Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
B

Braddon (Mary Elizabeth)

Romancière anglaise (Londres 1835 – Richmond 1915).

Après une brève carrière sur les planches, elle devient la concubine de l'éditeur John Maxwell, dont l'épouse est enfermée dans un asile psychiatrique. Elle accède du jour au lendemain à la célébrité grâce à son Secret de lady Audley (1862), dont la fascinante héroïne cumule usurpation d'identité, tentative de meurtre et folie héréditaire. Nouveau triomphe avec Aurora Floyd (1863), qui fait d'elle la reine du roman « à sensation ». La Femme du médecin (1864) acclimate Madame Bovary en Angleterre, le scandale en moins. Dans la deuxième partie de sa carrière (quatre-vingts romans en tout), la plume de Braddon, toujours vigoureuse, se fait plus nettement satirique.

Bradford (William)

Colon et historien américain (Austerfield, Angleterre, 1590 – Plymouth, Massachusetts, 1657).

Un des « Pilgrim Fathers » du Mayflower, il entreprit, en 1630, d'écrire l'histoire de l'installation dans le Nouveau Monde des puritains anglais, identifiée à l'histoire du peuple élu (Histoire de la plantation de Plymouth, publiée en 1856) : le présupposé théologique ne nuit pas à la qualité de l'information.

Braga (Teófilo)

Écrivain et homme politique portugais (Ponta Delgada, Açores, 1843 – Lisbonne 1924).

Historien littéraire et théoricien politique, il fut le principal animateur de la « génération de 70 ». Marqué par l'esprit positiviste et laïque qui prépara l'avènement de la République, dont il fut un des premiers présidents (1915), il a étudié la culture populaire de son pays tout en la replaçant dans une perspective européenne (Contes traditionnels du peuple portugais, 1883).

Bragard (Henri)

Écrivain belge d'expression wallonne (Malmédy 1877 – camp de concentration d'Oranienburg 1944).

Patriote de la Wallonie malmédienne, petit canton de l'Ardenne liégeoise que le traité de Vienne (1815) avait incorporée arbitrairement au royaume de Prusse, Bragard, comme poète wallon et publiciste d'expression française, se fit le défenseur de la minorité ethnique menacée par la germanisation. Animateur à partir de 1899 du « Club wallon » de Malmédy et de ses publications, il rénova la tradition dialectale tout en illustrant, avec son théâtre poétique, le visage captivant de la région-frontière des Hautes Fagnes.

Brahmana

Textes en prose sur le rituel védique, composés en sanskrit par des prêtres (entre le Xe et le VIe s. av. J.-C.).

Ils traitent de l'origine et du sens des sacrifices védiques, au moyen d'explications linguistiques, de mythes et de spéculations philosophiques (incluant les Aranyaka et les Upanisad). Au Rigveda correspondent les Brahmana Aitareya, le Kausitaki ; au Yajurveda, le Taittiriya et le Satapatha ; au Samaveda, le Praudha et le Jaiminiya... ; à l'Atharvaveda, le Gopatha.

Brainin (Reuben)

Écrivain d'expression yiddish et hébraïque (Lyady, Biélorussie, 1862 – New York 1939).

Attiré par les courants modernistes de la littérature européenne, il chercha à ouvrir l'hébreu à des formes et à des thèmes nouveaux. Collaborateur à plusieurs journaux (Ha-Melitz, Ha-shiloah), il fonda même Mi-Mizrah u-mi-Maarav (1892) à Vienne et Ha-Deror (1909) à New York. Séduit par le communisme, il approuva l'installation des Juifs russes au Birobidjan, s'écarta du sionisme de ses débuts et de l'hébreu et écrivit pour les journaux yiddish (Œuvres choisies, 1922-1940).

Bräker (Ulrich)

Écrivain suisse de langue allemande (Näbis im Toggenburg 1735 – Wattwil 1798).

