Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
P

phu

Genre littéraire sino-vietnamien tenant à la fois de la poésie et de la prose. Il peut se présenter sous une forme dite « ancienne » (avec des rimes, et sans parallélisme) ou sous une forme dite duong (avec rimes et parallélisme des mots et des idées). Les compositions littéraires dites van-tê (« oraisons funèbres ») appartiennent souvent à ce genre.

Pia (Pierre Durand, dit Pascal)

Écrivain et critique français (Paris 1903 – 1979).

Né Pierre Durand, il signe ses premiers poèmes Pascal Pia. En 1920, il fréquente Max Jacob et Salmon, se lie avec Malraux et collabore à la revue Action de Florent Fels. Il rencontre Fernand Fleuret à l'Enfer de la Bibliothèque nationale, et publie sous le manteau des ouvrages érotiques. Avant la guerre, devenu directeur d'Alger républicain, il engage Albert Camus dont il fera publier les premiers livres. C'est avec lui qu'il fonde Combat à la Libération. Déçu par le journalisme, il se consacre à la littérature. Son Baudelaire et son Apollinaire donnent la mesure de son érudition et d'une intelligence critique que l'on retrouve dans les Feuilletons littéraires, réunis en deux volumes par M. Nadeau (1999, 2000).

Pibrac (Guy du Faur de)

Diplomate et poète français (Pibrac 1529 – Paris 1584).

Il fut ambassadeur du roi de France au concile de Trente, président à mortier au parlement de Paris (1577), membre du Conseil privé du roi (1580) et chancelier du duc d'Alençon (1582). Après avoir aidé, sous Charles IX, à la création de l'Académie de poésie et de musique, il fut lui-même, sous Henri III, membre de l'Académie du Palais et s'adonna personnellement à la poésie. Poème bucolique, les Plaisirs de la vie rustique (1574) sont un éloge de la France et des richesses de ses provinces. Plus originaux, les Quatrains moraux (augmentés successivement lors des trois éditions de 1574, 1575 et 1576 jusqu'à compter cent vingt-six pièces) ressortissent au genre de la poésie gnomique dont ils sont un des chefs-d'œuvre : inspirés de sources variées (la Bible, Plutarque, Sénèque), ils sont profondément marqués par le courant du néostoïcisme chrétien et ont contribué à la définition des « morales du Grand Siècle ».

Pic de La Mirandole (Jean) , en italien Giovanni Pico Della Mirandola

Philosophe italien (Mirandola 1463 – Florence 1494).

Initié à l'aristotélisme et à l'averroïsme à Padoue, puis au platonisme par Marsile Ficin à Florence, où il fut introduit en 1484 dans le cercle humaniste de Laurent de Médicis, Pic tentera tout au long de sa brève vie de concilier ces différentes influences philosophiques entre elles et avec les religions. Ce syncrétisme est flagrant dans les 900 thèses, historiques et philosophiques, de ses Conclusions philosophiques, cabalistiques et théologiques (1486), qui, précédées de la célèbre De la dignité de l'homme, exaltant la liberté de l'homme au nom de sa capacité à s'adapter au macrocosme, devaient être discutées publiquement à Rome. Ce projet échoua à cause de l'opposition de l'Église. Pic fut contraint de rédiger une Apologie (1487), dont les effets conciliateurs furent bientôt contrariés par la publication d'une exégèse ésotérique de la Genèse (Heptaplus, commentaires des sept jours de la Genèse, 1488). On lui doit aussi des Dialogues contre l'astrologie divinatoire (1494), un Commentaire à la chanson d'amour de Benivieni (1486), où il s'insère dans le débat de l'époque sur l'amour, et des nombreuses lettres, notamment à Ermolao Barbaro.

Picabia (Francis)

Peintre et écrivain français (Paris 1879 – id. 1953).

Ce peintre anticonformiste, précurseur des esthétiques nouvelles, est un poète libre de tout engagement, fort détaché de sa création. Cinquante-Deux Miroirs (1917), Poèmes et Dessins de la fille née sans mère (1918), conçus comme une thérapie contre la neurasthénie, brisent les conventions. Sa revue, 391, contribue à l'internationalisation de dada, tout comme Poésie Ron-Ron (1919), Pensées sans langage (id.), Jésus-Christ Rastaquouère (1920). Il écrivit le scénario d'Entr'acte (1924) de R. Clair, du ballet Relâche (musique de Satie) et Caravansérail (1924), roman autobiographique à clés et à tiroirs. Il quitte Paris pour la Côte d'Azur. Thalassa dans le désert (1945), Poèmes de Dingalari (1955) explorent son introuvable moi avec invention et mépris des idées reçues.

Picard (Edmond)

Écrivain belge de langue française (Bruxelles 1836 – Dave 1924).

