Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
H

Hildesheimer (Wolfgang)

Écrivain allemand (Hambourg 1916 – Poschiavo 1991).

Il fit des études en Hollande, émigra en Palestine (1933-1936), servit dans l'armée anglaise (1939-1945) et fut interprète au procès de Nuremberg, avant de s'établir en Suisse. Ses récits évoquent, à travers cette expérience, la difficulté d'atteindre aux valeurs authentiques (l'Oiseau Toc, 1953 ; Voyage nocturne, 1965). Auteur de nombreuses pièces radiophoniques, il a également publié une étude sur Mozart (1977) et un roman en forme de biographie (Marbot, 1981).

Hill (Geoffrey)

Poète anglais (Bromsgrove, Worcestershire 1932).

Encore étudiant, il publie une première plaquette à Oxford en 1952. Il se sent proche des « métaphysiques » du XVIIe siècle, très exigeant dans le travail de la langue. C'est en 1959 qu'il publie son premier véritable recueil, Pour ceux qui ne sont pas tombés. Il s'intéresse au corps, dans les extrêmes de la souffrance et de la jouissance, dans un style parfois hermétique. Il cherche à dissoudre le moi dans l'histoire, la légende, le mythe (le Roi soliveau, 1968 ; Hymnes de Mercie, 1971 ; Tenebrae, 1978). Il publie en 1983 le Mystère de la charité de Charles Péguy, que viendront compléter l'année suivante trois Hymnes à Notre-Dame de Chartres ; dans le cadre d'un questionnement sur les liens entre langage poétique et action politique, il considère le poète français comme l'une des grandes intelligences prophétiques du XXe siècle.

Hille (Peter)

Écrivain allemand (Erwitzen, Westphalie, 1854 – Berlin 1904).

Ami des frères Hart et d'Else Lasker Schüler, qui lui a consacré un livre, ce fils de famille a mené une existence de vagabond sur les routes d'Europe puis est devenu, dans les années 1890, le type du bohème berlinois. Son œuvre est mince : quelques romans (les Socialistes, 1886 ; Hassenburg, 1916) et une tragédie (le Fils du platonicien, 1896). Il a laissé des fragments, ébauches, poèmes et aphorismes où l'on découvre que ce mystique anarchiste, influencé par Nietzsche et qui sera apprécié des expressionnistes, possédait une vaste culture et un véritable don de poète.

Hilli (Safi ad-Din Abd al-Aziz al-)

Poète arabe (1278-1349 ou 1351).

L'un des grands poètes du XIVe siècle, il s'essaya, avec beaucoup de réussite, à tous les genres, y compris à la poésie populaire dont il fournit quelques textes et une première description.

Hilsenrath (Edgar)

Écrivain allemand (Leipzig 1926).

Réfugié en Bucovine dès 1938, il survit au ghetto (1941-1944) et émigre en Palestine en 1944. Il s'établit aux États-Unis dès 1951, puis à Berlin en 1975. La verve caustique de son « roman du ghetto » Nuit (1978) a pu choquer. Son chef-d'œuvre satirique le Nazi et le barbier (1977) – la métamorphose d'un SS en citoyen modèle d'Israël – révoque le philosémitisme consensuel et le mélodrame du témoignage. Sa fresque sur le génocide arménien, le Conte de la pensée dernière (1989), présente la falsification de la mémoire des victimes comme une condition de possibilité de la Shoah.

Himes (Chester)

Écrivain américain (Jefferson City, Missouri, 1909 – Benisa, Alicante, 1984).

Enfant du ghetto, c'est après un séjour en prison qu'il entre en littérature, avec une série de nouvelles dénonçant la violence blanche et la passivité des Noirs (S'il braille, lâche-le, 1945 ; la Croisade de Lee Gordon, 1947). Il opte ensuite pour le roman policier : la Reine des pommes (1958), Il pleut des coups durs (1958), Dare-Dare (1959), Tout pour plaire (1959), l'Aveugle au pistolet (1969) font de l'enquête traditionnelle un instrument de connaissance sociologique.

Hindawi (Khalil al-)

Écrivain libanais (Sayda 1906 – 1976).

