Graves (Robert Ranke-Graves, dit Robert)
Écrivain anglais (Wimbledon 1895 – Deya, Majorque, 1985).
Fils d'un pionnier de la renaissance irlandaise, auteur de célèbres chansons, blessé sur la Somme (1915), il cherche, dans la poésie, l'histoire et l'anthropologie culturelle, un autre principe de civilisation : les cultes lunaires de la Déesse blanche (1948), enfouis sous la christianisation des Celtes, en seront le symbole. Exilé à Majorque, il se passionne pour l'ésotérisme populaire contemporain du Roi Jésus (1947), pour le stoïcisme (Moi, Claude empereur, 1934) et pour les utopies perdues (les Îles sans sagesse, 1949). Dans la même veine, il publie des essais, des contes, des poèmes. Traducteur d'Apulée et d'Homère, il place un humanisme touffu et un lyrisme rigoureux au service de la quête vitale d'une hérésie à la fois ancestrale et neuve.
Gray (Alasdair)
Écrivain écossais (Glasgow 1934).
Également peintre (il dessine les illustrations et la couverture de ses romans), d'abord dramaturge pour la télévision et la radio, nouvelliste (Histoires invraisemblables, 1983), il publie son premier roman en 1981 : Lanark : une vie en quatre livres. Le narrateur fuit la réalité de Glasgow et se réfugie dans un univers parallèle où il sera condamné à vivre après sa mort. Auteur de fictions conscientes de leur propre fictionalité, Gray aime à se décrire comme un plagiaire. Malgré la vivacité de son imagination lorsqu'il crée des mondes fantastiques, le romancier paraît plus à son aise dans l'évocation des réalités écossaises. Pauvres Créatures (1992) se présentent comme les Mémoires d'un chirurgien prétendument publiés en 1909 par les presses universitaires de Glasgow (avec planche anatomiques, portraits gravés, documents insérés) : il ressuscite une jeune prostituée noyée en lui greffant le cerveau du fœtus qu'elle portait.
Gray (Thomas)
Poète anglais (Londres 1716 - Cambridge 1771).
Compagnon de Horace Walpole, en France et en Italie, il consacra le reste de sa vie à Cambridge, aux classiques, aux sciences naturelles et à l'archéologie. Auteur de vers élégants et mélancoliques (Ode sur une vue lointaine du collège d'Eton, 1747 ; Odes pindariques, 1758), il s'inscrit dans le sillage du genre funèbre mis à la mode par les Nuits de Young avec son Élégie écrite dans un cimetière de campagne (1751), évocation du néant de toutes choses qui annonce la sensibilité romantique. Il s'inspire de la poésie islandaise et celtique (la Descendance d'Odin, 1761 ; les Funestes Sœurs, 1768). Son Journal (1775) évoque son voyage dans la région des Lacs.
Grazzini (Anton Francesco) , dit il Lasca
Écrivain italien (Florence 1503 – id. 1584).
Il est l'un des meilleurs interprètes comiques dans le style bernesque. Auteur de poèmes burlesques, de farces, de comédies (le Sophisme) publiées en 1582, son recueil de nouvelles (les Cènes, v. 1540), proche de la tradition populaire toscane, se distingue par une grande vivacité de langage.
Gréban (Arnoul)
Auteur dramatique français (vers 1425 – v. 1495).
Maître de chapelle de Notre-Dame de Paris, il demeura auprès du comte de Maine, jusqu'à la mort de ce dernier, avant de se rendre en Italie. Il est l'auteur d'un Mystère de la Passion en quatre journées, de plus de 34 000 vers. L'œuvre a pour intention de montrer – c'est une démonstrance – le mystère fondamental de la religion : Dieu incarné. La trame des Évangiles sert à établir la thématique du spectacle, mais en la situant dans le décor concret de la vie de tous les jours, d'où une représentation que l'on a pu comparer aux tableaux de la peinture flamande. Le jeu implique une participation affective intense de la part du public, rassemblé autour de l'espace théâtral. La réflexion théologique de l'auteur, guidée par la pensée de Thomas d'Aquin, se manifeste notamment dans le conflit entre Justice, Vérité, Miséricorde et Paix. Arnoul collabora sans doute avec son frère Simon Gréban, entre 1460 et 1470, au Mystère des Actes des Apôtres, remanié par la suite par Jean du Périer. Ce mystère de 61 908 vers, composé pour René d'Anjou, évoque, avec pour toile de fond l'Empire romain et à travers 494 personnages, la prédication et le martyre des Apôtres, du dimanche de la Pentecôte au suicide de Néron. Il fut encore représenté à Bourges (1536) et à Paris (1538, 1540, 1541), et les critiques qui se manifestèrent à cette occasion contre le théâtre religieux furent à l'origine de l'interdiction de ce genre de spectacle.
