Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
V

Villemain (Abel François)

Critique et homme politique français (Paris 1790 – id. 1870).

Professeur couronné par l'Université (il enseigna l'éloquence française à la Sorbonne de 1816 à 1828) et l'Académie française, il fut avant tout un conférencier mondain raillé par Stendhal pour le caractère convenu de ses idées comme de son style. Figure importante du parti libéral et politique influent, il s'attacha à la réforme de l'enseignement secondaire et, à travers ses cours, tableaux et études de littérature, tenta de promouvoir la critique historique et comparée.

Villiers (Claude Deschamps, dit de)

Acteur et auteur dramatique français (vers 1600 – Chartres 1681).

Comédien spécialisé dans les rôles de valet, membre de diverses troupes (du Marais, puis de l'hôtel de Bourgogne), il écrivit une tragi-comédie, le Festin de pierre ou le Fils criminel (1660), une des sources du Don Juan de Molière, et des comédies burlesques (l'Apothicaire dévalisé, 1660 ; les Ramoneurs, 1662).

Villiers (Gérard de)

Écrivain français (Paris 1929).

Grand reporter, il crée en 1965, dans S.A.S. à Istanbul, le personnage de Malko Linge, mercenaire cynique et désabusé, devenu un héros mythique à l'instar d'OSS 117 ou de 007. Le succès est dû à un savant dosage de violence, d'érotisme, de documentation touristique et géopolitique (S.A.S. broie du noir, 1967 ; l'Ange de Montevideo, 1973 ; Putsch à Ouagadougou, 1984 ; Vengez le vol 800, 1997).

Villiers (Pierre de)

Écrivain français (Cognac 1648 – Paris 1728).

On lui doit des poèmes (l'Art de prêcher, 1682 ; De l'amitié, 1692 ; Ode sur la solitude, 1704 ; Stances sur sa vieillesse, 1726), des ouvrages édifiants, une comédie en musique destinée au théâtre des Jésuites (les Moines, 1709), des essais (Entretiens sur les contes de fées, 1699, Traité de la satire, 1695 ; Lettre critique sur l'éloquence et la poésie, 1703 ; Épître sur l'opéra et sur les autres spectacles, 1711) et un beau roman critique (les Mémoires de la vie du comte D***, 1696).

Villiers de L'Isle-Adam (Philippe de)

Poète et prosateur français (Saint-Brieuc 1838 – Paris 1889).

