Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
R

Rapin (René)

Théologien et écrivain français (Tours 1621 – Paris 1687).

Entré en 1639 chez les jésuites, ce professeur de rhétorique au collège de Clermont fut un écrivain goûté dans les cercles littéraires. Il fut chargé aussi de rédiger une Histoire du jansénisme. Connu par ses poèmes latins, il fréquenta le cercle du président Lamoignon, se lia avec Patru et Mme de Sévigné, et apparut très vite comme un des théoriciens du goût classique (Réflexions sur l'éloquence de ce temps, 1671 ; Réflexions sur la Poétique d'Aristote et sur les ouvrages des poètes anciens et modernes, 1674 ; Réflexions sur la poétique de ce temps, 1675). Il réclame à la fois une « nature » ramenée à un schéma idéal et une langue qui ne sacrifie pas trop au purisme ambiant. La poésie ne peut se passer ni de l'inspiration ni de la force : elle n'est pas du côté de la « tendresse » et de la « douceur », mais du « sublime » (Du grand ou du sublime dans la nature et dans les différentes conditions des hommes, 1686). À travers ses « comparaisons », le P. Rapin entreprit de définir les caractères d'une rhétorique française appliquée à la société de son temps.

rasa

Terme sanskrit désignant la « saveur » d'une œuvre, le sentiment ou l'émotion qui s'y trouvent exprimés. Cette théorie de la poétique et de la dramaturgie indiennes compte de huit à dix rasa : s'rngara (amour), vira (héroïsme), bibhatsa (dégoût), raudra (colère), hasya (comique), bhayanaka (terreur), karuna (pitié), adbhuta (étonnement), s'anta (paix), vatsalya (affection paternelle).

Raspail (Jean)

Journaliste et écrivain français (Chemillé-sur-Dême, Indre-et-Loire, 1925).

Grand voyageur, organisateur d'expéditions à caractère ethnologique, il pourchasse, dans ses reportages, les stéréotypes qui plaquent un masque sur la réalité des hommes (Terres et peuples incas, 1954 ; Punch caraïbe, 1970 ; Bleu caraïbe et citrons verts, 1980). Avec une ironie proche de celle du groupe des « hussards », il constate la gangrène du monde moderne (le Tam-Tam de Jonathan, 1971 ; les Yeux d'Irène, 1984), à laquelle il oppose les innocents intrépides qui, comme Moi, Antoine de Tounens, roi de Patagonie (1981), ont décidé de faire de leurs rêves la réalité (le Camp des saints, 1973 ; le Jeu du roi, 1976 ; l'Anneau du pêcheur, 1995).

Raspoutine (Valentine Grigorievitch)

Écrivain russe (Oust-Ouda 1937).

Originaire de Sibérie orientale, il consacre tous ses récits au destin de la campagne russe. L'Argent pour Maria (1967) dépeint le glissement des valeurs villageoises communautaires vers l'individualisme (personne ne donnera à Kouzma l'argent dont il a besoin pour sauver sa femme). Le monde paysan vit ses derniers jours, telle Anna, simple paysanne héroïne du Dernier Sursis (1970). Mes leçons de français (1973) rendent un dernier hommage à la bonté de ces gens simples, à travers la figure d'une institutrice, tandis que Vis et souviens-toi (1974) met en scène une femme incapable de survivre à la faute de son mari, déserteur : tous deux sont rejetés par la communauté. Le titre de l'Adieu à Matiora (1976) est emblématique : ce village englouti par les eaux, au nom du progrès, symbolise la fin de l'univers patriarcal – rupture trop brutale qui trouve en quelque sorte son châtiment dans l'Incendie (1985). À partir des années 1980, Raspoutine publie surtout des essais et des nouvelles.

Rassoul Rza (Rassoul Ibragnim-ogly Rzaïev, dit)

Poète azerbaïdjanais (Gueoktchaï 1910 – Bakou 1981).

Fils d'un écrivain public, il se fit connaître par des vers engagés (Printemps bolchevik, 1931), dirigés contre la colonisation (Tchapeï, 1931) et la menace fasciste (Fureur et Amour, 1943 ; Allemagne, 1934). L'œuvre ultérieure, où l'influence de Maïakovski côtoie la tradition nationale, le voit soucieux d'approfondir ses conceptions philosophiques (Lénine, 1951 ; Couleurs, 1962 ; Fils de la terre, 1968 ; Leïli et Medjnoun, 1973). Il a également laissé des essais, des impressions de voyage et des drames (Vefa, 1943 ; les Frères, 1956).

Rasy (Elisabetta)

Écrivain italien (Rome 1947).

Son activité d'essayiste se concentre sur la littérature féminine (Portraits de femmes, 1995) tandis que son œuvre narrative se module sur un ton méditatif et introspectif (la Première Extase, 1985 ; la Fin de la bataille, 1987 ; l'Autre Maîtresse, 1990 ; Transports, 1993 ; Pausilippe, 1997).

Rathaire, dit aussi Rathier de Liège ou de Vérone

Théologien belge de langue latine (Liège v. 890 – Namur v. 974).

Abbé de Lobbes, élu évêque de Vérone (932), il fut chassé deux fois de son siège. Faisant de nombreuses références aux auteurs classiques et aux Pères de l'Église, son œuvre est souvent polémique : elle comprend des traités, des lettres, des sermons, des méditations sur la vie chrétienne composées en prison (Praeloquia) et des Confessions originales qui donnent la parole à ses accusateurs.

Ratosh (Uriel Halperin, dit Yonathan)

Poète israélien (Varsovie 1909 – Tel-Aviv 1981).

Arrivé en Israël en 1920, il sera, vers 1942, l'un des fondateurs du mouvement des Cananéens. Solitaire et non-conformiste, il connaît pendant de nombreuses années le destin d'un poète maudit. Ses premiers recueils (Dais noir, 1941 ; Yohemed, 1952 ; Une côte, 1959) créent des univers archaïques proches de la mythologie prébiblique dans lesquels évolue un héros tragique et assoiffé d'absolu. L'éros constitue un autre pôle dans le code moral de ce héros. Amoureux du mot hébreu, Ratosh jongle aussi aisément avec les termes de l'antique littérature ougaritique qu'avec les vocables de l'argot. Son maniérisme, dû à la structure dialectique d'un très grand nombre de poèmes est compensé par un univers euphonique authentique reposant sur le guttural et la richesse rythmique. Dans Siré Hesbon et Siré Mamas (1965), il réintègre la mythologie cananéenne abandonnée depuis trois millénaires par la culture monothéiste juive, et donne une interprétation gnostique quasi païenne des premiers chapitres de la Genèse. Ces thèmes, qui reviennent dans les recueils (Amour des femmes, 1975, et Chants de l'épée, 1978) sont aussi une expression poétique et symbolique d'un dialogue passionné et amer entre le peuple d'Israël et son pays à l'époque de la résurrection nationale. On lui doit également de nombreuses traductions.