Dans son principal ouvrage, la Vie et les Aventures véridiques du pauvre homme du Toggenburg (1789), il relate son existence misérable : berger, puis valet, il est enrôlé de force dans l'armée prussienne et déserte au cours de la première bataille de la guerre de Sept Ans (1756) ; de retour au pays, il mène une vie difficile, mais il se cultive, lit Shakespeare et commence à écrire. Cette autobiographie est un document précieux qui montre à la fois une personnalité d'écrivain « naïf » et un tableau de la société du XVIIIe s. saisie d'en bas.

Brakman (Willem Pieter Jacobus)

Écrivain hollandais (La Haye 1922 – Boekelo 2008).

Son expérience de médecin transparaît dans ses romans, où les perversions du désir rejoignent les échappées de l'esprit (Un voyage en hiver, 1960 ; le Mort obéissant, 1964 ; le Biographe, 1975 ; Six contes subtils, 1979 ; Un week-end à Ostende, 1982 ; la Gifle, 1984).

Brancati (Vitaliano)

Écrivain italien (Pachino, Syracuse, 1907 – Turin 1954).

Ses romans proposent une vision grotesque des mythes érotiques d'une mini-société sicilienne (Don Juan en Sicile, 1942 ; le Vieux avec les bottes, 1945 ; les Ardeurs de Paolo, 1955 ; Rêve de valse, posthume, 1982). Dans le Bel Antonio (1949, adapté au cinéma par Bolognini en1960), le machisme plonge dans l'absurde : le bel Antonio Magnano, élevé dans le culte de la virilité, est impuissant. Son théâtre reprend ce goût caricatural (la Gouvernante, 1952).

Brandao (Raul)

Écrivain portugais (Foz do Douro 1867 – Lisbonne 1930).

Exploitant le côté grotesque de la souffrance humaine, particulièrement dans ses poèmes en prose (Farce, 1903 ; les Pauvres, 1906), il écrivit des chroniques, des Mémoires (1919-1933) et du théâtre (le Gueux et l'Ombre, 1923).

Brandes (Georg)

Critique danois (Copenhague 1842 – id. 1927).

Il proclame dans son premier ouvrage (le Dualisme dans notre récente philosophie, 1866) un athéisme influencé par Feuerbach. Un séjour à Paris lui fait découvrir Taine et Sainte-Beuve au contact desquels il se débarrasse du discours universitaire pour s'adresser directement au public. Critique de l'hebdomadaire Illustreret Tidende, il déploie comme journaliste sa faculté critique face aux questions sociales : « Soumettre les problèmes à la discussion », tel est son mot d'ordre. Réclamant un langage nouveau et concret, il fait la chasse aux épigones des romantiques ; ces articles, réunis dans Études esthétiques (1868) et Critiques et Portraits (1870), sont complétés par sa thèse sur Taine (l'Esthétique française d'aujourd'hui, 1870). Brandes est avant tout homme de liberté, comme il ressort de sa série de conférences, Principaux Courants de la littérature européenne du XIXe siècle, qui débuta le 3 novembre 1871 pour se terminer seulement en 1890 : c'est une date importante dans l'évolution de toutes les littératures scandinaves, car Brandes exerça bientôt une influence décisive non seulement au Danemark, mais aussi en Suède et en Norvège. Traducteur de l'ouvrage de Stuart Mill sur l'oppression de la femme, il soutenait qu'on ne pouvait réprimer l'instinct sexuel sans amoindrir l'homme. L'évolution de Brandes le rapprocha de Nietzsche (Radicalisme aristocratique, 1889 ; la Bête dans l'homme, 1890). Ses recueils de souvenirs (Vie I-III, 1905-1908), ses études sur les grands hommes (William Shakespeare, 1895-1896 ; Goethe, 1914-1915 ; Voltaire, 1916-1917 ; Caius Julius Caesar, 1918 ; Michelangelo Buonarotti, 1921) ou ses pamphlets contre le judéo-christianisme (la Légende de Jésus, 1925 ) témoignent de cet attrait de plus en plus fort pour les individualités exceptionnelles, de cette conception de plus en plus polémique de l'art, qui subjugua plusieurs générations d'écrivains et de lecteurs.