Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
D

Dumbadze (Nodar Vladimeris dze)

Écrivain géorgien (Tbilisi 1928 – id. 1984).

À ses débuts, il évoque avec une tendresse amusée la vie d'un village durant la guerre (Grand-mère, Ilik'o, Ilarion et moi, 1960), ou l'amour naissant d'un adolescent pour une jeune aveugle (Moi, je vois le soleil, 1962). Ses romans suivants peignent avec beaucoup d'humour les travers humains ordinaires, le carriérisme et la corruption (la Nuit ensoleillée, 1967  ; les Drapeaux blancs, 1973 ; la Loi de l'éternité, 1977).

Dumitriu (Petru)

Écrivain roumain d'expressions roumaine et française (Bazias, Severin, 1924 – Metz 2002).

Exilé en Occident (1960). Romancier, il décrit dans sa trilogie Chronique familiale (1957-1960) l'histoire de la décadence d'une famille d'aristocrates. L'œuvre publiée en exil exprime une conscience tourmentée par ses anciens compromis idéologiques et par une recherche pathétique du salut chrétien (Rendez-vous au jugement dernier, 1961 ; Incognito, 1962 ; l'Homme aux yeux gris, 1968 ; Retour à Milo, 1969 ; la Liberté, 1983).

Dumont (Fernand)

Écrivain belge de langue française (Mons 1906 – Bergen-Belsen 1945).

Il adhère en 1934 au groupe Rupture, fondé par Chavée à La Louvière, puis fonde avec lui, en 1939, le groupe surréaliste du Hainaut. Il joue alors un rôle de premier plan dans le rapprochement avec les autres mouvements surréalistes. Arrêté en 1942 par la Gestapo, il mourra dans un camp de concentration. Chez lui est portée à son point extrême la doctrine surréaliste voulant que la vie réponde de l'œuvre. Les textes de la Région du cœur (1939), où priment hantise de l'amour fou et recherche de pureté, prophétisent les événements de la vie : Dialectique du hasard au service du désir (1935-1942, paru en 1979) montre comment le désir se déguise en hasard objectif.

Dunbar (Paul Laurence)

Écrivain américain (Dayton 1872 – id. 1906).

Figure dominante de la « Harlem Renaissance », il impose dans ses recueils (Chêne et lierre, 1903 ; Supérieurs et inférieurs, 1895 ; Chants d'une vie de misère, 1896) l'usage littéraire du dialecte des Noirs, les références au folklore, l'humour et la sentimentalité de leurs chants. Ses romans (les Sans-nom, 1898 ; l'Amour de Landry, 1900 ; les Fanatiques, 1901 ; le Gars et les dieux, 1902) replacent le personnage du Noir dans un cadre provincial et rural salvateur, et expriment, de façon subtile, la protestation contre le racisme.

Duncan (Robert)

Poète américain (Oakland 1919 – San Francisco 1988).

Lié dans les années 1940 aux poètes de San Francisco, puis au groupe de Black Mountain College, il se montre attentif à la métaphysique de la conscience, au rapport de l'homme et de la nature et identifie le poème à une forme musicale (l'Ouverture du champ, 1960 ; Racines et branches, 1964 ; Tendre l'arc, 1968 ; Bruit de pierre qui roule, 1984). Ses lettres (1958) et son Dante (1974) esquissent sa théorie poétique.

Dunqul (Amal)

Poétesse égyptienne (Le Caire 1940 – id. 1983).

D'abord révoltée puis militante, elle s'achemine dans son œuvre vers une interrogation abstraite (Pleurs devant Zarqâ' al-Yamâma, 1969 ; l'Assassinat de la lune, 1974 ; l'Ère future, 1977 ; Discours dans une chambre fermée, 1979).

Dupin (Jacques)

Poète français (Privas 1927).

Il est de cette génération qui, au sortir de la guerre, appréhende la présence matérielle du monde dans ses éléments géologiques, sa constitution : s'il est difficile à lire, il est aussi une évidence matérielle de montagne, de roche dont la présence brutale est à prendre en compte par des mots jamais abstraits. La dureté de la guerre a emporté le merveilleux des surréalistes. Il n'y a plus que le monde de la réalité rugueuse. La réalité de l'espace sensible, celui de l'Ardèche (matrice, lieu de référence, modèle pour l'écriture), est envisagée, au détriment d'une intériorité trop complaisante. L'espace est le grand mot (l'Espace autrement dit, 1982), même si le paysage, dans sa matérialité, parvient à dire le dedans de la personne, souvent son angoisse (Dupin a fréquenté dans son enfance les aliénés) dans des vers au lyrisme très retenu, sobre et pudique, d'une âpreté minérale où l'on peut reconnaître la trace de Char (qui préface Cendrier du voyage, 1950) et de Rimbaud. Gravir (1963) présente cette dureté du monde, en même temps qu'un effacement du sujet que son titre à l'infinitif, à prendre comme projet moral global, suppose. C'est le premier repère d'une démarche personnelle, qui a vrillé ses enjeux trop profonds dans le monde pour se satisfaire des modes et qui trace dans la solitude sa manière d'être. En 1969, l'Embrasure reprend les motifs de Gravir, marqué par encore plus de doute. La belle assurance du « pas gagné » rimbaldien ne se retrouve pas dans une parole volontiers hésitante, qui ne rougit pas de ne pas savoir. La poésie est questionnement ininterrompu au monde dans son extériorité (Dehors, 1975).

   Une apparence de soupirail (1982), dont le titre vient de Rimbaud, est le plus douloureux des livres. Il s'affronte à la mort, avec une écriture courte, tendue toujours, mais cette fois-ci approchant, en prose, la « langue-mort ». Par ailleurs, Dupin est à l'origine directe de la revue l'Éphémère, où ses préoccupations rejoignent celles de Du Bouchet, de Bonnefoy. Il fait également dialoguer poésie et art : Miró (1993) ; Alberto Giacometti, textes pour une approche (1962 puis 1991) ; Matière du souffle (1994, sur Tapies). Au-delà de cette approche sensible et informée de la peinture, la poésie est réflexion globale sur la notion de création. Exigeante ô combien, singulière, sans concession, cette œuvre sait s'ouvrir avec générosité aussi bien à la réalité – même angoissante – du monde qu'au regard des autres créateurs ou, plus récemment (Bien encore tout déjà, 1990 ; Échancré, 1991), à une autobiographie longtemps retenue mais sans cesse affleurante.

Dupont (Pierre)

Poète et chansonnier français (Lyon 1821 – id. 1870).

Il fréquente la bohème romantique et s'engoue pour les idées républicaines et socialistes (le Chant des ouvriers, 1846). Il plaint les victimes des journées de juin 1848 (le Chant des transportés, 1848) et exprime sa confiance en un avenir démocratique (1852, 1850). Il prit les armes contre le coup d'État du 2 Décembre 1851 : condamné à la déportation puis gracié, il se tourna vers la chanson rustique, qui lui valut une rapide popularité et des pages étonnamment louangeuses de la part de Baudelaire.