage, 1896 ; les Fils enchevêtrés, 1898 ; les Amantes, 1902 ; le Jardin d'Irène, 1921). Elle écrivit aussi des récits et des petits romans (les Forestiers noirs, 1908).

Swedenborg (Emmanuel Swedberg, dit Emmanuel)

Écrivain suédois (Stockholm 1688 – Londres 1772).

Après des études à Uppsala, puis en Angleterre, cet ingénieur-né invente divers appareils (dont une machine volante dotée d'ailes fixes et propulsée par une hélice), assimile une dizaine de langues (dont l'hébreu et l'araméen), fonde diverses revues qui lui vaudront, sous Charles XII, un poste d'assesseur extraordinaire au Collège royal des mines de Stockholm. Ennobli par la reine Ulrika Eleonora, il prend le nom de Swedenborg. Sa curiosité intellectuelle ne connaît pas de bornes et la liste de ses ouvrages scientifiques est impressionnante. Parmi ceux-ci, Principia rerum naturalium (1734) et surtout Œconomia Regni animalis (1740-41) développent les théories mécanistes et matérialistes de « l'âge des Lumières », dans une perspective teintée pourtant de spiritualité. D'ailleurs, en 1741, il se fait théosophe, parce que la science lui a donné le goût de l'infini. Il a, en 1743, une sorte de révélation, qu'il a consignée dans le Livre des rêves : il lui appartiendra de publier les résultats des communications qu'il obtient « avec les esprits et les anges ». Ce sera donc le célèbre De cultu et amore Dei (1745), puis les Arcana coelestia (1749-1756). Le but est d'écrire, en quelque sorte, une histoire naturelle du monde surnaturel, l'un coïncidant littéralement avec l'autre, tout être créé ayant son double dans le ciel, leçons que Balzac (Séraphita), Nerval et Baudelaire notamment n'oublieront pas.

   Devenu célèbre dans toute l'Europe, il ne cesse plus de noter, d'organiser ses visions. De amore conjugiali (1768), traduit et lu partout, lui vaut l'hostilité de l'Église officielle de Suède, qui le déclare hérétique en 1769. Cela n'altère pas sa sérénité. Il mourra le jour même qu'il avait prédit, le 29 mars 1773, à Londres, laissant, en particulier, un Diarium spirituale (publié en 1883), éclairant sa personnalité d'homme de science et de visionnaire. Passionné de religion chrétienne, il s'est appliqué, avec tout son savoir et son génie, à proposer une sorte de progression rationnelle qui permette d'accéder au pur esprit.