Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
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Donne (John)

Prêtre et poète anglais (Londres 1572 – id. 1631).

Descendant de Thomas More, fils de ferronnier, gallois par sa mère (sœur de T. Heywood), il se prépare à une brillante carrière de courtisan malgré ses attaches catholiques qui lui interdisent l'accès à tout poste officiel. Après l'expédition de Cadix avec Essex (1596), il se ferme toutes les portes en épousant en secret (1601) Anne More (nièce de son protecteur), avec qui il aura douze enfants et dont la mort (1617) marquera sa conversion définitive à la douleur. Rechignant devant l'anglicanisme, il participe sincèrement à la controverse anticatholique (le Pseudo-Martyr, 1610 ; le Conclave de Saint-Ignace, 1611 ; Biathanatos, première apologie européenne du suicide). Cédant à la pression de Jacques Ier, il est ordonné et devient à 45 ans le plus adulé des prédicateurs. Prêtre, il se veut saint ; ses sermons (dont quelque 160 nous sont parvenus) fascinent les auditeurs par l'évocation des conflits de l'âme en proie aux péchés et par la description éloquente de la putréfaction des corps rongés par la vermine. Ses textes religieux ont le brillant et l'acuité spirituelle de ses abruptes Satires (1593-1598) ou de ses poèmes (diffusés en manuscrits ; les premiers recueils imprimés n'apparaîtront qu'à titre posthume). Il finira doyen de Saint-Paul. Le paradoxe « métaphysique » (recherché à l'extrême), l'ingéniosité scolastique de la séduction amoureuse servent désormais une foi à l'insoutenable mystique. La Litanie (1609), les Anniversaires (1611-1612), le Nocturne (1612), les Lamentations de Jérémie (1631) célèbrent de mille manières la « ruine alchimique » et l'autodestruction, sources de la quintessence spirituelle. Dans Élégies, Chants et Sonnets (1611), Donne se dresse contre les sentiments conventionnels du pétrarquisme en montrant les mille visages de l'amour, passionné mais volage, ravi mais furieux, ardent mais cynique ; la beauté de sa maîtresse lui inspire d'audacieuses métaphores érotiques (le corps féminin comme Amérique à conquérir). Son œuvre désabusée sonne le glas des ambitions surhumaines de la Renaissance.

Donneau de Visé (Jean)

Écrivain français (Paris 1638 – id. 1710).

Sensible à l'air du temps, il fut de toutes les modes. Il publia des nouvelles au goût du jour (les Diversités galantes, 1664), participa aux querelles autour de Molière (tantôt contre, tantôt pour), puis à celle des Anciens et des Modernes – étant du côté des Modernes –, et écrivit des tragédies à machines (les Amours de Vénus et d'Adonis, 1670) et des comédies « d'actualité » : (la Veuve à la mode, 1668, et la Devineresse, 1679, avec T. Corneille). Mais, surtout, en fondant le Mercure galant (1672), il inventa le journalisme périodique moderne, mêlant actualité politique et littéraire, critique, publications et débats, dont un resté célèbre autour de la Princesse de Clèves.

Donoso (José)

Écrivain chilien (Santiago 1924 – id. 1996).

Exilé en Espagne (1967), il est un des grands romanciers de l'Amérique latine. Ses romans, peuplés d'êtres monstrueux livrés à leurs pulsions secrètes, montrent le déclin des classes privilégiées (Couronnement, 1958 ; Ce lieu sans limites, 1967 ; l'Obscène Oiseau de la nuit, 1970). Maison de campagne (1978) et la Désespérance (1986) évoquent le totalitarisme chilien. Rentré dans son pays (1980), il dépeint dans le Jardin d'à côté (1981) le monde des exilés chiliens et les affres de la création.

Donoso Cortés (Juan)

Écrivain et homme politique espagnol (Valle de la Serena 1809 – Paris 1853).

Diplomate, il résida à Paris, où il connut Louis Veuillot et Montalembert. Son Essai sur le catholicisme, le libéralisme et le socialisme (1851), d'esprit conservateur, suscita de violentes polémiques. Ses conférences à l'Ateneo traitent des rapports du catholicisme et de l'évolution du monde moderne, dans une perspective proche de celles de Bonald et de Joseph de Maistre.

Doolittle (Hilda) , dite H.D.

Poétesse américaine (Bethlehem, Pennsylvanie, 1886 – Zurich 1961).

Amie d'Ezra Pound, elle allie les techniques de l'imagisme à une inspiration néoclassique, où la Grèce figure une perfection qu'elle oppose au monde moderne (Jardin de mer, 1916 ; Hymen, 1921 ; Heliodora, 1924 ; Des roses rouges dans le bronze, 1929). Elle est aussi l'auteur de romans (Palimpseste, 1922 ; Hedylus, 1928).

Dorat (Jean Dinemandi, surnommé)

Humaniste français (Limoges 1508 – Paris 1588).

Engagé par Lazare de Baïf comme précepteur de son fils Jean Antoine, il a pour élève, en même temps que ce dernier, le jeune Ronsard. En 1547, il devient principal du collège de Coqueret, où, à ses deux élèves précédents, vient s'adjoindre, parmi d'autres, le jeune Joachim Du Bellay. C'est sous son égide que se constitue, de 1547 à 1549, la doctrine poétique de la nouvelle école de la Pléiade. Précepteur, à partir de 1555, des enfants du roi Henri II, il est, en 1556, nommé lecteur de grec au Collège royal, poste qu'il conservera dix ans. En 1586, il publiera, sous le titre de Poematia, un recueil de ses vers grecs, latins et français. Le principal titre de gloire de Dorat est d'avoir été le maître des plus grands parmi les poètes de la Pléiade : Ronsard, Du Bellay, Baïf. Esprit ouvert à tous les aspects du savoir de son temps (autour de lui, à Coqueret, se constitua une « académie » fréquentée par les meilleurs esprits de l'époque) et curieux de l'actualité (il célébra le voyage du cosmographe André Thevet dans le Nouveau Monde), il sut éveiller chez ses élèves l'amour des écrivains anciens et le désir de rivaliser avec eux. C'est à lui que les poètes de la Pléiade doivent leur connaissance approfondie de la littérature antique et l'un des traits les plus originaux de leur doctrine : l'ouverture de la poésie aux grands sujets moraux, philosophiques et scientifiques.

Dorat (Claude Joseph)

Écrivain français (Paris 1734 – id. 1780).

Après avoir tâté du droit et de l'armée, il se lança dans une carrière de poète mondain avec les Baisers (1770), la Déclamation théâtrale (1766), Sur l'inoculation (1774). On lui doit également des tragédies (Régulus, 1765), des comédies, dont les Prôneurs ou le Tartuffe littéraire (1777), stigmatisant les coteries, et des romans : les Sacrifices de l'amour (1771), les Malheurs de l'inconstance (1772), l'Abélard supposé (1780), écrit en collaboration avec la comtesse de Beauharnais.