Bernstein (Ori)
Avocat, industriel et écrivain israélien (Tel-Aviv 1936).
Au début de son œuvre poétique, il pratique un style métaphorique à travers lequel il livre l'image d'un être angoissé face à la misère, à la solitude et à la vanité de la vie (Même chambre, même lumière, 1962 ; Pendant une courte saison, 1967). Entré dans l'âge mûr, il s'engage dans une méditation qu'il conduit dans une langue dépouillée (Rien que des faits isolés, 1974 ; Une soirée avec Sue, 1977 ; l'Arrangement, 1980 ; Affaire privée, 1992 ; le Temps des autres, 1996). Bernstein est un musicien du verbe hébraïque, qu'il manie avec virtuosité. Rédacteur de revues littéraires (Yochani, Siman Kriah), il est aussi traducteur de Baudelaire, Yeats et Montale.
Béroalde de Verville (François)
Écrivain français (Paris vers 1556 – Tours vers 1626).
Dans la tradition rabelaisienne des étudiants, des poètes et des gens d'Église satiriques (il fut chanoine de Saint-Gatien à Tours), il donna dans l'alchimie, la poésie philosophique, religieuse et politique, et l'initiation galante (le Voyage des princes fortunés, 1610). Son Moyen de parvenir (vers 1610) est un banquet philosophique et comique, immense discours bigarré, qui convoque 350 hommes célèbres de tous les temps pour renverser les valeurs dans un surprenant dialogue cacophonique.
Beron (Petar Berovic, dit Petar)
Écrivain et auteur scientifique bulgare (Kotel v. 1800 – Krajova, Roumanie, 1871).
Il est l'auteur d'une petite encyclopédie (Abécédaire au poisson, 1824), qui, outre son importance pédagogique pour l'époque, fonde le bulgare moderne sur la langue parlée (l'emploi de l'article défini postposé y est pour la première fois systématique) en l'émancipant du slavon. Il passa de nombreuses années à Paris, où, sous le nom de Pierre Béron, il publia en français des ouvrages scientifiques et philosophiques (Panépistème, 1861-1867).
Berquin (Arnaud)
Écrivain français (Bordeaux 1747 – Paris 1791).
Rousseauiste convaincu, c'est un précurseur de la littérature pour la jeunesse. Son Ami des enfants (1782-1783), qui connut un succès européen, tourne en effet le dos à la littérature directement pédagogique, pour « servir à l'amusement » des enfants au moyen d'une grande variété de genres qui permettent des récits édifiants d'une vie familière plus ou moins idéalisée dans lesquels l'enfant – qu'il soit issu d'une bourgeoisie laborieuse et simple, ou, plus rarement, du peuple – est toujours le personnage central.
Berrigan (Ted)
Poète américain (Providence 1934 – New York 1983).
Il contribue au renouveau poétique des années 1960, en collaborant, avec Ron Padgett et Dick Gallup, à la revue C'Magazine, publiée à New York. Son œuvre joue de la permutation et des variations sur les formes conventionnelles (Sonnets, 1964), du balancement entre introversion et extroversion, sans exclure la parodie (Spasmes de haricot, en collaboration avec Ron Padgett, 1967 ; Dans la pluie du petit matin, 1971 ; le Wagon rouge, 1977 ; Rien pour toi, 1978 ; Poèmes, 1980).
Berryman (John)
Écrivain américain (McAlester, Oklahoma, 1914 – Minneapolis 1972).
Romancier (Guérison,1973) et poète lyrique (les Dépossédés, 1948 ; Hommage à madame Bradstreet, 1956 ; 77 rêves lyriques, 1964 ; Son jouet, son rêve, son repos, 1968 ; Illusions, 1972), dont l'œuvre est marquée par l'absurde, l'introspection et l'angoisse. Amour et gloire (1970) signale un retour à la religion, seul moyen d'unifier une vision fragmentée et instable du monde.
Bertaut (Jean)
Poète français (Donnay 1552 – Sées 1611).
Homme d'Église et courtisan, il se rallia à Henri IV qui le nomma premier aumônier de Marie de Médicis. Il obtint l'évêché de Sées (1606), où il se retira avant de mourir. Son œuvre comprend quelques poésies religieuses, des pièces de circonstance et des poèmes galants en forme de sonnets et de stances pétrarquistes. Si l'influence de Ronsard s'y fait encore sentir, celle de Desportes et de son goût pour la pointe y est plus manifeste encore, mais parfois un certain dépouillement annonce Malherbe et les classiques (Œuvres poétiques, 1601-1620).
Bertin (Charles)
Écrivain belge de langue française (Mons 1919– Rhode-saint-Genèse 2002).