Grèce
Panorama historique de la Grèce ancienne
La littérature grecque antique, la plus anciennement connue en Europe, est, par sa variété et sa richesse, une référence centrale, et un modèle, revendiqué ou critiqué, pour toutes les littératures occidentales.
L'histoire de la langue grecque ancienne, attestée des inscriptions mycéniennes (IIe millénaire av. J.-C.) aux premiers textes byzantins, est complexe et foisonnante. La poésie, fondée sur une métrique raffinée et une accentuation musicale, s'exprime en une multiplicité de dialectes littéraires, issus de mélanges traditionnels de dialectes régionaux : par exemple, l'épopée homérique, même dans ses imitations tardives, utilise un fonds ionien, doté de traits éoliens et d'archaïsmes, et la lyrique chorale, qu'on retrouve dans les chœurs tragiques, est d'inspiration dorienne, réputée plus sonore et énergique. La prose, dont les premiers représentants sont ioniens (Hérodote), se développe dans le dialecte d'Athènes, l'ionien-attique, qui est à l'origine de la koinê ou « langue commune » des époques hellénistique et romaine.
La variété des registres linguistiques correspond à la diversité des genres, qui ont connu des développements riches en rencontres et en tensions, induites par des contextes sociaux, religieux et politiques en mouvement constant : l'époque archaïque (jusqu'à la fin du VIe s. av. J.-C.) nous transmet une poésie orale, épique, en hexamètres dactyliques (Homère, Hésiode), ou mélique, dans d'autres systèmes prosodiques (Sappho, Pindare) ; l'époque classique, aux Ve et IVe s. av. J.-C., se centre sur la démocratie athénienne, où triomphe l'institution théâtrale (tragédie et comédie ancienne) et où se construisent l'éloquence, l'histoire et la philosophie ; après les conquêtes d'Alexandre, la littérature devient savante ou scientifique, et, à partir du Ier s. av. J.-C., quand Rome domine le monde grec, l'hellénisme forme les élites de l'Empire, en particulier par la rhétorique, l'histoire et le roman, avant le triomphe du christianisme, qui s'exprime aussi d'abord en grec. La paideia grecque, éducation humaniste classique, définie par Isocrate, au IVe s. av. J.-C., se développe, se construit et forme les cultures proches, pendant plus de quinze siècles, par sa littérature et son esthétique. Mais nous n'avons de cette littérature qu'une image partielle, à cause des aléas de la transmission (d'Eschyle, il ne reste que 7 pièces sur 80), des difficultés de la critique textuelle et de la notion moderne de littérature (la poésie grecque est d'abord liée à des événements sociaux ou à une construction du savoir).
La période archaïque
La poésie grecque commence avec l'épopée, surtout l'Iliade et l'Odyssée, qui sont l'aboutissement d'une longue tradition orale, d'origine surtout indo-européenne, comme l'établit la comparaison avec des épopées sanskrites ou germaniques. Dès le Xe s., en Ionie, les aèdes, musiciens et conteurs, chantaient les exploits de héros légendaires. Les plus appréciés étaient sans doute ceux qui évoquaient la guerre de Troie et le retour de ses héros. Le rayonnement de l'épopée dans le monde grec se manifesta pendant des siècles par une floraison de cycles épiques, d'hymnes homériques, de parodies, transmis par les rhapsodes, récitants. Avec Hésiode, une poésie didactique se développe aussi : substituant au monde héroïque l'univers des paysans, il instruit son public, par le récit rythmé de son expérience personnelle ou de la « naissance des dieux ».
Après le VIIIe s., les Grecs poursuivent leur expansion coloniale en Méditerranée, tirant profit de leurs contacts avec de nouveaux peuples et civilisations. La plupart des cités, au prix de violentes luttes, s'éveillent à une vie politique complexe. C'est l'époque où s'épanouit la poésie dite lyrique, qui vise non pas l'expression personnelle, mais le chant (d'où le qualificatif de mélique) et le rite. Il reste surtout des noms et des fragments pour évoquer cette association dynamique de poésie, de musique et de danse : Alcée, Sappho ou Anacréon pour les odes en dialecte lesbien ; Tyrtée, Théognis, Solon ou Mimnerme pour les élégies ioniennes ; Archiloque et Sémonide d'Amorgos pour les iambes satiriques. Liés à la vie publique, odes triomphales, hymnes et chants de processions trouvent leur plus illustre représentant en Pindare, imité par Bacchylide. Et la poésie jouit d'un tel prestige que c'est en vers que les premiers philosophes, Parménide ou Empédocle, présentent leur pensée.
Au VIe s., des auteurs s'expriment aussi dans une forme plus proche de la langue parlée. Les fables d'Ésope, les maximes des Sept Sages, les œuvres philosophiques d'Héraclite ou d'Anaximène, les premiers traités hippocratiques, témoignent des progrès de la prose, comme les chroniques, les généalogies divines ou royales : de ces récits en ionien viennent les premières œuvres historiques d'Hécatée de Milet, précurseur d'Hérodote.