Il vécut, à partir de 1928, en Syrie. Comme Tawfîq al-Hakîm, cet auteur dramatique fait revivre les anciens mythes (Hârût et Mârût, 1944 ; le Voleur de feu, 1945). Il fut aussi romancier (Iram aux colonnes, 1943) et nouvelliste (Larme de Saladin, 1958).

hindi (littérature)

Dans la perspective d'une étude littéraire, le terme hindi doit être pris dans son sens le plus large regroupant toutes les variétés en usage dans la plaine Indo-Gangétique. Celles-ci comprennent d'Ouest en Est : le rajasthani, le braj, l'avadhi et le bihari ainsi que leurs dialectes respectifs. En outre, le hindi représente la langue commune urbaine, normative, écrite en caractères nagari, dont le niveau courant est souvent appelé hindoustani. Cette langue est née du contact d'une forme de braj parlée dans le triangle Agra, Delhi, Mirath avec le panjabi et le persan, langue des cours musulmanes.

   Les débuts de la littérature hindi se situent aux environs du XIIe s. L'histoire de la littérature peut se diviser en quatre périodes principales : la période ancienne jusqu'au XVe s., la période médiévale ou classique du XVe au XIXe s., le XIXe s. et ses nouvelles tendances, le début du XXe s. et la période contemporaine depuis l'indépendance (1947).

La période ancienne

Il ne reste que peu de traces des œuvres littéraires de cette période, dominée par la composition orale. Cependant, certains textes ont été fixés tardivement par écrit : ballades épiques (vir gatha), tels le Prithviraj raso du poète Cand Bardai (vers XIIIe s.) ou le Bisaldev raso, attribué au poète Nalha, légendes amoureuses (prem gatha) en marwari (dialecte rajasthani de l'Ouest), tel le Dhola Maru. Les pahaliya (« devinettes ») et mukriya (« chansonnettes ») du poète Amir Khosrow (XIIe-XIIIe s.) sont l'un des premiers témoignages de la naissance d'une langue commune hindou-musulmane, le « hindouï » ou « hindi » : il n'existe aucune édition critique de ces petits poèmes tardivement fixés ; leur auteur composait principalement en persan. Des poèmes chantés dédiés aux saisons et divers poèmes narratifs érotiques forment un fonds littéraire important encore peu étudié. Au XIVe s. apparaît au Deccan une littérature dakkhini hindi : d'inspiration musulmane, elle est souvent à ses débuts une transposition en langue indienne vernaculaire d'œuvres en persan, comme en témoigne par exemple Mohammed Husan (Mirajul askin, Hidayat nama, Risala Sehavara).

Période médiévale et classique

Cette période est dominée jusqu'au XVIIIe s. par la littérature religieuse de la bhakti (union à Dieu par l'amour) en germe dans la Bhagavadgita : dans le Sud de l'Inde puis au Bengale, avec Visvambhara Misra (1485-1533) connu sous le nom de Caitanya, enfin dans tout le Nord de l'Inde, elle jouit d'une immense popularité. Ce nouveau mysticisme hindou, non sans rapports avec le soufisme, inspire une abondante littérature, notamment en braj et en avadhi. On distingue deux courants principaux : la littérature nirguna, influencée par le soufisme, considère la divinité comme dénuée d'attributs et vénère un dieu absolu ; la littérature saguna se rattache au culte plus expansif de maîtres spirituels comme Ramanuja, Caitanya, Vallabhacarya, et considère la divinité comme pourvue d'attributs visibles dans ses incarnations (avatars). Visnuite, elle célèbre les diverses incarnations de ce dieu sous la forme de Rama ou Krisna. Les poètes du premier groupe sont connus sous le nom de sant ; ce sont en général des laïcs de basse caste exerçant des métiers manuels ; ils ne connaissent pas le sanskrit et s'expriment en langue populaire : le plus célèbre d'entre eux, Kabir (1440-v. 1518), tisserand, se moque des signes extérieurs de la religion, ainsi que des faux sages dont il dénonce l'hypocrisie et l'iniquité. La plus grande partie de son œuvre transmise oralement a été regroupée dans le Bijak. On y trouve des compositions de formes diverses : pada (stances), sabda (paroles sous forme de petits versets) dans une langue hétérogène, variété de hindi khari boli comportant des emprunts au vocabulaire arabo-persan. Kabir et ses disciples (kabir panthi) sont profondément monothéistes. Raidas (vers 1445-1475), dont une quarantaine de vers sont inclus dans l'Adigranth des sikhs et Dharmadas (fin XVe s.) mettent ainsi l'accent sur l'amour divin. Le guru Nanak (1469-1539), fondateur de la religion sikh au Penjab, appartient à cette tendance ainsi qu'un autre fondateur de secte, Dadudayal (1602-v. 1660) : considérant Dieu comme transcendant, dénué de forme, ils le saluent du nom de sattaram.

