Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
D

De Roberto (Federico)

Écrivain italien (Naples 1861 – Catane 1927).

Vérisme méridional, psychologie et théories de Bourget s'enchevêtrent dans son roman les Princes de Francalanza (1894). Il décrit dans cette vaste fresque historique et sociale la décadence d'une famille aristocrate sicilienne à l'époque du « Risorgimento ».

De Sanctis (Francesco)

Écrivain italien (Morra Irpino, Avellino, 1817 – Naples 1883).

Fondateur de la critique littéraire moderne en Italie (Essais critiques, 1866), il fit avec son Histoire de la littérature italienne (1870-1871) le bilan de trente années d'enseignement et d'activité critique militante (essentiellement à Naples – où il fut emprisonné pour avoir participé aux mouvements insurrectionnels de 1848 –, mais aussi à Turin et à Zurich). Il fut à plusieurs reprises ministre de l'Instruction publique. Sa vision de l'histoire littéraire, d'inspiration hégélienne, s'articule autour de grandes oppositions exemplaires, du type Dante/Pétrarque, et vise à saisir le surgissement, dans la littérature italienne, de la conscience et de la liberté nationales. De Sanctis reprochait à la critique italienne de ne s'attacher qu'au contenu, au nom d'un sectarisme, tantôt clérical et tantôt radical et patriotique. Or, le propre de la critique est de définir l'autonomie de l'art, qui réside, non dans le contenu « soumis à tous les accidents de l'histoire », mais dans la forme, « unité immédiate et organique du contenu ». En fait, ses critères sont moins formels que socio historiques, et même politiques, dans la perspective ultime de l'unité italienne. Ses dernières années furent consacrées, à travers l'œuvre de Zola, à l'étude des problèmes critiques du réalisme et à l'élaboration de récits autobiographiques (Voyage électoral, 1875 ; la Jeunesse de Francesco De Sanctis, 1889).

De Swaen (Michiel)

Médecin et écrivain flamand (Dunkerque 1654 – id. 1707).

Prince de la « chambre de rhétorique » dunkerquoise, il est l'auteur d'un traité de versification, d'un poème dramatique (l'Incarnation du verbe éternel, 1686), d'une épopée chrétienne (la Vie et la Mort de Jésus-Christ, 1694), mais aussi d'une truculente farce populaire (les Savetiers glorifiés, 1688).

De Vere (Aubrey Thomas)

Écrivain irlandais (Curragh Chase, Limerick, 1814 – id. 1902).

Influencé par Wordsworth et Coleridge, il se convertit au catholicisme en 1851. Après un drame lyrique et des poèmes (En quête de Proserpine, 1843 ; les Chansons de mai, 1857), il entreprit de rénover les contes irlandais avec Désordres anglais et méfaits irlandais (1848), Inisfail (1861), chronique lyrique de l'Irlande, et les Légendes de saint Patrick (1872). C'est le pape de la première renaissance irlandaise.

De Vree (Paul)

Écrivain belge d'expression néerlandaise (Anvers 1909 – id. 1982).

Poète, il passe d'un lyrisme traditionnel (Atmosphère, 1939 ; Appassionato, 1953) à une expérimentation formelle (Masques, 1973 ; Poesia visiva, 1979). On lui doit aussi des essais sur l'art et la littérature et des romans (Une période, 1938 ; Chronique d'une famille, 1978).

De Vries (Hendrik)

Poète hollandais (Groningue 1896-Haren 1989).

Son lyrisme expressionniste (Nergal, 1937) prend une allure épique (Ballades atlantiques, 1937) et se teinte de fantastique à travers sa passion pour l'Espagne (Jardin magique, 1947 ; Fantaisies pour guitare, 1955 ; Goyesques, 1971). Il a réuni des essais théoriques et polémiques dans Critique comme credo (1980).

De Vries (Theunis Vilke, dit Theun)

Écrivain hollandais (Veenwouden 1907-Amsterdam 2005).

Autodidacte et marxiste, il donne souvent pour cadre à ses nouvelles et à ses romans (Terre marâtre, 1936 ; les Oiseaux autour d'enclos, 1978 ; la Vénus aveugle, 1980) le milieu rural de la Frise. On lui doit des essais et des récits de voyages souvent publiés sous les pseudonymes d'Ibn-Askari, A. Th. Nielant ou M. Swaertveger, et des poèmes (Soixante-Dix-Sept courtes poésies, 1984).

Debeljanov (Dimco)

Poète bulgare (Koprivstica 1887 – Demir Hisar 1916).

« On ne peut pas vivre sans dieux, heureux celui dont l'âme est un temple aux multiples sanctuaires », écrivait Debeljanov. Ses dieux étaient la poésie, l'amour et la terre natale, à laquelle il sacrifia sa jeune vie sur le front de la Première Guerre mondiale, rejoignant ainsi le destin des deux autres grands poètes bulgares Botev et Javorov, morts aussi d'une balle dans le cœur. Debeljanov réalisa le vœu fait par son père spirituel, Penco Slavejkov, d'une poésie qui soit la nourriture des âmes à la recherche d'un idéal. Après des études inachevées de droit et de lettres, Debeljanov travailla comme rédacteur, traducteur et correcteur au sein de la « famille » d'artistes (Liliev, Konstantinov, Podvarzacov) réunie autour de la revue le Chaînon. Sa vie fut illuminée par sa passion pour I. Dermendzijska à laquelle il écrivit des lettres qui constituent un des sommets de la littérature épistolaire bulgare. Son unique recueil de poèmes où, à travers assonances et allitérations, transparaissent les influences de Baudelaire, de Verlaine et des symbolistes français, fut publié après sa mort (Poèmes, 1920).

Debord (Guy)

Essayiste français (Paris 1931 – Bellevue-la-Montagne 1994).

Il apparaît avant tout comme un homme de la dissidence et de la rupture. À 19 ans, il intègre le mouvement lettriste d'Isidore Isou, qu'il quitte à peine un an plus tard, à la sortie du film de ce dernier, Hurlements en faveur de Sade (1952). Après avoir fondé l'Internationale lettriste, il crée l'Internationale situationniste dont l'objectif consiste, suivant l'idée d'une mort de l'art (Hegel), à ancrer les situations quotidiennes dans une créativité sans borne. Cependant le situationnisme que postule Debord cherche, plus globalement, à poser les bases d'un système de pensée. La société du spectacle (1967), qui dénonce la marchandisation généralisée de la vie, dont le spectacle serait le garant en tant que principal mode d'aliénation des masses, en est le livre de référence. Le spectacle est cet écran de fumée qui coupe l'individu de la réalité, et seule l'action, nourrie par le savoir, peut en dissiper les leurres. Incapable de compromis, Debord voit l'Internationale situationniste se dissoudre dans ses divisions (1972). Il retrouve le cinéma en donnant des films qui reprennent déclarations et textes situationnistes. Il reviendra ensuite sur l'aventure situationniste d'un point de vue théorique ou personnel (Commentaires sur la société du spectacle, 1988 ; Cette mauvaise réputation, 1993). Panégyrique (1989), livre hétéroclite où se mêlent texte et images, renferme les instants d'une vie complexe et engagée. Se sachant malade, il se suicide en 1994.