Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
N

négritude

Né à l'initiative d'un groupe d'étudiants et d'intellectuels noirs réunis autour de Léopold Sédar Senghor et d'Aimé Césaire (Paris, 1932-1934), le mouvement de la négritude apparaît aussi comme la résultante d'une série de courants : « découverte » de l'art nègre et du jazz, mouvement de l'indigénisme à Haïti, « négro-renaissance » du Harlem des années 1920, scandale de Batouala en 1921, influence politique des précurseurs du panafricanisme. Ainsi, « le mouvement de la négritude – la découverte des valeurs noires et la prise de conscience par le nègre de sa situation – est né aux États-Unis d'Amérique » (Senghor). La revendication de la spécificité culturelle nègre s'inscrit dans un contexte général de revalorisation et de réhabilitation des civilisations non occidentales, qui était celui des années 1920. Mouvement illustré par les noms de Frobenius, de Maurice Delafosse ou de Théodore Monod et suivi par l'apparition d'un certain nombre de revues : la Revue du monde noir, Légitime Défense et l'Étudiant noir (fondé en 1934 par Senghor et ses amis), qui se proposait, si l'on en croit Léon Gontran Damas, de « rattacher les Noirs à leur histoire, leurs traditions et leurs langues ».

   La publication de Pigments de L. G. Damas, en 1937, puis de Cahier d'un retour au pays natal, de l'Antillais Aimé Césaire (qui y employait le mot négritude dans de multiples acceptions : couleur de la peau, manière nègre de supporter le destin, etc.), a donné le coup d'envoi d'un mouvement d'où devait naître une extraordinaire flambée poétique, témoignage passionné de la révolte et de la renaissance militante de la culture africaine. Le courant de la négritude a également trouvé un large écho dans les deux congrès qui ont réuni, à Paris en 1956 et à Rome en 1959, toutes les personnalités de premier plan du monde noir des lettres et des arts. Cette tribune internationale a permis à Senghor, à Césaire, à Rabemananjara, à Frantz Fanon de faire entendre leur voix à une époque où la décolonisation n'était pas encore entrée dans les faits. L'impulsion donnée par ces deux congrès avait été préparée par le travail effectué autour de la revue Présence africaine, fondée par Alioune Diop en 1947.

   En 1948, la publication par Senghor de l'Anthologie de la nouvelle poésie nègre et malgache de langue française, précédée du célèbre Orphée noir de Jean-Paul Sartre, a marqué l'apogée de ce mouvement qui fut à la fois revendication d'une manière d'être originale, instrument de lutte et outil esthétique. « Ensemble des valeurs de civilisation du monde noir, telles qu'elles s'expriment dans la vie et dans les œuvres des Noirs » (Senghor), la négritude a joué le rôle d'une véritable locomotive culturelle, et l'arrivée de Senghor et de ses amis dans l'espace littéraire s'est traduite par une prise de conscience et une affirmation de la différence culturelle entraînant la volonté d'émancipation par rapport aux idéologies occidentales, qu'il s'agisse du surréalisme ou du marxisme. Toutefois, dès 1960, le mouvement va se heurter à des réticences qui se transforment parfois en rejet. Déjà, dans les Damnés de la terre (1961), Franz Fanon conclut que le mouvement ne peut que conduire à un « cul-de-sac » ; rejetant une conception de la culture qu'il estime folklorique, l'auteur de Peau noire, masques blancs (1952) engage donc ses amis à « se méfier du rythme et de l'amitié terre-mère », et à accorder la priorité au combat pour l'indépendance politique. Ces attaques contre la négritude et contre Senghor, reprises lors du festival d'Alger en 1969, ont donné naissance à plusieurs pamphlets, notamment Négritude ou Servitude (1971) de Marcien Towa et Négritude et Négrologues (1972) de Stanislas Adotevi. La négritude, contestée par les intellectuels anglophones pour son manichéisme et sa dimension idéalisatrice et utopique, est considérée comme une idéologie dangereuse, qui pousse à « voir nègre quand il faut voir juste ». Wole Soyinka lance la boutade célèbre : « Un tigre ne proclame pas sa tigritude, un tigre saute. » Comme le note Tchicaya U Tam'si, « la négritude est une affaire de génération ».

Negruzzi (Costache)

Écrivain roumain (Trifesti Vechi 1808 – Iassi 1868).

Prosateur et poète, il est avec Alecsandri et Kogalniceanu l'un des pionniers de la culture nationale moderne. Auteur d'un recueil de Lettres (Noir sur blanc, 1837-1857) décrivant avec finesse et humour des aspects de son époque, il est surtout connu pour sa nouvelle historique Alexandru Lapusneanu (1840) qui passe pour un modèle du genre.

Néhémie (livre de)

Le livre biblique de Néhémie est bâti (partie principale et cadre, I-VII ; XII ; XIII) sur un récit autobiographique appelé « Mémoires de Néhémie ». Les critiques accordent à ces Mémoires une valeur historique de premier ordre. Le récit relate la venue de Néhémie à Jérusalem la 20e année d'Artaxerxès I (465-424 av. J.-C.) pour reconstruire la citadelle de Jérusalem et une partie des remparts de la ville. Les Mémoires décrivent sa réussite malgré les intrigues des ennemis de la communauté autour du Temple et les mesures qu'il prit, en tant que gouverneur, pour repeupler Jérusalem et assurer la pérennité du culte. Un des messages théologiques fondamentaux du livre est de montrer à quel point l'action et l'organisation humaines et la puissance divine peuvent être complémentaires.

Neidhart von Reuental

Poète allemand (entre 1180 et 1250).

Chevalier originaire de Bavière, disgrâcié en 1230 par le duc de Bavière, il finit sa vie en Autriche sous la protection du duc Frédéric II. On lui doit des chansons de croisades (il y participe lui-même en 1217-1219) et des chansons d'amour. Poète de cour, il maîtrise parfaitement l'art du Minnesang, mais il en situe l'action dans le monde rural, où la Dame s'avère être une fille de ferme. Cette « poésie villageoise de cour », parodie des formes et conventions du Minnesang, connut un succès durable. Le nom de Neidhart reste attaché à un genre de farce paysanne très prisé jusqu'au XVIe s.

Nekrassov (Nikolaï Alekseïevitch)

Écrivain russe (Nemirov 1821 – Saint-Pétersbourg 1877).

Après avoir vécu de petits travaux littéraires, il se lance avec succès dans l'édition : ses almanachs, comme la Physiologie de Saint-Pétersbourg, en 1845, deviendront des manifestes de l'école naturelle. À la tête du Contemporain (1847-1866), puis des Annales de la patrie (1878-1876), il marqua, par ses opinions radicales et son esthétique naturaliste, la vie littéraire de son époque. Il initia le mouvement « civique », en réclamant que les écrivains soient jugés sur des critères utilitaires et non plus esthétiques : « Tu peux ne pas être poète/Tu es tenu d'être citoyen. » La vie et les destinées du petit peuple constituent le thème de prédilection de sa poésie (Sacha, 1855 ; le Gel au nez rouge, 1863 ; Femmes russes, 1871-1873), qui charme encore par son humour et l'utilisation de motifs folkloriques. Nekrassov travailla dix ans (1866-1877) à Pour qui fait-il bon vivre en Russie ?, resté inachevé : c'est une sorte d'épopée sur l'existence du peuple, sa philosophie et ses conflits.