Il connut une brillante carrière d'avocat et de juriste. Son œuvre littéraire est moins importante, malgré son ampleur et sa diversité, que son activité d'animateur et son rôle de catalyseur dans le renouveau artistique belge de 1880. À la tête de la revue l'Art moderne, il défendit, contre la Jeune Belgique, adepte de l'« art pour l'art », la conception d'un art social et, plus tard, d'un art national. Dans un article-manifeste, publié le 24 juillet 1897 dans la Revue encyclopédique Larousse, il se fit l'apôtre de « l'âme belge », s'attachant à prouver l'existence d'une identité nationale (« multiple mais assurément unique dans son essence »). Prosateur, il inaugura un genre mixte qui tient à la fois du roman, de la nouvelle et de l'essai (l'Amiral, 1883 ; le Juré, 1887-1888), d'une écriture truffée d'images et de néologismes. Ses tentatives de créer un « théâtre d'idées » furent moins heureuses.

Picard (Louis Benoît)

Acteur et auteur dramatique français (Paris 1769 – id. 1828).

Il se spécialisa dans la pièce républicaine et voltairienne (les Visitandines, 1792 ; le Conteur, 1793 ; les Suspects, 1794 ; l'Entrée dans le monde, 1799 ; la Petite Ville, 1801). Directeur de plusieurs théâtres, il régna, pendant près de trente ans, sur les scènes parisiennes (Bertrand et Raton, 1805 ; les Marionnettes, 1806 ; l'Ami de tout le monde, 1807). Jouant du pittoresque et du rire sans trop se soucier des nuances, il mérita le surnom de « Téniers de la comédie ».

picaresque

Dans ses composantes espagnoles et européennes, le picaresque marque un moment du développement historique et typologique de la création romanesque : il est une articulation essentielle entre le romanesque, celui que note, illustre et dénonce Cervantès, et le roman de l'individu, tel qu'il se constitue au XVIIIe et tel qu'il s'épanouit dans le réalisme du XIXe siècle.

Le picaresque espagnol

Dans le seul domaine espagnol, les diverses fictions romanesques dites « picaresques » présentent quelques caractères communs : autobiographie (souvent fictive) d'un personnage masculin ou féminin en général d'origine très humble, le pícaro (gueux) ou la pícara, que ses aventures et ses métiers successifs entraînent à se frotter, selon les maîtres qu'il sert, aux diverses classes sociales. Le pícaro est un « antihéros », une manière de Protée qui, poussé par la faim, cherche à se faire une place dans une société au sein de laquelle il mène une vie de marginal, et emploie tous les moyens pour subsister (ruse, fourberie, vol). Le genre picaresque se signale par l'absence de sentiments élevés, en particulier l'amour, et par une certaine complaisance dans la scatologie. Il est cependant abusif de ranger tous les romans du genre sous une étiquette commune. Le bref Lazarillo de Tormes (1553) est bien différent du long Guzmán d'Alfarache (1599-1604), assorti de multiples digressions morales dans l'esprit de la Contre-Réforme. La Pícara Justina de Francisco López de Ubeda (1605) n'a que peu à voir avec la Vie de l'aventurier Pablo de Ségovie de Quevedo (1626), suite de tableaux féroces sans lien solide. La Fouine de Séville (1634) d'Alonso de Castillo Solórzano a pour héroïne une femme qui ne recule devant rien pour faire son chemin. La Vie d'Estebanille González (1646) est considérée comme la dernière en date des œuvres du genre. Quant au Marcos de Obregon de Vicente Espinel (1618), le héros en est un personnage de condition plus relevée, et raisonneur, qui narre des anecdotes auxquelles il n'est pas toujours mêlé lui-même. Chacune de ces œuvres exprime l'idéologie de son temps.

Constat du réel et perspective critique

Dans la diversité culturelle qu'il expose, dans la variation des rapports du roturier et du marginal à la noblesse, à l'argent, à la religion, le genre définit, à travers le personnage du pícaro et ses avatars, la primauté de l'exclusion radicale, inséparable d'un réalisme confondu avec un jeu de démystification. Ce retournement de l'illusion, qui a ses sources dans la tradition des moralistes et dans le thème baroque du theatrum mundi, impose le constat du réel, fût-ce à travers la référence à la convention socio-religieuse. La parole du pícaro, du gueux, se fait alors témoignage. À la fois qualification du personnage et discours sur le monde, ce témoignage articule dessin de l'individualité et relevé de l'ensemble social à partir d'un point de vue de second plan, d'un marginal. La perspective d'ensemble naît de la continuité biographique et de la constante du regard négatif. Celui-ci suscite plus qu'un jugement sur la parade du monde : il montre, dans la disparité même des milieux évoqués, la mécanique de ce monde. Il y a là une ambiguïté essentielle du picaresque. La marginalité établit la parole de l'individualité négative ; elle expose le réel ; elle suscite le jugement. La perspective critique reste nette ; la marginalité qui enseigne la dégradation du réel et du sujet, de tout réel et de tout sujet, enseigne aussi que, dans ce monde établi, il y a pluralité d'espaces, pluralité de temps, pluralité de mobiles, et que la règle de jugement est une mesure non seulement du mensonge et de l'apparence, mais aussi de la transition historique.