Issu d'une très ancienne famille aristocratique ruinée par la Révolution et par les fantaisies d'un père chercheur de trésors, Villiers connaîtra la gêne et même la misère. Son parcours littéraire commence par des vers parnassiens ; il publie en 1858 deux essais de poésie, puis les Premières Poésies en 1859. H. du Pontavice de Heussey lui fait découvrir Hegel ; il sera toute sa vie tenté par un syncrétisme qui concilierait la philosophie idéaliste et la foi catholique. Par ailleurs, il est initié par Baudelaire à l'ironie, qui sera une des dominantes de son écriture. Il collabore à la Revue fantaisiste, fondée par Catulle Mendès avec qui il est très lié ; il publie en 1862 Isis, roman à la croisée de la philosophie et de l'histoire, qui évoque la Florence des années 1780 et l'ambition démesurée de l'héroïne Tullia Fabriana, qui rêve de domination universelle. Cette œuvre se caractérise par une écriture flamboyante et précieuse qui rappelle l'écriture artiste des Goncourt ; les thèmes abordés apparaissent comme des constantes de son imaginaire : tentation de l'occultisme, dénonciation du progrès et préoccupations religieuses. Villiers est écartelé entre des crises mystiques qui le conduisent à des retraites à l'abbaye de Solesmes (1862-1863) et une vie de bohème en compagnie d'actrices. Il fréquente des salons littéraires comme celui de la marquise de Ricard, de Leconte de Lisle et de Nina de Villars, où il rencontre Charles Cros et Manet ; il se lie d'amitié avec Mallarmé. Les cercles littéraires voient en lui un génie, mais le succès auprès du public ne vient pas ; cette déception d'auteur, ainsi que de nombreux déboires sentimentaux n'entament pas son combat littéraire. Villiers lance la Revue des lettres et des arts (octobre 1867 – mars 1868), à laquelle collaboreront Mallarmé, Verlaine, Hérédia, Leconte de Lisle, Mistral, et où il publie des articles de critique ainsi que ses premiers contes : « L'Intersigne », « Claire Lenoir » où apparaît le personnage de Tribulat Bonhomet, incarnation type du bourgeois rationaliste et férocement ennemi de l'idéal et des artistes, symboliquement « tueur de cygnes ». Villiers s'essaie au théâtre en faisant représenter la Révolte en 1870, qui fut un fiasco. Ce drame bourgeois, intimiste, mêlant réalisme et symbolisme, décrivait la révolte d'une épouse de boutiquier qui étouffait dans un milieu trop matérialiste et aspirait à l'Idéal, mais la jeune femme, prisonnière de son milieu et de son passé, échouait dans sa tentative. Villiers, d'abord favorable à la Commune, finit par la condamner. L'écrivain entreprend un poème dramatique en prose, Axel, écrit entre 1872 et 1885, publié en 1890. Cette œuvre, divisée en quatre parties (le Monde religieux, le Monde tragique, le Monde occulte, le Monde passionnel), est l'histoire de la quête de l'absolu par deux âmes trop grandes pour les réalités du savoir et de la richesse et qui choisissent la mort pour ne pas briser leur rêve. La filiation d'Axel avec le drame romantique est évidente dans le décor (le couvent, le château et la crypte), dans le souci du geste théâtral, dans les longues tirades lyriques et même dans les personnages. Mais cette esthétique a été revivifiée par le spectacle des drames de Wagner. Villiers s'inspire de la théorie allemande de la tragédie totale où est débattu tout le sens de l'existence humaine dans une œuvre plus métaphysique que psychologique. Il participe également en avril 1875 à un concours destiné pour la célébration du centenaire de l'indépendance des États-Unis, en écrivant un drame, le Nouveau Monde, exaltant les vertus de la jeune nation, qui est couronné. Il collabore à de nombreuses revues où paraissent des contes et des nouvelles qui seront ensuite rassemblés en recueil. Ces activités ne l'empêchent pas de connaître des conditions de vie de plus en plus précaires qui l'obligent parfois à faire les métiers les plus singuliers : la légende lui prête d'avoir été partenaire d'un boxeur à l'entraînement ou fou guéri chez un psychiatre. En septembre 1880 commence la publication de l'Ève nouvelle dans le Gaulois ; elle se poursuit dans l'Étoile française de décembre 1880 à février 1881. Mais, dès cette époque, Villiers n'est plus aussi seul. Une humble femme de ménage, Marie Dantine, s'est attachée à lui et tente de le soulager du poids des servitudes quotidiennes ; le 10 janvier 1881 naît Victor, que Villiers reconnaîtra sur son lit de mort. Mallarmé, qui est désormais installé rue de Rome, inaugure la pratique des Mardis, où Villiers paraît en habitué. En 1882, celui-ci retrouve Verlaine, qu'il fréquente occasionnellement. Enfin, la jeune génération (Lavedan, G. de Malherbe) s'intéresse à lui. Ce sont les prémices d'un mouvement qui va s'amplifiant, scandé par ses livraisons régulières à un éventail de revues de plus en plus large : contes et histoires paraissent au Beaumarchais, à la Comédie-Française, à la Vie artistique, à Panurge, à Gil Blas (où il publie depuis août 1884 les textes des futurs Nouveaux Contes cruels), à la Journée, à la Revue contemporaine (avec Akëdysseril en juillet 1885, un conte oriental sur le thème de la Liebestod), à la Jeune-France (version complète d'Axel), à la Vie moderne (publication de l'Ève future de juin 1885 à mars 1886). À partir de 1886, enfin, les œuvres de Villiers paraissent régulièrement en volumes : chez de Brunhoff, l'Ève future en mai 1886, puis Akëdysseril et l'Amour suprême en juillet 1886 ; chez Tresse et Stock, Tribulat Bonhomet en mai 1887 ; à la Librairie moderne, les Histoires insolites en février, et à la Librairie illustrée, les Nouveaux Contes cruels en novembre 1888. En ces années 1880, Villiers aura ses compagnons de misère : c'est, avec Huysmans et Bloy, l'époque du « concile des gueux ». Une tournée de lecture et de conférences en Belgique (février-mars 1888) achève de compromettre sa mauvaise santé ; atteint d'un cancer, il est admis à l'hospice des Frères Saint-Jean de Dieu à Paris ; il y épouse Marie Dantine le 14 août et meurt le 18 août 1889.

Contes cruels (1883). Ce recueil de vingt-sept contes, suivi des Nouveaux contes cruels et des Histoires insolites (1888), présente une très grande variété de genres et de tons ; alternent des pages de prose poétique « Fleurs des ténèbres », des scènes de dialogue parodique « Virginie et Paul », des fables à la signification symbolique « le Convive des dernières fêtes », « la Machine à gloire ». Certains sont fortement marqués par l'idéalisme « Véra ». L'humour grinçant est omniprésent ; Villiers fait de l'ironie un principe structurant, feignant de louer pour mieux critiquer ; ses cibles privilégiées sont les bourgeois, l'esprit positif et l'illusion du progrès. L'écrivain dit sa nostalgie des temps anciens, des âges aristocratiques où l'on respectait les valeurs religieuses.

L'Ève future (1886). L'ingénieur Edison sauve du suicide un jeune lord tombé amoureux d'une actrice particulièrement belle, mais dont l'âme est profondément vulgaire, en fabriquant une andréide exacte réplique physique de la jeune femme, dotée des plus belles qualités intellectuelles et spirituelles. L'automate est animé par l'esprit d'une femme tombée en léthargie. Dans cette œuvre, Villiers développe sa conception de l'illusionnisme, qui mêle les théories occultistes et la pensée idéaliste de Hegel aux inventions de la science-fiction.