Neveu de Charles Plisnier, il est l'auteur de poèmes (Psaumes sans la grâce, 1947), de pièces de théâtre (Don Juan, 1947 ; Christophe Colomb, 1966) et de romans psychologiques (le Bel Âge, 1964), où un humanisme austère s'inscrit dans une esthétique classique. Son chef-d'œuvre est les Jardins du désert (1981), roman de science-fiction philosophique, méditation sur le sens de la vie, dans la solitude des derniers jours de l'humanité.
Bertken (Berta Jacobs, dite Sœur)
Mystique hollandaise (Utrecht v. 1426 – id. 1514).
De sa réclusion volontaire de 57 ans, elle a laissé une sorte de bréviaire (Un livre très dévot de la passion de Notre Seigneur Jésus-Christ) et un recueil de chansons (le Livre de Sœur Bertken) qui rappellent le mysticisme de Ruusbroec et Hadewijch.
Bertocchi (Raphaël)
Romancier français (Jouy-en-Josas 1801– id. 1886).
Presque exact contemporain de ce Hugo qu'il admire tant (« le phare de mes mers »), et son correspondant, il est à la tête d'une œuvre mince, rare, mais aussi densément moderne, qui retient les surréalistes mineurs. Son chef-d'œuvre, son « chant talmudique », Ma signature sans moi (1865), recueil d'« avides sophismes », offre, non sans poncifs, une prescience hallucinée d'une révolution cosmique. Le livre emporte l'action au Kenya, que Bertocchi fut l'un des rares Français à rêver, à défaut de s'y rendre, puisqu'il passera toute sa vie dans sa villa, « Le Jeaullin » (Lettres du Jeaullin, 1875).
Bertolucci (Attilio)
Écrivain italien (San Lazzaro, Parme, 1911 – Rome 2000).
Sa poésie s'inspire du chant virgilien de la nature (la Cabane indienne, 1951), mais, comme pour Virgile, elle est hantée par des drames comme la guerre (Voyage d'hiver, 1971). La mémoire représente alors le dernier refuge possible (la Chambre, 1984-1988).
Bertrand (Louis Jacques Napoléon, dit Aloysius)
Écrivain français (Ceva, Piémont, 1807 – Paris 1841).
Ce poète maudit est considéré comme le créateur du poème en prose français. En 1815, sa famille se fixe à Dijon, dont le riche passé artistique était propice à alimenter une imagination visionnaire. Il participera à plusieurs journaux régionaux, le plus souvent aux idée avancées, dans lesquels il publiera quelques pièces et réussira à se produire chez Hugo, Nodier ou Sainte-Beuve avant de finir, phtisique, dans la misère et sans parvenir à publier son œuvre essentielle, Gaspard de la nuit, qu'il ne cessera de retoucher jusqu'à sa mort et qui paraîtra enfin en novembre 1842. Loué par Baudelaire, le recueil de « fantaisies » (52 pièces réparties en 6 « livres ») finira par connaître une extraordinaire postérité chez les poètes comme chez les prosateurs, voire les musiciens. Ce qui séduit aujourd'hui, c'est de fait moins l'utilisation de tout un attirail à la mode (gothique, noir ou à la Walter Scott, fantastique hoffmannien, peinture hollandaise) que la capacité à créer un climat onirique, à exprimer puissamment hantise de la mort et violence historique, et à inventer une forme poétique nouvelle qui garde toute sa modernité. Un imposant paratexte, dont on retiendra surtout deux préfaces-manifestes où l'auteur place, avant Rimbaud, la poésie sous le signe de l'alchimie et de la peinture, sert le projet révolutionnaire en l'inscrivant dans une continuité tant poétique que prosaïque, tant scripturale que picturale. Le modèle de l'eau-forte, s'il justifie la présence marquée des éclairages volontiers vespéraux et nocturnes, avec une prédilection pour la lune et tout ce qui flamboie, est avant tout prétexte à une mise en œuvre systématique de la discontinuité, marquée notamment dans la typographie par l'importance attribuée aux blancs et aux tirets mais qui se manifeste aussi stylistiquement dans l'alternance de constructions simples et complexes, les nombreux changements de temps et de personnes, le brouillage des voix produit par les entremêlements de discours hétérogènes. Il s'agit d'inventer un « nouveau genre de prose » plus apte que le vers à mêler le grotesque au sublime, à autoriser l'irruption d'une forme nouvelle de lyrisme « impersonnel » sans confidence ni sentimentalité ; usant de l'humour et de l'ironie, le poète se dérobe. Mallarmé et Breton (« Bertrand est surréaliste dans le passé ») plus que tout autre sauront pourtant entendre Bertrand et lui rendre justice.