   Les poètes soufis ont apporté une contribution importante à la littérature hindi : poèmes narratifs (premakhyan) dans lesquels l'amour humain est symbole de l'amour divin. Malik Mohammad Jayasi (XVIe s.) est ainsi l'auteur d'un long poème allégorique intitulé Padmavat, écrit en avadhi (hindi oriental). D'autres premakhyan importants sont Citravali (1613) de Usman, fils du sheik Husain, Jñandip de Sheik Nabi (première moitié du XVIIe s.), et enfin Indravati composé en 1744 par Mir Mohhammad.

   La littérature saguna peut se diviser en deux branches : les œuvres dédiées à Rama et celles dédiées à Krisna. La première se rattache plutôt à l'héritage spirituel de Ramananda. Le plus grand poète est Tulsidas (1532-v. 1623), dont l'œuvre majeure, le Ramayana, est à la base de toute une culture et morale populaire. Lu à haute voix dans les familles, ce texte a façonné le caractère et les croyances de millions d'hindous ; cette œuvre novatrice fondée sur un thème ancien exprime les idées et les sentiments de l'hindouisme tel qu'il est compris et ressenti à son époque. Une forme de théâtre populaire, le Ramlila, est fondée sur la représentation de certains épisodes. D'autres auteurs reprennent cette histoire sous une autre forme, ainsi Prancandcauhan, auteur d'un Ramayana théâtral, et Hridayaram d'un Hanuman.

   La littérature krisnaïte est composée principalement en braj et s'exprime en mètres très divers. Les huit poètes surnommés astachap (« les Huit Sceaux ») sont les plus célèbres. Parmi eux, Surdas (1483-1563) tient une place importante : son œuvre, le Sursagar, fondé partiellement sur le livre X du Bhagavata Purana, ne révèle toute sa saveur qu'interprétée par un bon chanteur comme devait l'être Surdas. Parmi les autres poètes, Nandadas (vers 1533-1586) est sans doute le plus important avec deux œuvres principales, la Rasapañca-dhyayi et les Bhãvargit (« Chansons de l'abeille ») ; la première décrit les jeux de Krisna avec les bergères (rasalila) symbolisant les relations de Dieu avec les âmes individuelles, et la deuxième développe la symbolique érotique propre à cette littérature. Parmanandas (1493-1583) n'a laissé que des poèmes isolés ultérieurement regroupés dans des recueils. La poétesse rajasthani Mirabai (vers 1498-1546) représente aussi la poésie érotico-mystique krisnaïte : ses pada sont fréquemment chantés dans l'Inde contemporaine ; en accord avec chaque raga musical, elle exprime des sentiments passionnés pour Krisna et son mépris du monde matériel.

   Il convient de faire une place particulière aux poètes de la cour moghole, hindous ou musulmans. En effet, les uns et les autres empruntent fréquemment leur sujet à la geste de Krisna. Abdul Rahim Khankhana (1556-1626) était également versé dans les deux cultures hindoue et islamique : ses compositions poétiques attestent l'influence de la poésie sanskrite, ornements poétiques (alamkar), plaisir esthétique (rasa), description de l'héroïne selon son genre (nayika-bhed). De même, Ganga (1538-v. 1625) et Vidyapati (XIVe s.), auteurs de chants d'amour composés en maithili (dialecte bihari).

   Avec Kesavdas (XVIe s.) s'ouvre la période de la poétique hindi savante liée à la poétique sanskrite, sur les deux plans théorique et pratique (Rasikapriya, Kavipriya, Ramcandrika). Cinta-mani Tripathi (début XVIIe s.) est aussi l'auteur de plusieurs traités poétiques et d'un ouvrage sur une forme en vieux braj, le pingal. Maharaj Jaswant Singh (1626-1678), roi du Marwar, contemporain de l'empereur Shah Jahan, traite dans son Bhasabhusan (« Ornement de la langue ») des alamkara avec beaucoup de compétence technique. Le plus renommé est sans doute Bihari Lal (XVIIe s.), auteur des 700 strophes du Bihari Satsai dont chacune peut donner lieu à trois interprétations différentes.

   Le XVIIIe s. est marqué par une certaine préciosité de la poésie en langues vernaculaires qui se développe dans diverses écoles à Delhi et Lucknow. Il annonce aussi les grands bouleversements du siècle suivant.