Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
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Quillet (Claude)

Poète français (Chinon 1602 – Paris 1661).

Médecin, il séjourna à Rome (où il fut attaché à l'ambassade de France), fit partie du cercle de « libertins » qui se réunissait autour de Gassendi et d'Hubert de Montmort et, avec Silhon et Ménage notamment, apporta son soutien à Mazarin dans les polémiques de la Fronde. Secrétaire du maréchal d'Estrées, il fut nommé abbé de Doudeauville, dans le diocèse de Boulogne. Traducteur de Juvénal, il a fait passer l'esprit incisif de sa conversation dans un poème en latin sur l'éducation (Callipédie ou l'Art d'avoir de beaux enfants, 1655).

Quinault (Philippe)

Poète français (Paris 1635 – id. 1688).

Fils d'un boulanger, il devint très jeune le valet de Tristan l'Hermite et fit son éducation parmi les livres de son maître. Socialement habile, il fit une belle carrière, malgré les attaques des puristes et des moralistes. Il produisait beaucoup (comédies, tragédies – Astrate, 1664 – et tragi-comédies), mais le succès vint surtout vers 1670 (Bellérophon, 1670 ; Psyché, 1671, en collaboration avec Molière et Corneille), et c'est comme librettiste de Lulli qu'il connut enfin la gloire. Ils furent les initiateurs de l'opéra français : prologue et final propices aux fastes scéniques et à la machinerie ; découpage en récitatifs, airs et chœurs alternés (Cadmus et Hermione, 1673 ; Alceste, 1674 ; Persée, 1682 ; Phaéton, 1683). Avec Roland (1683), Amadis (1684) et Armide (1686), il abandonna les thèmes classiques de la mythologie païenne pour s'ouvrir à un merveilleux baroque et chrétien, à la demande même de Louis XIV, dont il exalta le règne dans un ballet, le Temple de la Paix (1685).

Quinet (Edgar)

Historien et philosophe français (Bourg-en-Bresse 1803 – Paris 1875).

Pour traduire la Philosophie de l'histoire de Herder (publiée en 1825), Quinet apprit l'allemand, mais publia entre-temps (1823) ses Tablettes du Juif errant, réimprimées plus tard à la suite d'Ahasvérus (1833), vaste poème allégorique en prose. Au cours d'un voyage en Allemagne (1827), Quinet rencontra de nombreux philosophes et écrivains. Après la Révolution de 1830, il publia des brochures philosophico-politiques et des études scientifiques : De l'épopée des Bohêmes, Du génie des traditions épiques de l'Allemagne du Nord. En 1831, son article De l'avenir des religions proposait une histoire générale des religions conçue philosophiquement et annonçait leur fusion progressive dans un humanitarisme libéral.

   Nommé à une chaire de littérature méridionale au Collège de France (1841), Quinet professa une histoire tumultueuse à laquelle son éloquence déclamatoire et ses sympathies protestantes fournirent des arguments hétérodoxes. Ainsi son cours fut-il suspendu (1846). Député (1848), proscrit après le 2 décembre 1851, Quinet vécut à Bruxelles, où il publia la Révolution d'Italie (1852), la Philosophie de l'histoire de France (1855) ; ayant refusé l'amnistie (1858), il se fixa à Veytaux (Suisse), où, tout en écrivant beaucoup, il s'imposa comme la « conscience vivante » de la résistance à l'Empire. Rentré à Paris en 1870, député en 1871, il résuma ses théories dans l'Esprit nouveau (1874).

Quintana (Manuel José)

Écrivain espagnol (Madrid 1772 – id. 1857).

Son hymne A Juan de Padilla (1797), ses tragédies (le Duc de Viseo, 1801 ; Pélage, 1805), ses biographies (Vies d'Espagnols célèbres, 1807-1833) témoignent de son patriotisme et de son libéralisme. Il fut l'un des premiers à s'élever contre Napoléon (À la bataille de Trafalgar, 1805 ; Poésies patriotiques, 1808). Ses Lettres à lord Holland (1823-1824) confirment son talent de prosateur et ses capacités d'analyste politique.

Quinte-Curce, en lat. Quintus Curtius Rufus

Historien latin (1re moitié du Ier s. apr. J.-C. ?).

On ne sait rien de l'auteur, mais, si l'on en croit une allusion du livre X de son œuvre, il aurait vécu pendant le règne de Claude. Ses Histoires d'Alexandre le Grand en 10 livres (dont il manque les deux premiers) présentent une vie romancée du conquérant composée d'après les historiens grecs. Le personnage d'Alexandre, généreux et héroïque, se laisse peu à peu corrompre par la gloire et les plaisirs de l'Orient, et ce qui commence comme une aventure fabuleuse s'achève en leçon morale.

Quintilien, en lat. Marcus Fabius Quintilianus

Rhéteur latin (Calagurris Nassica, auj. Calahorra, Espagne, v. 30 – v. 97 apr. J.-C.).

Fils d'un rhéteur espagnol, il exerça la profession d'avocat à Rome, puis ouvrit une école de rhétorique qui devint la plus réputée de la ville et eut, parmi ses élèves, Pline le Jeune, Tacite et les neveux de Domitien. Sa notoriété lui valut d'être le premier rhéteur à recevoir de Vespasien un traitement annuel de 100 000 sesterces, ce qui officialisait l'enseignement de la rhétorique destiné à la jeunesse romaine. Vers 95, il consigna l'essentiel de son enseignement dans l'Institution oratoire (De institutione oratoria) en douze livres, dont le manuscrit complet fut découvert au XVe s. et qui trace un programme complet de l'éducation depuis la prime enfance. En réaction contre le goût « moderne » représenté par l'école de Sénèque, Quintilien prône le retour au classicisme cicéronien, sans bien percevoir pourtant que, avec l'évolution sociale et politique, il n'y a plus de place à Rome pour l'éloquence, et que, désormais, une éducation entièrement fondée sur la rhétorique cicéronienne est un anachronisme. L'ouvrage exerça une forte influence sur Érasme et sur l'éloquence parlementaire de la Renaissance.

Quinze Joies de Mariage (les)

Parodie en prose d'une prière populaire (début XVe s.), les Quinze Joies de Notre-Dame. Les malheurs quotidiens de l'homme marié y sont exposés avec réalisme et drôlerie.

Quiroga (Horacio)

Écrivain uruguayen (Salto 1878 – Buenos Aires 1937).

On distingue trois étapes dans son œuvre littéraire, caractérisée par la violence et le drame : la première, moderniste, voit la publication des Récifs de corail (1901), recueil, en vers et en prose ; la deuxième (1904-1908) est celle des récits tels que le Crime de l'autre ; la troisième, la plus longue, comprend Contes d'amour, de folie et de mort (1918), le Désert (1924), les Exilés (1926), Amour passé (1929), en grande partie autobiographique, et Au-delà (1934), sans compter plusieurs ouvrages posthumes ou dispersés dans diverses revues. Dans cette production pathétique et souvent hallucinante, les Contes de la forêt pour les enfants (1918) occupent une place à part : la forêt, lieu de refuge de cet esprit tourmenté, est décrite avec un lyrisme raffiné et évocateur. Quiroga écrivit aussi des ouvrages de théorie littéraire où il témoigne de son admiration pour Poe, Maupassant, Kipling ou Tchekhov.