Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
A

Aucassin et Nicolette

Œuvre parodique de la première moitié du XIIIe siècle, qui retrace les amours contrariées de deux adolescents, Aucassin, fils du comte de Beaucaire, et Nicolette, esclave sarrasine, en mêlant les registres, en empruntant formules et motifs aux chansons de geste et aux romans et en s'inspirant de la diversité des chansons lyriques. L'inversion des caractères masculins et féminins, la mise à mal de l'univers courtois, la confusion des valeurs chevaleresques et bourgeoises, chrétiennes et païennes, le monde à l'envers de Torelore font tout l'humour, voire le burlesque, de cette « chantefable », terme utilisé par l'auteur pour désigner le genre de son ouvrage (genre dont on ne connaît aucun autre exemple), où des strophes assonancées conçues pour être chantées alternent avec des passages en prose destinés à la lecture. Coupé en outre par de constants monologues et dialogues, ce récit demeure inclassable.

Aude (Joseph, dit le Chevalier)

Auteur dramatique français (Apt 1755 – Paris 1841).

Carriériste, il quêta les appuis de la Cour et des philosophes, en particulier de Buffon, dont il devint le secrétaire. Mais la fortune se déroba toujours, jusqu'au jour où il « emprunta » le personnage de Cadet Rousselle, que les armées révolutionnaires chantaient dans leur marche, pour en faire le héros de parades et de saynètes sans grande invention (Cadet Rousselle ou le Café des aveugles, 1793). La recette était bonne, il récidiva en s'appropriant la poissarde Mme Angot, dont il multiplia les aventures à travers les quatre continents (Mme Angot au sérail de Constantinople, 1800).

Auden (Wystan Hugh)

Écrivain anglais, naturalisé américain (York 1907 – Vienne 1973).

Lié à S. Spender et C. Isherwood, il donne à son œuvre poétique une tournure sociale où passe l'influence de Brecht. Établi en 1939 aux États-Unis, Auden abandonne l'inspiration marxiste pour une vision existentielle et chrétienne. Pour le moment (1945) est un oratorio de Noël, tandis qu'un bar new-yorkais devient l'occasion d'évoquer la solitude dans une époque privée de foi et de tradition (l'Âge de l'anxiété, 1947). Le Bouclier d'Achille (1955), Hommage à Clio (1960), Autour de la maison (1965) évoquent le jeu et les contrastes de la nature, de l'histoire et de l'homme. Des essais sur Kierkegaard, sur la poésie, particulièrement la Main du teinturier (1962), couronnent une œuvre qui reste remarquablement cohérente par le souci de diagnostiquer les maux du monde contemporain. L'aptitude à symboliser rappelle et unit, d'un poème à l'autre, des notations concrètes, tandis que la référence gnomique appelle toujours des descriptions particulièrement typées (Mondes secondaires, 1968 ; Ville sans murailles, 1969 ; Merci : brouillard, derniers poèmes, 1974).

Audiberti (Jacques)

Écrivain français (Antibes 1899 – Paris 1965).

S'il reste surtout un homme de théâtre, Audiberti se place tout entier sous le signe du lyrisme de ses premiers poèmes (l'Empire et la Trappe, 1930) qu'il n'abandonnera jamais (Des tonnes de semence, 1941 ; Ange aux entrailles, 1964) et qui équilibre le réalisme picaresque de ses romans (Abraxas, 1938 ; Marie Dubois, 1952 ; Les tombeaux ferment mal, 1963). Audiberti évolue dans un monde baroque où la langue est reine, langage en liberté qui joue sur les dialectes (la Nâ, 1944) ou l'argot (le Ouallou, 1956) et qui passe à l'occasion par l'Abhumanisme, titre d'un essai de 1955 qui annonce et résume l'expérimentation théâtrale (« Celui qui veut imposer sa vérité ne possède pas la vérité »). L'« abhumanisme », cette attitude qui consiste, pour l'être humain, à perdre de vue qu'il est le centre de l'univers, se retrouve dans Cavalier seul (1963). Cette pièce en 3 actes, publiée en 1955, ne fut jouée qu'en 1963, à Lyon, par Marcel Maréchal. L'action se situe au cœur du XIe siècle, au moment où le chevalier Mirtus part pour la croisade. Arrivé bon premier à Jérusalem, il se trouve en présence du Christ et connaît des cas de conscience dont ses amis les croisés le délivrent, en même temps qu'ils prennent Jérusalem. Le théâtre d'Audiberti reprend toutes les grandes oppositions traditionnelles : la vie et la mort, le bien et le mal, le sublime et le grotesque, l'allégorie et l'histoire, l'amour vrai et les situations fausses, voire la raison et l'oraison (l'Ampélour, prix Mallarmé 1937 ; Quoat-quoat, 1946 ; Le mal court, 1947 ; l'Effet Glapion, 1959 ; la Fourmi dans le corps, 1962). Cependant, seule la langue sort victorieuse de ces tournois : grâce à elle, les contraires s'unissent, et le mal, par le jeu des mots, peut devenir un bien. C'est par là, d'ailleurs, que l'œuvre d'Audiberti, fidèle à l'alchimie du verbe, se sépare du théâtre de l'absurde (Eugène Ionesco, Samuel Beckett), où le langage s'effiloche. Union, reprise, ressassement même ; Audiberti passe sans cesse d'un genre à un autre, du roman au scénario, du scénario à l'œuvre dramatique : ainsi de Carnage (1942), roman adapté à la scène (Opéra parlé, 1954), de la Poupée (1956), roman qui devient un scénario d'un film de J. Baratier (1962), avant de devenir une pièce de théâtre (créée en 1968). Sous toutes ces formes perce le même désir de croire que les forces déchaînées du langage, quand elles ne dépendent d'aucune « vérité », sont encore ce qui définit le mieux l'homme, tandis qu'elles expliquent aussi, paradoxalement, cette soif de silence que peut être la mort (Dimanche m'attend, 1965).

Audisio (Gabriel)

Écrivain français (Marseille 1900 – Issy-les-Moulineaux 1978).

Il fut tout à la fois poète (Hommes au soleil, 1923 ; Rhapsodies de l'amour terrestre, 1949 ; Racine de tout, 1975), romancier (Héliotrope, 1928 ; les Compagnons de l'Ergador, 1941) et essayiste (Ulysse ou l'intelligence, 1946). Publié en 1935, son essai, Jeunesse de la Méditerranée, représente le tournant méditerranéiste de la littérature des Français d'Algérie, avec « l'école d'Alger ». Audisio fut, entre les deux guerres, en Algérie, l'un des animateurs du mouvement à la recherche d'une culture méditerranéenne. Il célèbre Alger et la Méditerranée comme « une patrie » en réaction contre « la trop facile latinité ».