kurde (littérature) (suite)
Expression de l'identité kurde au XXe s.
La naissance de la presse kurde dès 1898, avec le premier journal Kurdistan, a joué un rôle important dans le foisonnement de la littérature kurde. Tout au long du XXe s. la presse périodique a œuvré à diffuser le patrimoine littéraire.
Si l'on peut parler jusqu'à l'effondrement de l'empire ottoman de deux littératures kurdes, chacune liée à un dialecte, on peut, dès lors, parler d'une littérature éclatée. Après avoir été divisé pendant quatre siècles entre les deux empires, perse et ottoman, le Kurdistan, par la création des États-nations dans la région, se trouve désormais divisé en quatre parties. Cette nouvelle donne se répercutera tout particulièrement sur la production littéraire. Les quatre États entre lesquels les Kurdes se trouvaient partagés : la Turquie, l'Iran, l'Iraq et la Syrie, n'ont pas l'intention de laisser se développer un sentiment national kurde, et par conséquent de permettre à la littérature de s'épanouir. Dès sa création, la République turque interdit toute forme d'expression kurde et nie toute existence propre à ce peuple. Dès 1925, la langue kurde est interdite et les Kurdes sont désormais désignés dans le langage officiel comme « les Turcs des montagnes ». En Iran, où l'existence d'un peuple kurde est acceptée, la langue kurde trouve son terrain d'expression dans l'usage quotidien, mais la littérature ne pourra s'épanouir qu'au cours de la république éphémère de Mahabad, qui ne durera que onze mois, en 1946. La Syrie, dès la fin du mandat français, ne laisse plus aucune possibilité d'expression à l'identité kurde. C'est en Iraq que la littérature kurde trouve son expression la plus intéressante, puisque la situation politique y est plus favorable. La langue est enseignée dans une région limitée et les auteurs peuvent plus ou moins facilement publier leurs œuvres. Cependant, les interdictions frappent les activités littéraires chaque fois que les relations se dégradent entre les gouvernements de Bagdad et le mouvement national kurde. Celui-ci, toutefois, ne cesse de progresser malgré les guerres successives et les répressions. Les lettrés suivent le mouvement des littératures dans le monde à travers l'arabe, le persan et, plus tard, les langues occidentales. La poésie suit son chemin et se débarrasse de ses formes classiques en adoptant les vers libres peu après la Seconde Guerre mondiale. Goran (1904-1962) s'impose comme le plus grand poète kurde du XXe s. Tous les genres littéraires sont désormais représentés dans les œuvres des écrivains.
Par ailleurs, les conditions politiques dans lesquelles vivent les Kurdes ont fait naître une littérature très importante dans la diaspora. Tout d'abord parmi les Kurdes de l'ex-U.R.S.S., et cela dès le lendemain de la Première Guerre mondiale, mais aussi parmi les Kurdes exilés en Occident, particulièrement en Europe où une communauté de plus en plus nombreuse s'installe à partir des années 1970 et où les écrivains voient un terrain propice à la liberté d'écriture, ce qu'ils n'avaient pas dans leur pays natal.
Après la deuxième Guerre du Golfe (1991), les Kurdes d'Iraq créent leur terre de liberté au nord, à partir de laquelle ils lancent un mouvement littéraire jamais égalé dans sa richesse et son épanouissement. Pour la première fois, des journaux quotidiens voient le jour et les moyens audiovisuels se multiplient. Chaque année, plusieurs centaines d'ouvrages et près de cent périodiques sont publiés. Depuis une dizaine d'années, les Kurdes de Turquie, privés jusqu'alors d'existence officielle, développent une littérature qui porte les stigmates de décennies de négation mais aussi de la soif d'écrire.